physiologie - l'altitude - entraînement et altitude
   

 

4 L'entraînement en altitude

Pourquoi s'entraîner en altitude ? Si nous placions d'un côté l'ensemble des adaptations provoquées par l'arrivée en altitude et de l'autre côté l'ensemble des adaptations engendrées par un exercice aérobie, nous aurions deux paragraphes identiques.Dans un cas comme dans l'autre l'organisme doit se transformer pour faire face à une baisse du rapport oxygène disponible / besoins en oxygène. Soit les besoins sont plus élevés (exercice aérobie), soit la disponibilité est moindre (altitude). Quelle que soit la condition rencontrée, l'organisme cherchera à maintenir un apport d'oxygène suffisant. A terme, ses capacités à capter, à transporter et à utiliser l'oxygène seront augmentées.
C'est exactement ce que vient chercher le sportif qui décide de s'entraîner en altitude.

L'organisation de l'entraînement
Au moment de commencer un entraînement en altitude, l'athlète doit se rappeler que l'altitude est un stress qui s'ajoute au "stress d'entraînement". Cette notion de "stress ajouté" doit l'inciter à revoir ses vitesses et ses volumes d'entraînement à la baisse (diminution des vitesses de l'ordre de 5 à 10%).
Plus généralement, le sportif gagnera à diminuer son entraînement afin de ne pas perturber un équilibre déjà fragilisé par l'altitude. Le principal indicateur permettant d'apprécier les modifications à apporter à l'entraînement reste le niveau d'acclimatation du sportif à la vie et aux exercices réalisés en altitude.

Un stage en altitude
De nombreux entraîneurs et athlètes se rendant en altitude suivent une préparation organisée comme suit.

Période 1 : de 0 à 6 jours, la phase d'acclimatation. Elle comprend des marches et quelques footings réalisés à allure lente.
Période 2 : La phase d'entraînement. D'une durée habituelle de 3 semaines, elle peut être découpée en deux parties. Pendant une quinzaine de jours la charge d'entraînement augmente rogressivement. Dans la dernière semaine, des niveaux d'entraînement proches de ceux réalisés en plaine peuvent être atteints.
Période 3 : Dans les derniers jours avant la descente en plaine, l'entraînement est parfois allégé pour prévenir le stress lié à la descente.

Problèmes éventuels
Outre le manque d'oxygène, l'altitude expose à des contraintes susceptibles de remettre en cause la préparation et la santé du sportif.

  • les pathologies. Certaines personnes ne parviennent pas à s'adapter à l'altitude. Dès les premiers jours, des troubles du sommeils apparaissent. Des maux de têtes (céphalées), des sensations de vertige, des bourdonnements d'oreilles et des troubles visuels se produisent brusquement. Des troubles digestifs (flatulences, spasmes…), des palpitations cardiaques et des difficultés respiratoires peuvent compléter le tableau peu enchanteur de ce qui est communément appelé le mal aigu des montagnes. Beaucoup plus rarement des pathologies plus graves comme l'œdème du poumon peuvent survenir.
  • la déshydratation. Les conditions climatiques rencontrées en altitude (air sec, intensité du rayonnement solaire…) couplées aux adaptations physiologiques (hyperventilation à l'origine d'une évaporation alvéolaire) contribuent à augmenter la déshydratation de l'organisme. Seule une hydratation importante permet d'éviter ce phénomène.
  • la perte des habiletés techniques. En altitude l'athlète s'entraîne à des vitesses moins élevées qu'en plaine. Cette baisse des vitesses provoquerait une diminution de l'efficacité technique aux vitesses de plaine. La fréquence gestuelle, les capacités élastiques mais aussi la force explosive pourraient être amoindries lors du retour au niveau de la mer.

Le problème technique que nous venons d'évoquer, les difficultés d'adaptation de certains sportifs ainsi que les modifications devant être apportées à l'entraînement (baisse des vitesses…) ont conduit des chercheurs américains à proposer une autre utilisation de l'altitude.

Vivre haut et s'entraîner bas
Les avantages de l'altitude peuvent provenir :
1du processus d'acclimatation qui augmente les capacités de transport et d'utilisation de l'oxygène.
2d'une intensification des "stress d'entraînement".
Nous avons remarqué que ce second avantage ne pouvait qu'être limité par une nécessaire réduction des niveaux d'entraînement.
Deux chercheurs texans (Levine et Stray-Gundersen) ont proposé un concept devant permettre de tirer partie des deux avantages. Comme son nom l'indique, ce concept baptisé "vivre haut, s'entraîner bas" consiste à vivre en altitude et à s'entraîner en plaine.
Selon ces chercheurs, ce type de comportement est le seul susceptible d'apporter un réel bénéfice au sportif. Le taux de globules rouges, la production d'EPO (erythropoïétine) , la VO2max et finalement les performances seraient augmentées.
Pour parvenir à mettre en œuvre une telle organisation de l'entraînement et de la vie du sportif, deux types "d'environnements" peuvent être utilisés :
un environnement naturel permettant de passer rapidement du niveau de la mer à une altitude élevée. Un tel endroit existe par exemple à la Réunion. Le centre de l'île de la Réunion est situé à 1500m d'altitude et permet en 30 minutes de descendre s'entraîner au niveau de la mer pour remonter se coucher en altitude.
un environnement artificiel recréant les conditions de l'altitude. Depuis quelques années, des centres disposant de caissons hypobare ou de chambres dépressurisées ont été aménagés.
[NB : Sur ce dernier point signalons qu'il y a plusieurs dizaines d'années, les allemands de l'est disposaient déjà d'un centre d'entraînement souterrain (avec stade d'athlétisme, vélodrome, hôtel…) reproduisant les conditions de l'altitude.]

Toujours selon Levine et Stray-Gundersen, la stratégie inverse proposée par le docteur Hoppler (vivre bas, s'entraîner haut) et la stratégie consistant à coupler la vie et l'entraînement en altitude n'apportent aucune amélioration des performances lors des compétitions réalisées au niveau de la mer.
Voyons si les données relevées par d'autres scientifiques confirment cette affirmation.


5 L'entraînement en altitude permet-il d'améliorer les performances au niveau de la mer ?

Non
En 1975, Adams et coll ont formé deux groupes de six coureurs de demi-fond bien entraînés. Le groupe A s'entraîna 3 semaines au niveau de la mer puis 3 semaines en haute altitude (2300m). Le groupe B fit l'inverse. La performance à un test de 3,2 kilomètres et la VO2max des sujets furent évaluées régulièrement pendant les deux phases d'entraînement.
Au cours du séjour en altitude, la VO2max des athlètes baissa de plus de 17% et la performance de plus de 7%. Ces résultats s'expliquent logiquement par la rareté de l'oxygène. En revanche, ce qui était moins attendu c'est l'absence d'amélioration des performances après le retour en plaine. Loin d'avoir des effets bénéfiques sur l'aptitude aérobie, le séjour en altitude avait même engendré une légère baisse (près de 3%) de la VO2max des athlètes.
Depuis 1975, de nombreuses études ont confirmé l'absence d'effets bénéfiques sur la performance en plaine de séjours effectués en altitude. D'autres recherches ont établi le contraire…

Oui
En 1996, une équipe de chercheurs autrichiens a comparé les résultats obtenus par deux groupes de coureurs amateurs. Un groupe vivait et s'entraînait au niveau de la mer (187m) l'autre groupe vivait et s'entraînait en altitude (2315m). Les deux groupes ont réalisé un programme d'entraînement identique s'étalant sur 12 jours et comprenant de l'interval training et des courses à allure régulière.
Pour les 2 groupes, la performance était mesurée au niveau de la mer à trois reprises : 1 semaine avant, 3 jours et 2 semaines après la période d'entraînement.
Après entraînement, le groupe "altitude" a montré une augmentation de VO2max et de performance bien supérieure à celle du groupe "mer".
Pour les chercheurs, l'entraînement en altitude est un moyen très intéressant pour élever le potentiel aérobie des coureurs amateurs. La méthode préconisée consiste à combiner les courses par intervalles et les courses continues en régulant l'intensité de l'effort par des niveaux cardiaques maintenus constants.

Les nombreuses différences de protocole permettent de comprendre une partie des différences observées. Parmi celles-ci, le moment de l'évaluation a son importance.

Parfois oui, parfois non
Lors du retour en plaine, suite à un entraînement en altitude, l'organisme passerait par trois phases successives :
Dans un premier temps (0 à 5 jours), l'organisme serait en mesure de réaliser de très bonnes performances
Dans un deuxième temps (6 à 12 jours) sa capacité de performance est amoindrie. Cette phase dépressive correspondrait au temps nécessaire pour assimiler les stress provenant de la montée en altitude, de l'entraînement en condition hypoxique (faible quantité d'oxygène) et du retour en plaine.
A partir du 12ème jour et jusqu'à 30-50 jours, une phase de surcompensation serait propice à la réalisation de performances aérobies.
Ces trois phases seraient corrélées aux modifications biologiques (taux de 2,3 DPG, activité enzymatique…) mesurées au niveau de l'organisme du sportif. Elles permettraient d'expliquer les différences de performances obtenues par les sportifs à leur retour en plaine.


6 Une synthèse ?

Il est probable qu'un entraînement…
bien mené en altitude
réalisé au niveau de la mer et couplé avec une vie en altitude
réalisé à des altitudes moyennes (800 à 1200m)
permette d'obtenir une amélioration des performances au niveau de la plaine.

Plus généralement, une phase d'entraînement bien menée - pendant laquelle toute la vie de l'athlète, toute l'attention de l'entourage, sont portées sur la réalisation de l'entraînement et sur la récupération des efforts consentis - conduira très probablement à de meilleures performances.
Cette remarque veut simplement signifier que l'altitude n'est qu'un moyen d'entraînement supplémentaire que l'athlète peut utiliser quand il a déjà employé toute une gamme de procédés au niveau de la plaine.
Quoi qu'en disent les adèptes des modes passagères, le miracle ne se produira certainement pas plus dans les montagnes qu'ailleurs.