Présentation de la page
Nous avons signalé que les animaux sont doués de la capacité d'action (psychologie). Comme les autres animaux, nous sommes organisés de manière à nous mouvoir, à agir sur le milieu. La question que nous posons est : comment notre organisme se débrouille t-il pour réaliser cette action, pour produire le mouvement ?
La réponse à cette question peut se faire à différents niveaux d'analyse. Le premier que nous aborderons se situe à l'interface de l'organisme et de son environnement.
1 Le regard sur le geste
Agir c'est produire une force interne à l'organisme et l'appliquer à une partie de l'environnement. Selon les cas, cette force peut se traduire ou non par le déplacement du corps et/ou de la partie du milieu sur laquelle elle s'applique.
Notre propos est de montrer comment cette force interne est créée et comment elle peut se traduire par un déplacement. Voyons déjà selon quelles grandes modalités elle peut être administrée. 1.1 Force et mouvement
Un coureur sait qu'il ne peut courir éternellement à sa vitesse maximale. Un lanceur a bien conscience de ne pouvoir répéter x fois une grande performance à l'exercice de développé couché. Nous savons donc que la force maximale que nous pouvons exercer diminue avec le temps. Les scientifiques ont, eux aussi, observé ce phénomène.
Ils ont montré que le niveau de puissance pouvant être fourni au cours d'exercices allant de 15" à 1' connaît une décroissance logarithmique avec la durée de l'effort. En fait, la baisse de force intervient dès les premières secondes. Après seulement 20" d'électrostimulation sous forme 1"6 d'exercice - 1"6 de récupération, Södelund, Greenhaff et Hultman (1992) ont observé que le muscle vaste latéral ne développait plus que 90% de sa force maximale. Avec le temps, la force diminue. Outre le temps, des modalités purement internes à l'organisme font varier la force pouvant être produite 1.2 Force et "état" du muscle : ce qui influence la force pouvant être appliquée
Au moins trois caractéristiques influent sur la force générée par le muscle.
son étirement : Nous avons vu dans le secteur biomécanique que les muscles et leur tissu conjonctif peuvent, par leurs propriétés, être comparés à des élastiques. Quand ils sont étirés, ils stockent l'énergie. Lors du raccourcissement musculaire qui suit, cette énergie potentielle peut être libérée.
Au repos physiologique, le muscle est très légèrement étiré. Sa longueur est déterminée par cet étirement et par son attachement aux pièces osseuses. La force maximale qu'il peut fournir est obtenue lorsqu'il est préalablement étiré d'une longueur correspondant à environ 20% de sa longueur de repos. C'est pour cet étirement que la force de contraction musculaire et la restitution de l'énergie potentielle élastique s'additionnent de manière optimale. Au-delà ou en deçà de ces 20%, la force développée diminue.
l'angulation : la force développée dépend de l'angle de l'articulation jouant le rôle de levier. Par exemple, le biceps (muscle du dessus du bras) est plus fort lorsque l'avant bras fait un angle de 90° avec le bras que lorsque cet angle est supérieur.
la vitesse de contraction : Pour une contraction de type concentrique (quand le muscle se "concentre"), plus le mouvement est rapide plus la force applicable est faible. L'inverse est vrai pour une contraction excentrique. Pour le moment, nous avons raisonné au niveau du muscle pris comme un tout homogène. Tentons, à présent, de faire pénétrer notre regard à l'intérieur de ce muscle. Voyons s'il peut être décomposé en parties plus petites que lui-même. Entrons en lui pour étudier son histologie (histologie = science des tissus constituant les êtres vivants).
2 Le regard sur les tissus
Notre regard se situe entre l'environnement et les différents tissus musculaires. 2.1 Les différents types de fibres musculaires
Les physiologistes distinguent deux grands types de fibres. Les fibres I appelées également fibres lentes (slow twitch - ST) ou fibres rouges et les fibres II nommées aussi fibres rapides (fast twitch) ou fibres blanches.
Comme leur nom l'indique, les fibres I sont à contraction lente. Elles sont en revanche peu fatigables. De faible diamètre, elles bénéficient d'une bonne irrigation sanguine ce qui explique leur autre nom de fibres rouges. Comprenant de nombreuses mitochondries, elles privilégient la filière aérobie.
Les fibres II sont à contraction rapide. Elles se "fatiguent" rapidement. De gros diamètre, elles sont peu irriguées mais disposent d'importantes réserves de glycogène. Elles privilégient la filière anaérobie.
Autre différence, plus la fibre est rapide, plus elle renferme un réticulum sarcoplasmique développé. Que sa quo un réticulum sarcoplasmique ? Un ensemble de sacs liés entre eux et qui gardent le calcium nécessaire à la contraction de la fibre musculaire. Une fibre rapide est ainsi plus apte à libérer le calcium dans le muscle donc à se contracter rapidement. Nous comprendrons mieux le rôle du réticulum lorsque nous expliquerons le mécanisme de la contraction.
Notons enfin que des catégories de fibres intermédiaires ont été retenues et appelées F II a,b et c. A n'en pas douter, ces sous classes sont l'expression d'un phénomène continu sous-jacent. Nous verrons, en effet, qu'au niveau biochimique et physiologique, un continuum naturel existe certainement entre les deux types de fibres I et II (Greenhaff P, Timmons J, 1998). C'est par simple commodité que nous maintenons la classification que nous venons de rapporter. Voyons à présent comment les fibres se répartissent dans le corps humain. 2.2 Répartition des types de fibres
Les proportions des différentes fibres varient d'une personne à l'autre pour un même groupe musculaire et d'un groupe musculaire à l'autre chez la même personne. Répartition en fonction des muscles
Les pourcentages de fibres lentes et rapides ne sont pas les mêmes dans tous les muscles du corps. Par exemple, le muscle soléaire situé dans le mollet sous les muscles jumeaux est presque complètement composé de fibres lentes chez tous les sujets. En revanche, le quadriceps situé sur l'avant de la cuisse est souvent de composition mêlée.
En dépit de l'hétérogénéité de la répartition des fibres dans les muscles du corps, les muscles des bras et des jambes d'une même personne ont en général des compositions semblables en fibres. Avec l'âge, nos muscles tendent à perdre des fibres rapides au profit des fibres lentes. Répartition en fonction des personnes
Selon les personnes, la proportion de fibres rapides peut varier entre 20 et 80%. Ajoutée aux données génétiques, la pratique permet de rendre compte de cette répartition. 2.3 Type de fibres et force développée
Selon Denis et Lacour (1979), l'aptitude d'un individu à fournir un travail supramaximal est en partie déterminée par la proportion de fibres à contraction rapide ou lente dans ses différents groupes musculaires. La force maximale que peut développer un groupe musculaire est directement corrélée à sa teneur en fibres de type II. Il n'est pas étonnant de constater que la spécialisation dans une discipline est associée à une proportion élevée de fibres spécifiques de la qualité sollicitée. En moyenne, les coureurs de 100m possèdent 75% de fibres II alors que les marathoniens n'en disposent que de 20%.
Ce constat s'applique aux sujets entraînés. Il se limite à une corrélation et ne saurait être assimilé à un déterminisme simple. Pour être plus clair, disons que ce n'est pas parce que nous disposons de beaucoup de fibres rapides que nous serons forcément bons sur 100m. Dans les exercices explosifs, les performances ne sont pas corrélées au pourcentage de fibres rapides. Ceux qui sont bons ont des fibres rapides mais ceux qui ont des fibres rapides ne sont pas forcément bons. En fait, les performances sont fortement influencées par les qualités techniques, de coordination (contraction - relâchement), de force maximale. Nous venons de dire qu'un muscle composé de nombreuses fibres rapides est capable de produire plus de force et plus vite qu'un muscle qui en serait dépourvu. Partant de ce constat, nous pensons être en droit de passer de la pluralité à l'unité. Nous pensons être en droit de penser qu'une seule fibre rapide est capable de produire plus de force qu'une fibre lente. En est-il bien ainsi ? Nous savons que les fibres lentes (I) stimulées développent leur tension maximale en 110ms contre 50ms pour les fibres rapides (II). Une fibre II est donc plus rapide qu'une fibre I. En revanche, en 1967, R. Close a montré que fibres lentes (I) et rapides (II) prises individuellement à leur niveau de tension maximale, ne diffèrent guère quant à la force qu'elles développent. Si cette observation est vraie, si la force pouvant être produite par une fibre rapide ne diffère pas sensiblement de celle dispensée par une fibre lente, qu'est ce qui permet d'expliquer qu'un muscle composé de fibres rapides produit plus de force qu'un muscle composé de fibres lentes ? Pour le comprendre, nous devons poser notre regard sur les fibres nerveuses.
3 Le regard sur les nerfs
Nous voilà, à présent, à l'interface entre l'innervation, c'est à dire la commande du muscle par le nerf et la force appliquée sur l'environnement. Débutons notre étude par une description de l'innervation du muscle. 3.1 Organisation de l'innervation
Qu'observons-nous lorsque nous raisonnons au niveau du rapport entre les nerfs et les fibres musculaires ?
Un seul nerf innerve plusieurs fibres. Le nerf est un câble qui, au niveau de sa partie finale, se divise en de nombreuses terminaisons. Chaque prolongement se termine au niveau d'une fibre musculaire. L'ensemble composé de la fibre, de ses prolongements et des fibres musculaires associées prend le nom d'unité motrice.
Une unité motrice est donc constituée d'un seul neurone et des différentes fibres musculaires qu'il innerve. Lorsqu'on abordera le recrutement des fibres par les voies nerveuses, c'est au niveau des unités motrices que nous devrons raisonner. C'est elle qui va nous permettre de comprendre pourquoi les unités motrices rapides sont plus fortes que les lentes. 3.2 Innervation et force développée
Les fibres lentes sont innervées par un motoneurone (neurone moteur) à petit corps cellulaire. Ce motoneurone innerve un groupe de 10 à 180 fibres. Une unité motrice de type rapide a un corps cellulaire important et innerve de 300 à 800 fibres musculaires. Un gros motoneurone provoque donc la contraction de plus de fibres qu'un petit motoneurone. Cette différence d'innervation est certainement à l'origine des écarts de force développée par les deux sortes de fibres. Les unités motrices rapides produisent plus de force que les unités motrices lentes parce que chaque unité motrice rapide contient plus de fibres musculaires qu'une unité motrice lente ! Rappelons que chaque fibre prise individuellement produit approximativement la même force. Cette donc la somme des fibres activées qui explique le gain de force. Répétons le ; la force développée dépend du nombre de fibres recrutées et non pas du type de fibre. Voyons plus en détail les mécanismes de ce recrutement. Le recrutement des fibres
Le recrutement des fibres se fait selon la loi du tout ou rien. Rien ne se passe tant que les influx nerveux n'ont pas atteint un seuil limite. Dès que ce seuil liminal est dépassé, une stimulation maximale est observée au niveau de la fibre musculaire. Comme toutes les fibres musculaires d'une même unité motrice reçoivent la même stimulation nerveuse toutes se contractent au maximum. Lorsqu'une force faible est nécessaire pour le mouvement, seules quelques fibres sont excitées. L'augmentation de force se fait par augmentation du nombre de fibres recrutées au maximum de leur force.
Dans les années 1970, Gollnick et Coll ont montré que le recrutement sélectif est déterminé non par la vitesse de contraction mais par le niveau de la force à développer (Gollnick et Hodgson, 1986 ; Gollnick, Piehl, Saltin 1974). Les fibres rapides IIb sont difficiles à solliciter. Le recrutement est progressif, des lentes aux rapides. C'est ce que pose la théorie du recrutement ordonné des fibres musculaires ; théorie toutefois peu robuste. Pour une force donnée ce seraient toujours les mêmes unités motrices qui seraient recrutées, les autres attendant leur tour, à savoir une augmentation de la force à appliquer sur l'environnement. Contrairement à ce nous pourrions penser, lors d'efforts maximaux, le système nerveux ne recrute pas 100% des fibres disponibles. Seules 50 à 70% des unités motrices seraient activées. Ce constat signifierait que 30 à 50% des fibres ne se contractent jamais. Nous pouvons nous demander pourquoi l'organisme prend de telles précautions. Une hypothèse de travail pourrait être que des fibres seraient mises en réserves. Elles prendraient le relais au cas où les fibres actives seraient épuisées. Par ailleurs, cette prudence permettrait d'éviter des lésions musculaires ou tendineuses. Si au même moment nous pouvions contracter toutes les fibres d'un muscle, la force ainsi générée pourrait probablement déchirer le muscle et ses tendons. Le modèle qui ressort du fonctionnement que nous venons de décrire est donc le suivant. Dans toutes les activités, le système nerveux recrute préférentiellement les fibres les mieux adaptées à la production du niveau de puissance exigé. Au fur et à mesure de l'exercice, les fibres se fatiguent (manque de glycogène, accumulation de déchets...) et le système nerveux doit recruter d'autres fibres pour maintenir la tension musculaire nécessaire. Voilà un modèle, ou plutôt une hypothèse rendant compte du recrutement des fibres musculaires.
Une hypothèse qu'il nous faut encore étayer peut être en essayant de comprendre quel type de recrutement permet, malgré la fatigue, de maintenir la tension musculaire nécessaire. Une technique appelée électromyographie nous apporte des éléments de réponse. L'électromyographie
L'électromyographie est une technique permettant de mesurer au niveau de la peau les différences électriques dues au fonctionnement des fibres. Elle repère notamment la différence entre les hautes et basses fréquences (height / low). Les hautes fréquences sont le fait des fibres rapides alors que les basses fréquences sont provoquées par les fibres lentes.
Le rapport haut/bas diminue avec l'exercice. Une chute intervient alors que la fréquence cardiaque n'est pas maximale. Cette baisse permet d'objectiver la fatigue périphérique. Le moment de survenue de cette fatigue est différent du moment de survenue de la sensation de fatigue subjective (échelle de Borg). Ainsi, avec la fatigue, les fibres rapides ont tendance à se "bloquer". Elles sont partiellement suppléées par l'activation des fibres lentes. L'électromyographie semble corroborer le modèle précédent. Elle montre l'importance des fibres lentes dans la lutte contre la fatigue musculaire. Elle amène également à comprendre la baisse relative d'activité qui accompagne cet état.
Pourtant plusieurs questions demeurent. Comment l'organisme fait-il pour "anticiper" ou "s'adapter" à la force nécessaire ? Quel mécanisme utilise-t-il pour assurer le recrutement sélectif des unités motrices ?
Ces questions restent à débattre. Mais pour le moment, continuons sur les rapports entretenus entre la fibre nerveuse et la fibre musculaire. 3.3 Innervation et gain de force
Nous avons vu que les fibres rapides et fortes sont de gros diamètre. Ce passage d'un diamètre donné à un autre plus important se retrouve au niveau du gain de force. Suite à des sollicitations appropriées, les fibres peuvent se transformer et gagner en force. Généralement, ces transformations s'accompagnent d'un gain de diamètre. On dit ainsi d'un athlète qu'il a gagné en masse et en volume musculaire. La structure même des fibres s'est modifiée. Pourtant, Enoka a rappelé en 1988 qu'une amélioration de la force pouvait survenir en dehors de toute modification structurale du muscle. Les seules adaptations nerveuses permettraient d'expliquer, en partie, les gains de force obtenus en l'absence de modifications de la structure du muscle (Enoka, 1988). Voilà qui intéresse le coureur à pied pour qui le poids n'est pas un allié. La synchronisation
Le recrutement des unités motrices joue ici un rôle fondamental. Les unités motrices sont normalement recrutées de manière asynchrone ; elles ne sont pas toutes actives en même temps. La synchronisation est le processus par lequel de nombreuses fibres vont se contracter de concert et ainsi additionner leurs effets. Elle est un phénomène très répandu dans le vivant. Par exemple, nos rythmes biologiques sont synchronisés sur l'alternance jour-nuit ; la reproduction des coraux est synchronisée sur la pleine lune.. Au niveau musculaire, la synchronisation des fibres permet au muscle de développer davantage de force.
Certains auteurs prétendent pourtant que la synchronisation n'est pas indispensable et que l'augmentation du nombre d'unités motrices mises en jeu peut suffire à augmenter la force développée ; que ces unités motrices agissent ou non à l'unisson. La tombée de l'inhibition
Les mécanismes inhibiteurs peuvent également expliquer les gains de force d'origine nerveuse. Habituellement, les organes de Golgi empêchent la production d'une force musculaire trop importante que les os ou les tissus conjonctifs ne pourraient supporter. Cette inhibition autogène peut diminuer avec l'entraînement, permettant au muscle de produire des forces supérieures. Dans les cas de force surhumaine (femmes levant une voiture pour sauver son enfant) des dégâts majeurs sont souvent observés suggérant le dépassement des mécanismes inhibiteurs protecteurs. Nous savons, à présent, que la seule intervention nerveuse peut jouer sur la force produite par la fibre. Nous allons voir que l'intervention des nerfs peut aller beaucoup plus loin. 3.4 du nerf au muscle : une relation hiérarchique descendante
De nombreuses données semblent indiquer que les nerfs déterminent complètement les propriétés des fibres musculaires. Au niveau génétique : La différenciation des fibres est à forte composante génétique. Les gènes déterminent le type de motoneurones qui innerveront nos fibres musculaires. Lorsque l'innervation est établie, les fibres se différencient selon le type de neurone qui les stimule (Edström et Grimby 1986, Pette et Vrbova 1985). Un gros motoneurone donnera une fibre rapide, un petit, une fibre lente. L'innervation croisée : Chez l'animal, des expériences d'innervation croisée qui consistent à innerver une unité motrice rapide par un motoneurone lent ou inversement montrent qu'il est possible d'inverser le type de fibres musculaires. De même, la stimulation chronique d'unités motrices rapides par des stimulations nerveuses à basses fréquences transforme les unités motrices rapides en unités motrices lentes après seulement quelques semaines (Pette et Vrbova, 1985).
Cette propriété du muscle à changer sa structure en réponse au type d'innervation est exploitée depuis de nombreuses années dans le domaine de la chirurgie cardiaque. Nous en donnons un exemple. Pour le comprendre, rappelons que le coeur est un muscle lisse réputé "infatigable" alors que les muscles qui assurent le mouvement sont striés et rapidement fatigables.
Chez certains sujets déficients, le myocarde (muscle du cour) est affaibli. Les médecins ont eu l'idée d'alléger son travail tout simplement en le secondant d'un autre muscle. Un muscle suffisamment grand et plat est prélevé au niveau de l'omoplate du patient. Ce muscle strié donc "fatigable" est ramené au niveau du coeur et placé de telle façon qu'il entoure complètement le myocarde du patient. Son coeur est donc enveloppé par le muscle strié. Les médecins font en sorte que l'innervation du muscle strié soit assurée par le myocarde. Pendant, les premiers mois, les médecins contrôlent l'innervation du muscle strié. Ils font en sorte que progressivement, l'innervation du muscle dorsal soit ramenée à des valeurs produisant des contractions de plus en plus semblables à celle du myocarde. Après quelques mois passés à ce régime, le muscle dorsal est librement conduit par la contraction du myocarde. Les deux muscles ajoutent leur force en se contractant simultanément. L'étude du muscle précédemment strié montre alors qu'il est devenu en tous points semblable à un muscle lisse. Le muscle dorsal est quasiment devenu muscle cardiaque ; il s'est rendu infatigable. A la lecture de ce qui précède, il semble bien que ce soit le type de neurone qui détermine la qualité de la fibre. Pourtant, certaines études montrent que l'adaptation nerveuse à long terme est plus le fait de l'hypertrophie ou de l'hyperplasie (augmentation de volume et de masse) et que les phénomènes nerveux ne sont qu'un préliminaire (quatre premières semaines peut être) (in Sale, 1988). Sur ce point, les données sont contradictoires. Continuons à pénétrer l'intérieur du vivant et posons notre regard sur la structure moléculaire des fibres nerveuses.
4 Le regard sur les molécules
Nous sommes, maintenant, à l'interface entre certaines molécules situées à l'intérieur de la cellule musculaire et l'action sur l'environnement. A ce niveau d'étude, plusieurs questions se posent. Première interrogation : quels sont les mécanismes moléculaires de la contraction ? Quels phénomènes interviennent entre les molécules qui permettent d'expliquer le mouvement d'un bras ou d'une jambe ?
Cette question pose un problème assez vaste. Pour y répondre, nous nous devons de refaire le chemin qui mène du nerf au muscle. 4.1 Du nerf au muscle : les étapes
Au repos la cellule nerveuse se caractérise par une différence électrique entre son intérieur et l'extérieur. L'intérieur de la fibre est chargé négativement à hauteur d'environ - 60-70 millivolts. Cet écart électrique est du à la répartition inégale des ions de part et d'autre de la membrane. Mais n'entrons pas dans les détails.
Par ordre cérébral ou par réponse réflexe, un influx électrique est envoyé sur le neurone. Ce dernier se matérialise sous la forme d'une inversion de potentiel électrique. Localement, la charge électrique de la fibre nerveuse s'inverse - l'intérieur devient subitement positif -. Des mécanismes de régulation ramènent rapidement la partie du neurone dépolarisée à son état de repos. Mais l'influx électrique lui progresse de proche en proche jusqu'à arriver (allons vite) au niveau de l'ensemble des fibres musculaires qu'il innerve.
Que se passe-t-il alors ? Pour le comprendre, nous devons passer par une description assez affinée des étapes menant du neurone à la contraction musculaire. Les étapes menant de l'influx nerveux à la contraction sont schématisées dans l'image présentée ci-dessous. 
Les étapes de la contraction. Du haut vers le bas... : 1 l'influx nerveux arrive en bout de neurone, 2 libération de calcium par le réticulum, 3 arrivée du calcium au niveau du filament, 4 déplacement relatif du gros filament par rapport au petit contraction mouvement
Etape A : l'influx nerveux progresse
L'arrivée de l'influx électrique sur la fibre musculaire provoque son inversion de potentiel. L'intérieur chargé négativement devient rapidement positif suite à une entrée massive d'ions sodium (Na++). Tout se passe comme nous l'avons indiqué à propos du neurone. La polarisation négative est localement rétablie grâce à une sortie puis un repompage d'ions potassium (K+). Comme un âne poursuivant indéfiniment la carotte attachée à son museau ; ce "couple d'ions", qui rend positif puis rétabli la charge négative à l'intérieur de la fibre musculaire, progresse à une vitesse vertigineuse à l'intérieur d'un ensemble de galeries regroupant les tubules transverses (tubules T) et le réticulum sarcoplasmique. Etape B : l'influx nerveux arrive aux sacs à calcium
A force de progression, l'influx électrique arrive au bout des tubules T au niveau d'espèce de gros sacs remplis d'ions calcium (Ca++).
Ce que nous n'avons pas encore dit, c'est que l'influx électrique rend les membranes perméables à tout ce qui les entoure. Appliquée aux citernes à calcium cette propriété se traduit par une libération massive des ions Ca++ à l'intérieur de la fibre musculaire. Etape C : le calcium va rejoindre les myofibrilles
Libéré dans l'espèce de gélatine nourricière (le sarcoplasme) qui se trouve à l'intérieur de la fibre musculaire, le Ca++ va entourer les myofibrilles (voir schéma). Plus spécialement, il va se placer sur un récepteur composé de protéines appelées troponine et tropomyosine.
Le Ca++ provoque un "réveil" des protéines qui le reçoivent. La tropomyosine qui jusqu'à présent était endormie sur des sites actifs, se déplace laissant libre ces sites qui ne demandent qu'à recevoir de nouveaux invités. Ces derniers ne se font pas attendre en la personne de la tête de myosine du filament voisin (pour la disposition en parallèle des filaments se référer au schéma).
Profitant de l'aubaine, la tête de myosine vient s'attacher fortement au site actif. Le passage est médié par la myosine-ATPase (actomyosine) localisée dans la chaîne lourde de la myosine. En d'autres termes, il nécessite l'énergie apportée par l'ATP.
A présent, tout est prêt pour que le mouvement de contraction ait lieu. Etape D : la contraction
Comme un dormeur se recroquevillerait dans un lieu froid, arrivée sur le site actif, la tête de myosine se replie sur elle-même. Elle perd ainsi de la longueur. Or, elle est attachée par un bout, au site actif situé sur un filament d'actine, et par l'autre à un filament de myosine. Ces deux filaments sont situés côte à côte. Quand l'un tire sur l'autre, il provoque son déplacement. Les filaments coulissent les uns par rapport aux autres. Voilà pourquoi, l'explication que nous venons d'apporter s'appelle la théorie du filament glissant.
Une seconde théorie incrimine non plus les têtes de myosine mais les filaments d'actine. Ce serait eux, qui par leur déformation, provoquerait le mouvement. Les têtes de myosine ne joueraient qu'un rôle de point d'appui.
L'important reste que dans les deux cas, les filaments ont un déplacement relatif.
Répétons ce procédé plusieurs milliers de fois pour une simple fibre musculaire, ajoutons le fait qu'une tête de myosine n'hésite pas à passer de "lit" en lit et nous comprenons comment le muscle génère de la force et du mouvement. Selon la puissance requise, le nombre de fibres musculaires - donc de myofibrilles, de filaments et de ponts activés - varient. Avec l'élévation de la force, l'activité de milliers de têtes de myosine doit être relayée par celle de millions puis de milliards d'autres. Etape E : l'arrêt de la contraction
La contraction musculaire continue tant que le Ca++ est présent à proximité de la fibre. Pour cela, un taux au moins cent fois supérieur à l'état de repos est nécessaire. Pour interrompre la contraction, le calcium doit s'en aller. Mais pour aller où ? La réponse s'impose logiquement. D'où il vient ! Le calcium est pompé par le réticulum sarcoplasmique (principalement le réticulum longitudinal) et va rejoindre ses citernes préférées. Ce processus demande une nouvelle fois de l'énergie. Il est rendu possible par des pompes à calcium (protéine calcium-ATPase) utilisant l'énergie de l'ATP. Ainsi, et contrairement à ce que nous pourrions penser, le relâchement musculaire demande aussi de l'énergie. Signalons, pour information, que pendant l'exercice intense, les influx neuronaux peuvent se succéder à une fréquence de 100 par seconde (100Hz). La capacité de la cellule musculaire à répondre à une telle fréquence de sollicitation dépend de la rapidité à laquelle est capable de :
régénérer son potentiel membranaire (pompage sodium / potassium)
prélever le calcium
Ces deux mécanismes sont friands d'énergie. Ils ne fonctionnent qu'à la stricte condition d'avoir toujours un ATP à "avaler". L'autre mécanisme que nous avons vu utiliser de l'ATP est tout simplement celui assurant directement la force de contraction. Pour ce faire, ce 3ème larron fait appel aux propriétés d'une protéine "mangeuse" d'ATP : la myosine-ATPase. C'est justement cette myosine qui va nous permettre de faire le lien entre le type de fibre et la vitesse de contraction. 4.2 Etage moléculaire et fibres musculaires
Nous voyons dans le secteur "tout sur l'entraînement" et dans le chapitre consacré à l'énergie (physiologie) que la seule source d'énergie utilisable par le muscle est l'ATP. Comme nous venons de la voir, la myosine ATPase est l'enzyme qui permet la dégradation de l'ATP nécessaire à la contraction musculaire.
Or, si nous regardons cette protéine de près, nous nous rendons compte qu'elle peut prendre différentes formes. Certaines configurations de la protéine ont une activité plus rapide que d'autres.
Formes lentes, formes rapides ! Cela nous rappelle quelque chose !
Hé oui, les fibres lentes possèdent une forme lente de myosine ATPase, les fibres rapides, une forme rapide. Ainsi, suite à une stimulation nerveuse, l'ATP est hydrolysée plus rapidement dans les fibres rapides que dans les fibres lentes, l'énergie arrive plus vite.
Mais là où l'observation devient encore plus subtile c'est quand elle permet de voir qu'en fait, formes lentes et rapides sont présentes dans toutes les fibres.
Des techniques de coloration permettent de reconnaître les ATPase des muscles. Appliquant ces techniques, les chercheurs ont trouvé un continuum de couleurs qui indique un continuum de quantité d'ATPase. Toutes les fibres comprennent des ATPase de type lent et de type rapide, seule leur quantité change. Cette observation est bien la preuve que la répartition des fibres en groupes distincts (Lent, rapide a, b et c) est purement artificielle. Pour conclure
Nous en avons terminé de ce chapitre. Notre question de départ était : comment un organisme s'organise t-il pour produire le mouvement ou, pour être plus général, pour appliquer une force sur le milieu ? Pour répondre à cette question nous avons approché différents points. Retenons que :
1 Nous avons abordé les mécanismes moléculaires de collé-glissé à l'origine du mouvement.
2 Nous avons vu que l'ensemble des étapes allant de la commande nerveuse à la contraction puis au relâchement musculaire demandait de l'énergie. Si la force exercée par un muscle décroît après quelques secondes d'effort c'est - entre autres - que l'ATP apportant cette énergie n'est plus disponible en quantité suffisante. Si l'haltérophile veut tout de même continuer à soulever des poids, si le coureur veut encore continuer à courir ; leur organisme devra trouver des solutions pour assurer une reconstitution continue de l'ATP. Les mécanismes subtils de la transformation d'énergie sont abordés dans le chapitre consacré à l'énergie (physiologie / énergie).
3 Enfin, tout au long du chapitre deux types de fonctionnements fondamentaux du vivant se sont dégagés :
Que ce soit au niveau des tissus musculaires (types de fibres, répartition des fibres), des nerfs ou des molécules le vivant s'appuie sur une diversité folle. Comme nous avons pu le voir à propos de la rapidité à produire un mouvement, au-delà des catégories que nous utilisons, l'organisme appuie son fonctionnement sur des myriades de structures délicatement différentes (continuum des fibres, types de myosine-ATPase.). L'étendue de cette diversité assure la finesse des réactions de l'organisme et la possibilité de les adapter à des environnements très disparates.
autre fonctionnement caractéristique : la sommation temporelle et spatiale. Nous avons constaté que pour augmenter la force déployée, l'organisme recrutait de plus en plus de fibres musculaires. Il fait donc appel à de nombreuses structures qui allient leur fonctionnement. De plus en plus d'éléments agissent l'un à côté de l'autre (en parallèle). Dans le cas présent, cette sommation est très simple. Elle concerne uniquement des éléments dont l'action va dans le même sens. Nous voyons entre autres dans le chapitre consacré à l'énergie (physiologie/énergie) qu'elle peut être plus complexe ; jouer sur le temps, intégrer des dynamiques agissant dans des sens opposés.
|