Présentation du chapitre Peut-on avoir une idée précise de l'effort fourni sans disposer de chronomètre, de cardiofréquencemètre et autres appareils sophistiqués ?
Peut-on influencer les sensations à l'effort mais aussi la performance réalisée uniquement en changeant d'état d'esprit ?
Cette page apporte des réponses à ces questions et à d'autres. Elle parle du moyen le plus simple d'évaluer l'effort fourni. Elle parle de la perception subjective de l'effort (PE). Introduction
Dans les chapitres consacrés à la fréquence cardiaque et à l'acide lactique , nous traitons d'indicateurs objectifs du niveau d'effort. La perception subjective est le pendant psychologique de ces indicateurs. Ce qu'ils sont aux corps, elle l'est à la réunion de la tête et du corps.
1 Biologie de la perception de l'effort 1.1 Comment évaluer l'effort ? La première utilisation qui peut être faite de la perception de l'effort (PE) est celle qui consiste à évaluer l'impact de l'exercice sur l'organisme. Ce retentissement est vécu par la personne sous la forme d'une douleur. La méthode utilisée pour mesurer cette douleur est extrêmement simple. Elle consiste à demander au sportif d'exprimer, pendant l'exercice, le niveau de difficulté qu'il ressent. Ce niveau peut correspondre à un adjectif (facile, difficile.) ou à une note comprise entre un minimum et un maximum convenus à l'avance. Etant donné que les catégories de perception se succèdent quant au degré de difficulté qu'elles expriment, elles forment ce que les scientifiques ont appelé des échelles de mesure. Il existe de nombres échelles de PE. Echelles chiffrées en 6, 15 ou 21 points (Borg), échelles visuelles ou échelles de catégories. Par commodité, nous vous proposons l'échelle suivante :
Points
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Catégories
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1
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3
4
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très facile |
5
6
7
8 |
facile |
9
10
11
12 |
moyen |
13
14
15
16 |
difficile |
17
18
19
20
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très difficile |
Echelle de perception de l'effort Adaptée de l'échelle en 21 points de Borg, cet outil de mesure comprend vingt points répartis proportionnellement en cinq catégories de quatre points allant d'un exercice ressenti comme "très facile", à un effort évalué comme "très difficile". Le niveau 0 correspond à l'absence d'effort physique. La référence à une note sur 20 et la répartition proportionnelle des catégories rendent très aisée la mémorisation de ce moyen de mesure. En utilisant ce procédé, nous obtenons des profils types d'évolution de la PE avec l'exercice. 1.2 Evolutions de la PE avec l'exercice Exercice progressif
L'exercice progressif amène le coureur des intensités les plus faibles (zone verte), aux allures maximales aérobies (VO2max : niveau supérieur de la zone orange). Pendant ce type d'effort, l'évolution de la PE accompagne celle de l'intensité de l'effort (figure ci-dessous).
Evolution de la PE avec la vitesse (km/h) de course A proximité des valeurs maximales, il est possible que la courbe des PE s'aplanisse légèrement. Nous expliquerons ce phénomène dans un paragraphe ultérieur. Exercice continu
Au cours d'un exercice maintenu à une vitesse constante proche du seuil (footing rapide), la PE suit l'évolution montrée dans la figure ci-dessous.
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Evolution de la PE au cours d'un exercice de course de 45' effectué à une vitesse proche du seuil (footing rapide) |
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Après une élévation rapide dans les premières minutes, la PE croît plus lentement jusqu'à la fin de l'effort.
Si l'intensité avait été plus faible, la PE aurait eu tendance à rester stable ou à diminuer. Le procédé paraît tellement simple que nous sommes en droit de mettre en doute sa validité. Comment être sûr que le sportif évalue correctement l'effort qu'il consent ? Comment faire la part entre sa fatigue réelle et celle qu'il déclare ressentir ? La réponse va de soi : mesurer les deux simultanément. 1.3 PE et indicateurs biologiques Bien que nous n'ayons pas de certitudes quant aux paramètres réellement impliqués dans l'arrivée de la fatigue, nous disposons d'indicateurs précis du niveau de sollicitation d'un organisme. La consommation d'oxygène , la ventilation, la fréquence cardiaque et la lactatémie sont intimement liés au niveau de sollicitation qu'un exercice produit sur l'organisme. Or qu'observe-t-on lorsqu'on compare l'évolution de ces paramètres biologiques avec celle de la PE ?
Ils sont fortement corrélés. En d'autres termes, la fréquence cardiaque (Borg, 1961), la consommation d'oxygène (Sargeant et Davies, 1973), la lactatémie (Allen et al, 1985) ou la ventilation (Pandolf, 1983) évoluent de façon parallèle à la PE. Si nous reprenons les deux types d'exercices - progressif et continu - précédents et superposons l'évolution de la PE avec celle de la FC, voilà ce que nous obtenons.
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Evolutions de la PE et de la FC au cours d'un exercice progressif |
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Evolutions de la PE et de la FC au cours d'un exercice continu de 45' en footing rapide Les décrochages sont dus à des arrêts de 1' pour prendre les lactates |
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L'évolution de la PE est quasiment identique à celle de la FC. Sans les unités de mesure, nous serions bien embêtés pour repérer laquelle des deux courbes traduit le paramètre psychologique. Si l'évolution d'un indicateur biologique comme la FC et celle d'un paramètre psychologique comme la PE sont si difficiles à distinguer c'est certainement qu'il existe des liens entre eux. 1.4 Les mécanismes de la PE : de la douleur à son expression Tout effort s'accompagne d'un certain nombre d'adaptations dont certaines concourent à limiter la capacité d'action. Outre l'impact biologique direct que ces adaptations ont sur les mécanismes de la contraction du muscle, elles provoquent l'activation de nombreuses cellules nerveuses qui remontent vers les centres supérieurs - dont le cerveau -. Activés, ces voies nerveuses engendrent des réactions qui sont vécues comme désagréables. C'est ce que nous appelons la "douleur".
La douleur est un de ces mécanismes de rétroaction (physiologie/énergie) qui permettent de limiter le dangereux déséquilibre biologique provoqué par l'exercice ou par toute autre agression de l'organisme. Si la PE suit finement le niveau d'effort c'est donc que ce dernier provoque une douleur en réponse. Celle-ci "remonte" aux centres supérieurs sous forme d'influx nerveux et se traduit par un ressenti désagréable exprimé notamment en parole. C'est une forme ordonnée de ce langage que la PE relate. Selon l'origine des influx nerveux conduisant "la douleur", les physiologistes ont distingué deux types de causes à la PE. 1.5 Origines centrales ou locales ? Les mécanismes mis en jeu dans la PE peuvent provenir de sensations physiologiques locales - en provenance des muscles et des articulations - (Pandolf 1983, Robertson 1982) et centrales - provenant des systèmes respiratoire et cardio-vasculaire - (Borg (b), 1962). Cherchant à faire la part des deux grandes influences physiologiques, Demello et al (1987) suggèrent que l'accumulation acide dans les muscles et la fatigue qui en résulte pourrait être un déterminant majeur de la genèse d'influx locaux de la PE. Cette opinion est soutenue par la mise en évidence de la stabilité de la PE associée au seuil anaérobie, ceci indépendamment du niveau relatif auquel il intervient
ou de son évolution avec l'entraînement (Demello et al 1987, Hill et al 1987, Boutcher et al 1989).
Pourtant, selon Borg et al (1985) les facteurs centraux comme la contraction cardiaque pourraient, eux aussi, rendre compte d'une grande partie de la PE. Pour ces scientifiques, les facteurs centraux sont prépondérants. Ces querelles d'experts peuvent certainement être dépassées. Il nous suffit de dire que tous ont raison et d'expliquer pourquoi.
Pour ce faire, établissons le lien entre la PE et différentes causes susceptibles de provoquer l'arrêt de l'exercice.
Un effort physique peut être interrompu, entre autres, par :
une accumulation de "déchets" au niveau musculaire (origine locale)
une circulation insuffisante (origine centrale)
une respiration insuffisante (origine centrale)
une chute des réserves de glycogène dans le muscle (origine locale)
une augmentation de la température (origine centrale). L'importance respective de chacune de ces limites dépend :
(1) du type d'effort effectué
(2) des dispositions de l'athlète. Il est raisonnable de penser que toutes ces origines agissent en synergie et que, selon les conditions du moment, une ou plusieurs d'entre elles prennent une importance plus marquée voir quasi-exclusive. Par exemple, même si nous n'excluons pas que les phénomènes respiratoires puissent jouer un rôle dans la douleur ressentie au cours d'un marathon, il est pensable que le coup de barre se produisant parfois au niveau du 30-35ème kilomètre soit dû en grande partie à l'épuisement des stocks de glycogène.
Nous aboutissons ainsi à un modèle intégratif des origines biologiques de la PE. Un modèle qui pose que de nombreux facteurs déterminent la douleur ressentie par la personne. Un modèle qui conçoit qu'à un moment donné un type de variable puisse prendre l'ascendant sur les autres. Pandolf (1978) ne dit pas autre chose, quand il affirme qu'une cause particulière étant accentuée au-dessus des autres, elle peut dominer l'ensemble de la PE. Dans tous les cas, quelques soient ses origines biologiques, il reste que la PE suit fidèlement l'intensité de l'exercice. Elle peut, à ce titre, être un bon indicateur de l'effort fourni par l'organisme. Pourtant, si la relation liant l'appréciation subjective et l'effort est vraie pour une personne, elle n'est plus vérifiée lorsqu'elle est appliquée à plusieurs (Gillach et al, 1989). S'il en est ainsi, c'est, avant tout, parce des déterminants psychologiques influencent la PE.
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