tout sur l'entraînement - l'adaptation (expert)
   

 

 

L'objectif d'un entraînement à portée compétitive est de réaliser un ajustement entre un milieu donné (l'épreuve de compétition) et un organisme (le coureur). L'ensemble des modifications corporelles qui accompagne cette accommodation prend le nom d'adaptation. Nous vous présentons, ci-dessous, un condensé de la notion d'adaptation biologique appliquée d'abord à une espèce vivante quelconque puis centrée sur le coureur à pied.


1 L'adaptation biologique

1.1 Définition

Est adapté un être vivant qui est. Cette définition s'appuie sur la contribution du biologiste français Henri Laborit pour qui la fonction d'un être c'est d'être. Or si cet être se maintient en vie et se reproduit c'est parce qu'il a réalisé un ajustement de ses fonctions biologiques avec les conditions extérieures.

Explications

Pour faciliter notre compréhension, découpons le monde en deux. Un organisme composé de systèmes fonctionnels, d'organes, de molécules. et un milieu extérieur appelé aussi environnement. L'organisme et le milieu agissent l'un sur l'autre de telle manière qu'ils se transforment mutuellement. Bien que cette transformation se fasse dans les deux sens, c'est principalement le milieu qui s'impose à l'organisme. Nous nous limiterons, par la suite, à ce cas de figure où le milieu extérieur "forme et transforme" l'organisme. Partant de ce découpage interne / externe et de cet aller simple de l'externe (milieu) à l'interne (organisme), passons à la deuxième étape ; la transformation de l'organisme.

Nous savons que la vie ne peut durer qu'à l'intérieur de limites étroites qui définissent une zone de stabilité des conditions internes. Tout organisme doit, sous peine de mort, maintenir une certaine constance de son milieu intérieur, constante également appelée homéostasie. Or l'environnement dans lequel il vit, est le siège de fluctuations plus ou moins importantes (chaleur, humidité, vents.) qui se répercutent sur l'organisme. Pour maintenir sa "stabilité" dans cet environnement changeant, l'organisme doit disposer d'une source d'énergie.

Cette source, il la puise dans les aliments grâce à la mise en œuvre de réactions chimiques et de fonctions physiologiques.
Le travail que cela représente s'accompagne d'une modification des fonctions biologiques - régulations nerveuses, hormonales -, d'une réorganisation des composants impliqués. Ces transformations signent le processus dynamique appelé, par le biologiste Lucien Cuénot, adaptation biologique régulatrice. Le milieu exerce une action sur l'organisme lequel réagit en modifiant son organisation interne de manière à préserver, à terme, la stabilité de son milieu intérieur. Cette réorganisation va dans le sens d'une "mise en concordance" d'une structure biologique - l'organisme - avec une structure plus vaste - l'environnement. Tout se passe comme si l'environnement était progressivement appris, mis en mémoire, à l'intérieur de l'organisme. D'ailleurs les termes "adaptation" et "apprentissage", bien qu'ils soient utilisés dans des domaines différents - respectivement la biologie et les sciences cognitives - renvoient exactement aux même processus.

1.2 Ambiguïté du concept d'adaptation

  • Le concept d'adaptation est délicat à utiliser. Il s'applique à deux phénomènes : un processus et un état. Le processus dynamique correspond aux transformations du substrat vivant. L'état représente l'adéquation plus ou moins marquée entre un organisme et un environnement. Cette ambivalence est toujours présente et nécessite, à chaque fois que le terme "adaptation" apparaît dans une phrase, de se demander à quel champ il s'applique. La première acception s'apparente à une évolution tandis que la seconde se rapporte à un état.
  • Une critique : le simple fait d'être en vie signifie être adapté. Cette définition donne à l'adaptation une connotation tellement large qu'elle inclut toutes les manifestations de la vie. Or quand un concept embrasse tout, il ne distingue plus rien et devient inopérant. Pour remédier à ce problème, il nous faut distinguer des niveaux d'adaptation.

1.3 Niveaux d'adaptation

On entend dire que telle espèce est mieux adaptée que telle autre (remarque il s'agit ici de l'adaptation-état). Là encore, un tel classement doit être utilisé avec précaution tant il n'est établit qu'en référence à un environnement bien précis. Le faucon est plus adapté au vol, donc à l'espace aérien, que la poule. En revanche, une fois sur le plancher des vaches, le classement s'inverse, la poule se débrouille mieux. Un être vivant est plus ou moins adapté à un environnement précis. Dans ce milieu, sa bonne adaptation se traduit par une grande efficacité de certains comportements - rapidité du vol ; moindre fatigue pour un vol effectué à une vitesse donnée. Le problème d'une adaptation poussée est que le plus souvent elle s'accompagne d'un corollaire qui peut s'avérer tragique, le défaut d'adaptabilité.

1.4 L'adaptabilité

L'adaptabilité fait directement référence à l'adaptation-processus. En effet, elle représente la facilité avec laquelle un être vivant parvient à modifier son organisation biologique en réponse à un changement de l'environnement. L'adaptabilité suppose une grande sensibilité aux influences du milieu ainsi qu'une plasticité (malléabilité) importante des fonctions biologiques. Elle se traduit par la rapidité avec laquelle un organisme dont la stabilité a été perturbée retrouve un nouvel équilibre. A titre indicatif, l'adaptation à un nouveau milieu est appelée par les biologistes accommodation. Quand des espèces ou des groupes entiers s'installent à long terme dans un nouvel environnement, on parle alors d'acclimatation ou de naturalisation (Cuénot). Mais ce ne sont là que des termes. L'important reste de savoir à quoi on applique un mot quel qu'il soit.

En général, l'adaptabilité s'avère antinomique avec l'adaptation. Il existe une loi en biologie - dite loi de Dollo - qui pose l'irréversibilité de l'adaptation à base génétique. Pareil au courtier en bourse qui aurait misé tout son argent sur une seule action, l'espèce qui s'est spécialisée à un milieu précis, se trouve fort dépourvue quand un changement est venu. Très adaptée, elle est devenue inadaptable. L'adage qu'on pourrait tirer de cette loi serait : "Être "fort" dans un milieu donné c'est être "faible" dans un milieu différent" et ce d'autant plus que la différence est importante. Que ses conditions d'existence se maintiennent et une espèce peut proliférer en s'accommodant de manière très fine à ses conditions de vie. C'est le cas de la parfaite symbiose de bactéries extrêmophiles aux eaux en ébullition des sources chaudes des profondeurs abyssales. Que son milieu change et l'espèce est condamnée à disparaître comme ont disparu les dinosaures dans le climat agité des années 165 millions avant aujourd'hui.

Semblables au physicien nucléaire qui saurait tout sur l'atome et rien en dehors, il est des espèces hyper spécialisées dans leur milieu mais inaptes à tout autre environnement. Pareils au physicien généraliste qui sauraient un peu tout sur tout sans rien maîtriser à fond, il est des espèces capables de se débrouiller dans nombre de milieux sans jamais être ni les plus véloces, ni les plus endurantes. Le choix est simple : tout sur rien ou rien sur tout ; adaptation ou adaptabilité.

L'adaptation signifie simplement l'efficacité dans un contexte donné. Le revers de la médaille est la dépendance vis à vis de ce contexte et donc la vulnérabilité en cas de changement. Ce double mécanisme est particulièrement bien illustré par l'exemple des écrevisses.

Les écrevisses dont nous parlons vivent au grès des marées qui se renouvellent selon un rythme semi-diurne - deux hautes mers en 24h. Ces écrevisses ont donc une activité importante à environ 13h et 24h (en temps absolu). Les scientifiques ont enlevé ces écrevisses de leur milieu pour les placer dans leur laboratoire obscur au bord d'une eau plane. Les petites bêtes ont alors révélé un comportement étonnant. Certaines écrevisses se sont mises en mouvement toutes les 13h tandis ce que les autres n'ont bougé que toutes les 24h. Bien que dans leur milieu naturel, les écrevisses se débrouillent avec les marées 13h et 24h, leur organisation biologique répondait préférentiellement à un cycle ou à l'autre. Le plus surprenant est intervenu quand les scientifiques ont simulé des marées de périodes différentes de 13h ou 24h. Les écrevisses ont eu alors un comportement incohérent, désordonné, chaotique et ce d'autant plus que le cycle imposé était différent de leur "cycle interne". Dans ce cas, l'adaptation aux nouvelles conditions était d'autant plus difficile, que la "connivence" entre le milieu naturel et les écrevisses était inscrite dans les gènes. Lorsque l'adaptation (processus) d'une espèce n'est pas génétiquement déterminée, l'accommodation à un nouvel environnement n'en reste pas moins difficile que l'adaptation précédente (état) était fine.

Dans ce qui suit, nous ne nous étendrons plus sur l'intervention ou non d'une composante génétique à l'adaptation. Nous parlerons uniquement d'adaptation (processus) - laquelle correspondra à une évolution - et d'adaptation (état). Ces deux mécanismes sont intégrés de manière intuitive par le modèle des paysages adaptatifs.

1.5 Les paysages adaptatifs

Imaginez : vous arrivez au sommet du mont "aptare" ; devant vous s'étend un paysage fait d'une multitude de reliefs - pics, vallées, plaines, dépressions - plus ou moins marqués. Devant vous s'étend un paysage de montagne mais aussi un paysage adaptatif. Comment faire le passage de l'un à l'autre ? Posez que l'altitude est l'inverse du niveau d'adaptation. Plus vous êtes haut, moins vous êtes adaptés et inversement. Introduisez, dans ce paysage, une bille qui fasse office d'être vivant. Soumettez ce joli tableau à quelques tremblements de terre et voilà ; le tour est joué. Tous les mécanismes de l'adaptation sont présents à vos yeux.

Par simple loi d'attraction, la bille est attirée dans les creux appelés par ce fait bassins d'attractions (région à partir de laquelle le mouvement descendant mène jusqu'au point bas ). Si la bille entre dans un bassin d'attraction elle va atteindre le fond de ce bassin. Une fois dans ce creux elle est coincée, elle a une certaine stabilité. On dirait de l'espèce représentée par la boule qu'elle est adaptée au milieu local. Pour déloger la bille, il faut générer une force suffisamment importante pour lui donner l'énergie nécessaire pour lui permettre de franchir la barrière de monts qui l'entoure. En Dieu du jeu, vous avez la possibilité de soumettre la région à des tremblements de terre. Première secousse, le sol bouge, la bille se met à osciller dans le creux sans franchir les bords du bassin. Mieux encore, le mouvement a légèrement creusé la terre, faisant le bassin un peu plus profond. En explorant son milieu dans des limites étroites, notre espèce a légèrement accru son adaptation au milieu. Deuxième secousse, plus violente ; la bille se meut à nouveau, dépasse les monts l'entourant et commence une course folle qui l'amène à explorer plusieurs fonds, plusieurs sommets avant de se stabiliser - cas où tout se passe bien pour elle - au niveau d'un bassin plus profond que le premier ; un bassin aux bords longs et pentus. Voilà notre espèce plus adaptée, mais aussi moins adaptable - les bords sont si hauts. Remarquez que pour en arriver là, notre espèce est passée, au moment de franchir les monts, par des phases de moindre adaptation.



Les paysages adaptatifs : la bille bleue représente une espèce vivante ; l'altitude qu'elle atteint est inversement proportionnelle à son niveau d'adaptation. L'espèce est la mieux adaptée quand la bille est "basse dans les creux". La bille peut changer de lieu sous l'effet de tremblements de terre qui représentent les effets du milieu sur l'espèce.

Deux interprétations
Tel que nous avons conçu le modèle, la valeur adaptative est représentée par le paysage extérieur. L'espèce vivante n'a d'autres solutions que de s'élancer aveugle, à la recherche d'un milieu propice. Cette quête fait penser au déplacement des espèces fuyant un milieu devenu ingrat pour trouver, ailleurs, des conditions plus favorables. Dans ce cas, c'est l'extérieur qui change. Comme nous avions dit que nous nous limitions à l'effet de l'environnement sur l'organisme, nous devons interpréter le modèle en référence à l'organisation interne de cet organisme. Les mouvements de la bille sont alors les modifications des composants biologiques et de leurs relations à l'intérieur de l'être vivant.

Pour s'adapter à un même milieu, ces transformations biologiques peuvent être différentes entre les individus et entre les espèces. Cependant, toutes les alternatives ne sont pas possibles. L'adaptation à un milieu donné implique une convergence des changements biologiques.

1.6 L'adaptation convergente

Un même milieu naturel est occupé par plusieurs espèces vivantes qui ont réalisé un ajustement plus ou moins fin de leur organisation biologique au milieu. Nous concevons que cet ajustement soit le résultat de mécanismes fort complexes qui diffèrent d'une espèce à l'autre. Or, en dépit de ces variations, certaines adaptations se retrouvent chez la plupart des individus peuplant le même milieu. Cuénot a appelé ces similitudes adaptations statistiques ou éthologiques. Le terme statistique traduit bien le fait qu'en dépit des singularités possibles, l'adaptation suit un même mouvement général appelé adaptation convergente. Ce mouvement d'ensemble est la traduction du fait que tout n'est pas possible dans la nature. Les solutions avantageuses pour les espèces - c'est à dire celles qui assurent la survie - ne sont pas illimitées. Elles sont, en tout cas, beaucoup moins nombreuses que ne le sont les possibilités adaptatives des espèces.

Le principe d'adaptation convergente comme toutes les autres tendances de l'adaptation biologique dont nous avons parlé et que nous avons imagé se retrouve, parfois affublé de noms différents, lorsque l'on entre dans le domaine de l'adaptation en sport. Mais avant cela, veuillez trouver ci-dessous, en guise de petit résumé, une définition récapitulative de l'adaptation.

Résumé - définition
L'adaptation (processus) est une réponse biologique de régulation par laquelle l'organisme réalise un ajustement de ses fonctions à des conditions particulières de l'environnement de manière à stabiliser ses conditions d'existence. Cette stabilisation porte le nom d'homéostasie ou de constance du milieu intérieur au niveau physiologique. Elle représente un état d'équilibre dynamique des processus biochimiques qui se traduit par une constance des fonctions physiologiques et par une efficacité des comportements. L'adaptation (processus) est une évolution dans la mesure où l'équilibre de certaines variables physiologiques change et peut se situer à un niveau fonctionnel supérieur à l'état initial. Les niveaux d'adaptation (états) figurent la qualité de l'adéquation entre l'organisme et l'environnement.


2 L'adaptation biologique et les sports

Sachant que l'adaptation en sport n'est qu'un exemple d'adaptation biologique, vous ne serez pas surpris d'apprendre que l'entraînement peut être pensé sur le modèle de l'adaptation.

Quel que soit le sport pratiqué, l'objectif en compétition est d'être efficace dans un environnement donné différent des conditions habituelles d'existence. Nager n'est pas dormir. Ce que nous appelions, dans l'évolution biologique, variations de l'environnement n'est rien d'autre ici, que la séance de sprint ou le combat de boxe. Appliquée au sportif, nous donnerons à la charge de travail le nom de stimulus. L'adaptation (processus) représente les modifications d'ordre morphologiques, physiologiques, biochimiques, motrices (cognitives et affectives) de l'organisme aux charges de travail. Selon l'étendue temporelle de ces changements l'adaptation de l'organisme peut être classée en trois catégories.


2.1 L'adaptation à court terme
Cette adaptation transitoire représente la réaction immédiate de l'organisme à l'exercice. Vous commencez à courir, votre rythme cardiaque s'accélère, votre respiration s'amplifie, la température de votre corps augmente. votre organisme adapte son fonctionnement à l'exercice que vous êtes en train d'accomplir.
Le moment que nous décrivons limite l'affirmation selon laquelle la première fonction d'un être c'est d'être. Ici, tout le corps est orienté non pas vers le maintien de la constance de son milieu intérieur (homéostasie) mais vers l'action. Pour l'athlète comme pour tout organisme animal, la fonction "d'être" est assujettie à la fonction de faire, d'agir. C'est par l'action que l'individu est. C'est après le mouvement qu'intervient le rétablissement de l'équilibre biologique (voir à ce sujet, psychologie/l'être biologique).


2.2 L'adaptation à moyen terme : la surcompensation

L'adaptation à moyen terme peut être définie comme l'ensemble des procédures tendant à annuler les perturbations de l'équilibre organique causées par l'exercice physique. Elle se caractérise par le rétablissement des capacités fonctionnelles de l'organisme après l'exercice (ou les exercices). Plus qu'un retour à l'état initial, cette adaptation réalise une amélioration des capacités de l'organisme selon le processus de "surcompensation".

La surcompensation

L'activité physique s'accompagne d'une perturbation de la constance du milieu intérieur de l'organisme. Cette altération persiste bien après la fin de l'exercice. Ce n'est que progressivement que le corps parvient à retrouver une stabilité de toutes ces fonctions. Si la récupération le permet, ce retour à l'équilibre s'accompagne d'un renforcement des systèmes fonctionnels engagés dans l'exercice. Comme si ces systèmes biologiques avaient appris à mieux faire face à un éventuel retour de telles conditions de fonctionnement.
La surcompensation est le nom donné au rétablissement des systèmes fonctionnels de l'organisme à un niveau supérieur à celui d'avant exercice.

Schéma 1 : Le principe de surcompensation. Modèle type d'adaptation des qualités de vitesse, de résistance et d'endurance suite à un entraînement intense en puissance aérobie (A)

Le concept de surcompensation a été particulièrement étudié dans les anciens "pays de l'Est" - Allemagne de l'Est, U.R.S.S.). Il est intéressant pour bien saisir l'importance et surtout les limites de la surcompensation de saisir les variables sur lesquelles les scientifiques de ces pays se sont appuyés pour asseoir ce concept.

2.2.1 Surcompensation et qualités physiques

Vous avez pu voir sur les schémas que, pendant et après l'exercice, "quelque chose", que nous avons appelé vitesse, résistance, endurance, diminuait puis augmentait. Ce quelque chose est en fait un amalgame fait entre une performance réalisée dans un contexte bien précis et une qualité physique. C'est cette qualité qui est sensée être seule exprimée dans ce contexte donc sensée être responsable de la performance. Prenons un exemple. Un athlète fait un 60 mètres. Il réalise une performance au sens large du terme c'est à dire sans connotation de niveau. L'idée est que cette performance qui s'exprime à l'extérieur a son homologue interne, la qualité physique appelée vitesse. Cette qualité regroupe toute une gamme de processus chimiques, physiologiques. dont la dynamique interne est inaccessible à l'étude mais qui s'actualise par la performance. Faire une performance c'est montrer à l'extérieur, ce qu'on ne peut pas voir mais qu'on a, à l'intérieur. En découpant les exercices, sur la base des connaissances physiologiques de l'époque, les chercheurs ont aussi découpé le corps en catégories appelées qualités physiques.

2.2.2 Surcompensation et exercices

Le plus fort dans le modèle de la surcompensation est que les chercheurs ont réussi à quantifier l'impact des exercices sur les qualités physiques. Les types d'exercices, leurs intensités, les récupérations, l'état du sportif. ont été mis en relation avec l'évolution du niveau des qualités physiques. Ce travail a permis de dégager un certain nombre de tendances et de faits :

1la surcompensation dépend avant tout de la nature du travail fourni et de la charge globale de travail. Schématiquement, plus le travail est important et spécifique à une qualité , plus le temps de récupération et l'amplitude de la surcompensation sont élevés.

2pour obtenir une surcompensation, l'exercice doit avoir une intensité suffisante. En dessous d'un certain seuil, l'exercice n'a pas d'effet sur les qualités physiques.

3à niveau de travail comparable, le temps de surcompensation varie selon la qualité sollicitée. Elle intervient après :
12 à 24 heures pour des exercices de vitesse
24 à 48 heures pour des exercices de résistance
48 à 72 heures pour des exercices d'endurance (puissance aérobie)

4les exercices sollicitent toutes les qualités de manière plus ou moins marquée. Un exercice n'est jamais complètement spécifique à une qualité. La figure montre comment un exercice d'endurance aboutit à la surcompensation des qualités d'endurance bien sûr mais aussi de vitesse et de résistance.De la connaissance de l'impact des exercices à leur organisation au sein d'une programmation d'entraînement, il n'y a qu'un pas qui se franchi allègrement.

2.2.3 Surcompensation et programmation de l'entraînement

Un principe, un seul s'ajoute aux tendances dont nous venons de parler. Ce principe stipule que l'amélioration des qualités est maximale si la nouvelle sollicitation intervient pendant la phase de surcompensation. Dès 1965, L.P. Matveiev (l'orthographe de son nom varie selon les références) indiquait l'importance de combiner l'alternance des séances avec les périodes de repos de façon telle que chaque séance intervienne au moment où les capacités de travail sollicitées par une séance de même type ont été régénérées voire augmentées.


Schéma 2 : Le principe de progression par surcompensations. La répétition des séances aux moments opportuns c'est à dire pendant la phase de surcompensation permettrait une progression maximale

.

Cependant il est possible d'organiser l'alternance des sollicitations et des récupérations de façon à ce qu'un nouvel exercice intervienne sur un fond de récupération incomplète. Ce fonctionnement provoque une accumulation de fatigue censée déclencher une surcompensation plus importante appelée hyper-compensation. Dans ce cas, la série de séances est considérée comme un effort global après lequel est prévu un repos suffisant pour assurer la récupération et l'élévation de la capacité de travail. Inutile d'insister sur le fait que ce type d'organisation est extrêmement éprouvant pour l'organisme et peut le conduire rapidement à un état de surmenage. En revanche son utilisation périodique chez l'athlète confirmé, augmenterait efficacement le niveau d'entraînement.


Schéma 3 : Le principe d'hypercompensation. La répétition des séances sur une récupération incomplète conduirait à une importante élévation du niveau de performance

.

Peut-être avez vous remarqué que, depuis le début, nous avons beaucoup utilisé le conditionnel. C'est que malgré la cohérence apparente de ce modèle, il n'échappe pas à un certain nombre de critiques qui pourrait bien le rendre complètement obsolète.

2.2.4 Critiques et limites du modèle
  1. le moment de la surcompensation est impossible à connaître
    Nous avons vu que ce moment dépendait de la charge de travail appliquée, laquelle est déjà difficile à quantifier. Mais aussi, Il dépend de l'impact ressenti par un organisme lequel est quasi impossible à évaluer. Tout au plus pouvons-nous dire que si l'athlète est en forme, il y a de bonnes chances pour que le temps de récupération s'approche des chiffres fournis. Cette première critique prévient du danger qu'il peut y avoir à construire un entraînement sur la seule foi de temps de récupérations statistiques.
  2. sa mise en ouvre est impossible
    Vous savez l'importance de développer l'ensemble des qualités physiques de l'organisme. Vous décidez alors d'appliquer le principe de surcompensation pour y parvenir. Que faites-vous ? Un exercice de vitesse chaque jour puisque la récupération intervient après 12-24h. Un exercice de résistance tous les deux jours, d'endurance tous les trois jours. Votre athlète risque d'être rapidement épuisé !
    Et puis remarquez qu'en faisant un exercice d'endurance vous développez aussi la vitesse - c'est dans le modèle - alors quand placer la séance de vitesse suivante ?
    Le respect des principes de la surcompensation aboutit à une impasse. Le principe de surcompensation pour l'entraînement est impossible à mettre en ouvre. Dans la pratique, les entraîneurs et les athlètes se sont bien rendus compte du caractère irréalisable du modèle. Certaines d'entre eux ont alors adapté son utilisation. Ils l'ont confinée à certaines séances, limitée à certaines qualités.
    • Les qualités : Les transpositions dont nous parlons ont mis l'accent sur l'aspect spécifique du travail rapporté à 2 ou 3 grandes qualités. La conséquence fâcheuse fut l'absence de diversité. Il fallait travailler telle qualité par tel type d'exercice et pas par un autre. C'était la condition nécessaire pour assurer le respect du principe initial et le contrôle de l'entraînement. Beaucoup d'entraîneurs ne se sont plus donnés le droit à la fantaisie et à l'innovation, tout devait rentrer dans un cadre à la fois rationnel et contrôlable.
    • Les séances privilégiées : La période la plus usité pour sa mise en ouvre a été et est certainement encore les 3-4 jours qui précèdent une compétition. Dans le cas présent tout colle. Une seule séance, une qualité sollicitée - celle intervenant en priorité dans l'épreuve de compétition - et un seul principe : 24h pour la vitesse, 48 pour la résistance et 72h pour l'endurance maximale. Chacun se fera son opinion sur cette pratique en gardant à l'esprit l'idée selon laquelle ce n'est pas parce qu'un principe est vrai une fois qu'il est vrai chaque fois.
  3. A-t-il été démontré ?
    Les auteurs qui nous ont apporté le modèle de surcompensation n'ont donné - à notre connaissance - aucun chiffre relatif aux fluctuations du niveau des qualités physiques inférées des exercices. Si vous regardez le schéma de la surcompensation vous pouvez remarquer une échelle grossière en abscisse (axe horizontal) mais l'axe des ordonnées reste désespérément nu. D'ailleurs comment les chercheurs auraient-ils pu quantifier l'infiniment petit ? Par exemple, un sprinter progresse au mieux d'une seconde sur une année. Disons que notre athlète s'entraîne 3 fois par semaine en vitesse soit un total proche de 150 fois par an. Sa progression moyenne par séance a été de : 1"/150 = 0,006" d'une séance à l'autre. Les chronomètres ont plutôt intérêt à être précis !
    En fait, le caractère quantitatif de la surcompensation a été établit dans d'autres domaines que celui des qualités physiques et de la performance. On sait, par exemple, que l'épuisement des stocks de sucres contenus dans les muscles (glycogène) suivi de l'ingestion d'aliments riches en sucres est à l'origine d'un stockage d'une quantité de sucre plus importante que celle préalablement mise en réserve. Ce phénomène se retrouve au niveau de la structure musculaire, nerveuse. Il a été mis en évidence sur les neurotransmetteurs, les hormones, les composants du système immunitaire.

Si l'on revient au niveau des qualités physiques, le propos est plus difficile. Oui, on ira moins vite sur 60m après avoir réalisé une séance de vitesse intense qu'avant. Oui, à répéter les séances, on a toutes les chances de devenir plus fort. Mais cela ne dit rien de la dynamique adaptative sous jacente. La catégorie "qualité physique" englobe une quantité, une diversité absolument faramineuses de rétroactions chimiques, de relations entre systèmes fonctionnels. Une complexité aux antipodes de la simple quantité de sucre posée à un endroit bien choisi de l'organisme. Nous raisonnons là à des niveaux de la réalité très différents. [Nous verrons par ailleurs, que plus l'ensemble auquel s'applique un raisonnement est vaste, plus les possibilités de l'exprimer par le langage sont nombreuses, plus il est réducteur de vouloir le rapporter à une seule quantité.] Si l'on résonne au niveau des performances réalisées dans un type d'exercice alors l'ensemble redevient cohérent même s'il reste indémontré.

2.2.5 Portée du modèle

Le concept de surcompensation permet de saisir intuitivement la dynamique des performances comme le permet le modèle des paysages adaptatifs. Il amène à comprendre que pour progresser il faut travailler puis récupérer. Il nous donne des indices sur le temps minimum à consacrer à cette récupération. Sa pertinence et son utilité pratique s'arrêtent là. Au-delà, il provoque plus de problèmes qu'il n'en résout.

Nous ferons par la suite une synthèse de ce que nous retenons d'utile dans les concepts de surcompensation et d'adaptation. Mais en attendant, passons à la dernière catégorie temporelle d'adaptation en sport.


2.3 L'adaptation à long terme

La répétition des exercices amène à des changements relativement stables de l'organisme. Par exemple, suite à un entraînement en endurance; le taux de masse grasse diminue, la structure du muscle se modifie, la consommation maximale d'oxygène s'élève. Ces modifications actualisent un niveau supérieur de fonctionnalité rendant possible la réalisation d'une meilleure performance.

C'est justement de la performance que nous allons partir pour rendre compte de la dernière catégorie d'adaptation que nous aborderons : l'adaptation convergente.


2.4 Compétition et adaptation convergente

Jusqu'à présent nous parlions de l'adaptation du corps en réponse à un exercice. Le concept d'adaptation convergente nous amène à parler non pas d'une adaptation mais de la moyenne des adaptations biologiques engendrées par un type d'exercice.
Nous avons vu, dans le chapitre consacré à l'adaptation biologique, que lorsque plusieurs espèces peuplent le même milieu, un grand nombre d'adaptations se retrouvent chez la plupart des individus. Il en est de même dans l'activité physique. L'atteinte d'un niveau donné, ou tout simplement la progression, dans une épreuve sportive passe par des grandes adaptations qui se retrouvent, aux variations individuelles près, chez tous les pratiquants. Ce processus fait, qu'en moyenne, les marathoniens ont une consommation d'oxygène supérieure aux haltérophiles.

Dans tous les sports les liens ont été faits entre les adaptations biologiques moyennes des sportifs et le niveau de performance atteint. Les judokas savent que pour telle catégorie de poids ils devront soulever telle barre en développé couché. Les coureurs savent que pour être au firmament mondial du demi-fond ils doivent avoir une consommation maximale d'oxygène supérieure à 80 ml/min/kg.

Au niveau de la programmation, ces données sont utiles dans la mesure où elles fournissent les repères vers lesquels tendre pour réaliser un objectif. Cependant, elles restent statistiques et à ce titre absolument pas contraignantes. Platini n'avait aucune des qualités physiques indiquant qu'il pouvait être un bon joueur de football.
Enfin, le concept d'adaptation convergente est particulièrement intéressant lorsqu'il est appliqué à plusieurs exercices ou sports. Il permet alors de séparer les qualités spécifiques à un type d'exercice des qualités communes à plusieurs types d'efforts.

Dans la pratique, la connaissance du niveau atteint par les variables biologiques pertinentes (Consommation d'oxygène, ventilation, acidité sanguine, taux hormonaux.) est très difficilement accessible aux sportifs du quotidien. Pour eux, mais aussi pour les athlètes de haut-niveau, les corrélations les plus intéressantes sont celles établies entre l'objectif qu'ils se sont fixés et certaines séances d'entraînement ou certains tests de terrain. Nous aborderons ce sujet dans les pages de ce secteur consacrées au diagnostic (diagnostic) et au pronostic (pronostic) de la performance. Nous permettons également de faire le lien entre résultats aux tests aérobies et performances en courses d'endurance dans le secteur "votre entraînement" (votre entraînement/étape1)


2.5 En guise de conclusion

Pour finir avec ce chapitre, nous vous livrons ce que nous retenons du concept d'adaptation dans le cadre d'une programmation sportive.

  • Se préparer en sport c'est donner à son organisme les moyens de s'adapter, c'est à dire d'apprendre un milieu nouveau ; l'épreuve sportive. Cette dynamique peut s'entendre comme une mise en concordance d'une organisation biologique (interne) et d'un environnement physique (externe).
  • Il n'y a adaptation de l'organisme que si la différence entre l'interne et l'externe - les possibilités de l'athlète et l'exercice effectué - est suffisamment grande pour imposer un effort à l'organisme. A l'inverse, si l'écart est trop important l'adaptation sera très difficile voir impossible.
  • Après un effort l'organisme se "transforme". Pendant ce temps, il est désadapté donc inefficace. Ce n'est qu'après un temps de latence (récupération) qu'il retrouve et même dépasse ses possibilités initiales. Le temps nécessaire à la récupération est d'autant plus long que l'effort consenti a été important.
  • Plus l'adaptation à un milieu est fine plus l'adaptabilité à un milieu différent est difficile. En sport cela se traduit par le fait que si vous répétez les séances de vélos à 20 km/h vous serez très bon à cette vitesse pour ce sport mais plutôt mauvais à une allure différente et même très mauvais dans un sport totalement différent. Les concepts d'adaptation et d'adaptabilité sont les pendants des principes de spécificité et de diversité des exercices d'entraînement (voir dans ce secteur les principes de l'entraînement )