En suivant l'ordre prévu, la filière anaérobie acide fait suite à la filière aérobie. Voyons ses caractéristiques, les moyens permettant de la solliciter et de l'évaluer.
2 La filière anaérobie acide : la zone rouge
Si le bleu de l'air sied bien à la filière aérobie, le rouge du danger convient parfaitement à la filière acide ; voyons pourquoi. 2.1 Présentation
Arrivée à la VMA, la respiration est à son maximum. Si nous voulons aller plus vite, elle ne peut plus nous aider. Le mieux qu'elle puisse faire c'est d'essayer de maintenir son activité à son plus haut niveau. Une autre filière doit donc venir à notre secours : la filière anaérobie acide. Cette filière peut nous faire courir plus vite parce que sans oxygène, le "robinet musculaire" est capable de s'ouvrir beaucoup plus grand que lorsqu'il lui faut attendre que suffisamment d'air vienne "récupérer ses gouttes".
Le problème pour le coureur est que cette aide n'est pas gratuite. Au passage, la filière anaérobie déverse de l'acidité dans l'organisme. Or cette acidité a la propriété de bloquer la contraction du muscle. Résultat, le muscle a de plus en plus de mal à fonctionner, les jambes peinent à se lever, la vitesse doit être réduite ou la course arrêtée. Le coupable habituellement désigné est l'acide lactique. Ce substrat est, en effet, produit par la filière anaérobie. Pourtant, l'accusé est innocent. L'acide lactique accompagne mais ne provoque quasiment pas d'acidité. Mieux encore, lorsque l'organisme est très acide, il peut l'aider à se rétablir. En fait, le principal rôle de l'acide lactique est celui de navette. Il transporte son énergie d'un endroit à l'autre du corps (voir physiologie/ lactate ).
Les véritables responsables de l'acidité ce sont des petites particules appelées protons hydrogène. Ce sont elles que l'oxygène vient habituellement récupérer et renvoyer dans l'atmosphère. Mais lorsque nous voulons courir très vite, elles arrivent ; plus rapides et plus nombreuses que l'oxygène. Elles s'accumulent donc sur place sans attendre que l'on vienne les emmener au dehors ; elles vont bloquer les muscles. 2.2 Les allures de course Les vitesses les plus associées à l'acidité représentent une gamme s'étendant de 110% à 150% de la VMA. Les disciplines concernées sont principalement les 200m, 400m, 800m, 1000m et 1500m. En effet, la gêne associée à l'acidité commence à se ressentir au niveau de l'organisme après 20" de course à fond. Elle atteint son paroxysme en 40". Pour une vitesse moindre, l'accumulation est plus lente mais tout aussi difficile à supporter. Demandez aux coureurs de 800m ! Au-delà de 2 minutes de course, l'oxygène arrive un peu mieux à subvenir à l'arrivée de l'acidité.
En dépit de ce que nous venons de dire, il se peut que nous rencontrions les effets de l'acidité au début d'un footing ou au cours d'une course de semi-marathon. Souvenons-nous de ce qui se passe au niveau physiologique. D'un côté, l'acidité arrive, de l'autre l'oxygène vient l'enlever. Mais l'oxygène est pépère, il lui faut du temps pour se bouger. Voilà pourquoi vous pouvez être acide au début du footing.
Par ailleurs, l'oxygène n'est pas patient. Il n'attend pas sur place dans le cas où davantage d'acidité arriverait plus tard. L'oxygène ne fait que passer. Plus encore, il n'accepte de s'activer que si l'acidité est déjà là. Dès lors, il suffit qu'à un moment de la course - à l'occasion d'une côte par exemple - l'acidité arrive en masse pour qu'elle ne trouve personne pour l'enlever. Elle va donc s'accumuler et pouvoir accomplir ses méfaits. Le temps que l'oxygène se bouge, nous ressentirons les effets de l'acidité. Bien que l'acidité ait des effets néfastes, les coureurs qui s'expriment sur les distances comprises entre 100m et 3000m se doivent de développer la filière qui la provoque. En effet, nous avons dit que c'est le seul moyen dont-ils disposent pour courir au-delà de la VMA.
Partant des connaissances en physiologie, les entraîneurs cherchent à accroître trois types de qualités associées à l'acidité :
1 la possibilité de produire plus d'énergie en un temps donné. L'objectif est d'ouvrir encore plus grand le robinet acide. Ce type d'amélioration est l'apanage du travail qui prend le nom de puissance acide -ou puissance lactique-.
2 l'aptitude de l'organisme à endiguer la montée de l'acidité grâce, nous l'avons dit, à l'oxygène mais aussi à des systèmes annexes qui lui viennent en aide. C'est l'objectif poursuivi dans le travail appelé de capacité acide - ou capacité lactique -.
3 la capacité du muscle à continuer à fonctionner malgré la présence d'acidité. Cette qualité serait développée par les deux types de travail ; puissance et capacité. Toutefois le travail de puissance assurerait une progression plus prononcée. Voyons, à présent, les séances de course permettant de travailler l'acidité en "puissance" et en "capacité". 2.3 Les séances type
La puissance acide
Nous avons dit que les séances de puissance acide ont pour objectif de produire beaucoup d'acidité. Pour ce faire, elles supposent l'utilisation de la vitesse maximale pouvant être tenue sur des distances variant le plus souvent entre 200 et 350m. Comme le but est d'aller vite, les récupérations doivent être suffisamment longues. En général, elles ne descendent pas en dessous de 3' entre chaque course.
Une séance type pour un coureur de 800m est : 5x300m récupération 3'.
Ces séances sont difficiles à supporter quand l'acidité monte. Elles doivent être réduites ou arrêtées si le style et l'allure de course se désagrègent. Elles font progresser très rapidement mais provoquent une fatigue et des altérations musculaires qui ne sont pas sans conséquences à terme. C 'est pourquoi elles sont généralement utilisées pendant un temps limité - en tout début de travail acide ou en phase d'affûtage - et avec des coureurs de demi-fond court déjà aguerris. La capacité acide
Les séances de capacité acide visent avant tout à favoriser l'enlèvement de l'acidité. Elles sont organisées de manière à ce que acidité et processus assurant son enlèvement se retrouvent le plus possible en balance. Cela peut passer par différents types de travail. Les séances à allure régulière
Elles sollicitent les vitesses comprises entre 110 et 120% de la VMA ce qui correspond aux allures de 1500m-800m. La durée privilégiée des efforts varie de 1' à 2' ce qui équivaut - selon le niveau - à des distances comprises entre 300m et 800m.
Ces séances s'apparentent aux entraînements parfois appelés spécifiques 1500 ou spécifiques 800. Pour un coureur de 800m, une séance type pourrait être : (100+3x300) + (500-300-100) avec des récupérations réduites entre les courses - de l'ordre de 1 à 2' - et importantes entre les séries - de 6 à 12' -.
Pour aller plus vite, les séances à allure régulière peuvent se faire sur des distances moins longues mais avec plus de répétitions. Une séance pour un coureur de 1500m pourrait alors être : 2 x (6x300m) récupération 1'30" entre les courses et 4' entre les séries. les séances de variations d'allures
Dans ce type d'entraînement, la subtilité consiste à jouer sur différentes vitesses de course et sur les récupérations pour arriver à faire le "yo-yo" entre l'arrivée et le départ de l'acidité.
Les alternances d'allures peuvent être plus ou moins marquées. Elles peuvent se trouver au sein d'une même course ou entre les répétitions ; les allures peuvent être plus ou moins proches de la vitesse de compétition.
Par exemple, un 800m peut être fait sous forme de 50m à fond - 50m footing lent, un 500m être décomposé en 300m allure 110% de VMA et 200m allure 120%.
Les variations d'allures peuvent être entrecoupées de récupérations incomplètes. Une séance peut alors prendre la forme de répétitions de (400-200) avec 1' de récupération entre les deux courses et 3-4' entre les séries, le 200m étant réalisé à une vitesse plus élevée que le 400m.
Remarque : cet arrangement de séance ne se réduit pas à la capacité acide. Nous pouvons chercher à faire progresser l'allure au seuil anaérobie en alternant des passages légèrement au-dessus et d'autre légèrement en dessous de l'allure cible. Enfin d'autres astuces existent pour atteindre l'objectif que l'on se fixe.
Nous pouvons, par exemple, chercher une accumulation progressive d'acidité en réduisant progressivement les récupérations entre les courses tout en maintenant la vitesse initiale. Nous verrons dans le chapitre consacré à la programmation sur quels critères peut s'appuyer la construction d'une séance d'entraînement. Mais attardons-nous, pour le moment, sur l'évaluation simplifiée des qualités acides d'un athlète. 2.4 Evaluer les qualités acides
Attention : Cette évaluation ne concerne pas les coureurs spécialistes des distances supérieures au 5000m ! De même qu'il existe quantité de tests aérobies, l'évaluation des qualités acides peut faire appel à plusieurs épreuves. Nous nous contenterons de donner des moyens simples de savoir si un athlète a une bonne capacité à créer, résister et enlever l'acidité. La première épreuve consiste en un test de 300m à réaliser à vitesse maximale. Le 300m est balisé tous les 50m. Un chronométreur prend le temps à l'arrivée ainsi que tous les 50m. Les qualités de puissance acide sont déterminées par le temps effectué au test. La capacité à résister à la montée d'acide s'évalue en établissant la différence entre le temps réalisé au dernier 50m et le temps du 2ème 50m (dernier 50m moins 2ème 50m). Plus cette différence s'approche de 0 plus l'athlète a une bonne capacité à supporter l'acidité. Cette interprétation doit cependant être rapportée au temps total réalisé. En effet, il se peut que l'athlète ait une différence de temps faible parce qu'il n'arrive tout simplement pas à produire de l'acidité !
Encore une fois, ce test prend de l'importance uniquement si l'athlète se compare à lui-même. Si après 4 semaines d'entraînement la différence est passée de 2" à 1"2 ; bien qu'elle reste conséquente, nous pouvons estimer que le travail a porté ses fruits dans ce secteur de course. Une variation du test précédent consiste à remplacer le 300m par un 500m (épreuve de Lemon) ou un 600m (épreuve utilisée dans les années 1980, pour l'évaluation des jeunes athlètes soviétiques). Avec l'allongement des distances, c'est principalement le versant capacité de la filière acide qui est évalué. Dans le chapitre que nous venons d'aborder, nous avons signalé que l'acidité se ressent à partir d'une vingtaine de secondes courues à vitesse maximale. Est-ce à dire qu'elle n'existe pas pour des temps de course inférieurs ?
En fait, elle existe tout autant mais ces effets sont réduits et localisés. En pratique, les physiologistes des années 1960 puis les entraîneurs ont préféré les négliger. S'appuyant sur les propriétés chimiques de l'ATP (nous nous souvenons : la seule énergie directement utilisable par le muscle) et d'un composé qui lui ressemble, ils ont fondé une troisième voie énergétique. Cette voie nous la découvrons dans la page suivante : la filière anaérobie anacide (énergie anacide ).
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