physiologie - la perception de l'effort - PE et entraînement  
   

 

5 De la perception à la production de l'effort

Jusqu'à présent, nous avons raisonné en termes d'évaluation de l'effort. Un niveau d'intensité était imposé et l'athlète devait le "deviner". Si cette capacité à évaluer l'effort est primordiale pour le suivi de l'entraînement, celle à se conformer à une intensité prévue à l'avance est, elle aussi, d'un grand secours pour la réalisation des séances. De ce constat découle la question qui nous préoccupe : peut-on passer de la perception de l'effort à sa production ?

Le chapitre ne sera pas long puisque la réponse ne semble pas souffrir de discussions. Les athlètes qui parviennent à évaluer finement l'effort fourni sont aussi ceux qui parviennent à adopter ce même niveau en l'absence d'autre indication que celle ayant trait à la difficulté prévue. A ces athlètes il suffit de dire : "tu cours de manière à arriver à une sollicitation moyenne proche de 12/20" pour qu'ils le fassent. Les bons "évaluateurs" sont les bons "producteurs" de l'effort (Myles et Maclean 1986 , Eston et al 1987).

Bon ou mauvais, une méthode fort usitée des sportifs permet d'améliorer la finesse de la production de l'effort.

Des lignes pour apprendre
Les athlètes ont l'habitude de finir leur échauffement par des lignes droites effectuées à des allures proches de celle prévue pour la compétition ou la séance à venir. Généralement, des considérations d'ordre physiologiques sont avancées pour rendre compte de ce comportement. Ces lignes favoriseraient la rapidité et la finesse de l'adaptation physiologique à l'effort.
Des études montrent que la progression de l'échauffement jusqu'aux intensités de course a également un effet sur la production de l'effort.

Les sportifs qui réalisent un échauffement à une intensité permettant de s'approcher des conditions de la compétition ou de la séance à venir ont une meilleure idée de l'effort qu'ils vont avoir à produire et à supporter (Siegel et Johnson, 1992). Les accélérations précédant la séance et plus généralement la partie spécifique de l'échauffement agissent comme un rappel de l'allure à adopter et de l'effort qu'il va falloir endurer. Elles facilitent donc une réalisation fine de l'exercice prévu.


Nous en avons terminé des diverses caractéristiques de la PE. A l'issue de ce tour d'horizon, faisons office de résumé en voyant quelles données peuvent être retenues dans le cadre de la pratique quotidienne de l'entraînement.

6 PE et pratique de l'entraînement

Au quotidien la PE peut être utilisée de différentes manières :

pour évaluer l'effort
Elle peut compléter ou remplacer l'utilisation des autres indicateurs d'effort comme la fréquence cardiaque ou la lactatémie. Rapporté à ces paramètres biologiques ou à la vitesse soutenue, le "mode évaluation" de l'effort permet de se faire une idée précise de l'état de forme de l'athlète (voir physiologie/fréquence cardiaque). Le simple décalage entre la PE prévue et celle vécue peut donner des informations sur l'état de fatigue du sportif. Les 4 grandes interprétations possibles sont données par l'ouverture du lien précédent.

pour produire l'effort
La PE peut accompagner voir même suppléer partiellement la prise en compte des vitesses de course.
Un entraînement utilisant le "mode production" pourrait être décliné de la façon suivante :
Lundi : séance continue 30'; niveau de fatigue en fin = moyen, 10/20.
Mardi : 10 accélérations de 1', récupérations de 40" niveau de fatigue atteint = difficile : 15/20..

Nous pensons que ce type de régulation par le niveau d'effort ressenti est essentiel pour assurer le principe d'alternance de l'entraînement (tout sur l'entraînement/trois principes).

Rappelons une fois de plus que, dans tous les cas, cette utilisation de la PE doit être spécifique à un athlète. Elle ne peut être transférée d'une personne à une autre. En pratique, l'idéal est d'apprendre progressivement quel niveau de PE un athlète accorde aux différents types d'exercices effectués à l'entraînement. Pour ce faire, l'entraîneur gagnera à connaître le mieux possible les paramètres objectifs de l'exercice - comme sa durée, la vitesse de course, les variations d'allures..- et à observer comment dans ces conditions l'athlète réagit. Il apprendra ainsi à faire le lien entre l'exercice - donnée objective pouvant être ramenée à un stress prévu - et l'impact qu'il a sur l'athlète (stress ressenti).
Les tests progressifs d'effort (tout sur l'entraînement/aérobie) s'adaptent particulièrement bien à cette démarche. Ils permettent, en effet, de faire correspondre une PE à chaque vitesse de course du domaine aérobie.

Terminons en rappelant que les caractéristiques de la PE permettent une autre utilisation forte avantageuse pour l'athlète : la réduction de la douleur engendrée par l'exercice.

pour réduire l'effort ressenti
Les attitudes mentales qui tendent à réduire la PE donc à amoindrir la douleur ressentie peuvent être utilisées à chaque instant de la course. Elles peuvent, dans un premier temps, être expérimentées chez soi, en dehors de toute activité physique . Par la suite, elles gagneront à être essayées à des vitesses moyennes puis transférées à des intensités provoquant une douleur de plus en plus vive.



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