physiologie - l'oxygène - effets d'entraînement
   

 

6 Effets d'entraînements et "expériences aérobies"

A l'intention des érudits, commençons par rapporter de manière très descriptive - donc rébarbative - les effets de l'entraînement aérobie.

6.1 Effets d'entraînement

L'entraînement aérobie joue à tous les niveaux du transport et de l'utilisation d'oxygène. Il s'accompagne de changements structuraux, fonctionnels et d'une adaptation accrue à l'exercice physique.

6.1.1 Changements structuraux et fonctionnels observés au repos

Au niveau cardiaque, circulatoire et respiratoire
L'entraînement est associé à une élévation :
du volume sanguin
du nombre et de la densité des capillaires entourant les fibres musculaires (remarque : cette augmentation de la micro-circulation interviendrait dès les premières heures qui suivent l'exercice) en revanche, le taux d'hémoglobine ne varie pas.
de la surface d'échange entre le poumon et le sang
du volume respiratoire (capacité vitale) en revanche, la capacité de diffusion des gaz à travers les membranes ne semble pas modifiée.
Le débit sanguin reste identique alors que le volume de sang éjecté à chaque contraction augmente et que la fréquence cardiaque de repos baisse .

Dans le muscle
L'entraînement a pour effets une élévation :
de la quantité de myoglobines
du nombre et de la taille des mitochondries
de la quantité et de l'activité des enzymes du cycle de Krebs
de l'activité de la chaîne respiratoire avec une augmentation de la quantité de cytochromes (composés ferreux qui se "passent" l'oxygène)
du glycogène stocké
du taux de triglycérides musculaire (réserves de lipides)
de la quantité et de l'activité des enzymes assurant l'utilisation des lipides
Ces adaptations sont généralement spécifiques aux muscles sollicités par l'activité physique.

Au niveau des substrats
Outre l'élévation du taux de triglycérides et de glycogène au niveau musculaire, l'entraînement aérobie provoque :
une élévation de la quantité et de l'activité des enzymes assurant la transformation du glycogène en glucose
une augmentation de la libération de lipides par le tissus gras de l'organisme
une baisse de la masse grasse souvent associée à une perte de poids

Au niveau des tissus
L'entraînement conduit à :
une diminution de la croissance des os accompagnée d'une augmentation de leur densité
une élévation de la résistance des ligaments, des tendons et de leurs insertions
un épaississement des cartilages

Et enfin, pour ceux qui voudraient se rendre dans les pays chauds, l'entraînement aérobie engendre une meilleure acclimatation à la chaleur.

6.1.2 Changements à l'exercice

Concernant l'exercice réalisé à un niveau donné inférieur à la VMA, l'entraînement provoque.
une stagnation ou une légère baisse de la consommation d'oxygène
une moindre ventilation
une stagnation ou une légère baisse du débit cardiaque
une baisse de la fréquence cardiaque mais une hausse du volume de sang éjecté à chaque contraction - une légère diminution du volume de sang apporté aux muscles actifs mais une meilleure extraction de l'oxygène contenu dans ce sang.
une épargne du glycogène musculaire associée à une utilisation accrue des lipides
une baisse de la production d'acidité et d'acide lactique.
Tous ces changements vont dans le sens d'une réduction de l'effort accomplit par les grands systèmes fonctionnels (cardio-vasculaire et respiratoire). Un même exercice devient moins sollicitant.

Au niveau de l'exercice maximal, l'entraînement a pour effets une augmentation :
de la consommation maximale d'oxygène de l'athlète (VO2max) et de la vitesse qui lui est associée (VMA ou vVO2max).
de la ventilation
du débit cardiaque par élévation du volume de sang éjecté à chaque contraction. La fréquence cardiaque maximale reste inchangée ou diminue légèrement.
certainement du débit sanguin au niveau des muscles actifs.

Ces adaptations ont été établies par de nombreuses études scientifiques. Dans la partie qui suit, nous rapportons certaines expérimentations qui sont plus directement en rapport avec l'entraînement à la course. Après voir vu les effets biologiques de l'entraînement aérobie pris comme un tout, nous pénétrons quelque peu le détail des effets aérobies liés à l'organisation de l'entraînement.


6.2 Expériences

Les expérimentations que nous relatons traitent de l'influence des types de sollicitation et de l'organisation de l'entraînement sur les qualités aérobies. Elles sont tirées des rares études (quelques dizaines) qui ont été menées sur le sujet. Il vrai que les recherches qui suivent l'évolution des athlètes dans le temps sont longues, aléatoires, difficiles à contrôler et à interpréter. Voilà pourquoi nous utiliserons également des études ponctuelles comparant des athlètes de niveaux différents.
Par ailleurs, nous nous sommes efforcés de prendre en compte des études portant sur des sujets entraînés.
Les expérimentations sont introduites par une question et agrémentées d'un commentaire relatant notre point de vue et mettant en relation les résultats trouvés avec ceux émanant d'autres recherches.

6.2.1 Types d'entraînements

Les athlètes ont-ils intérêt à entreprendre brusquement un entraînement intense à la VMA ?
Protocole : En 1999, Billat et coll ont comparé les effets d'un entraînement "normal" et d'un entraînement "intense" basé sur la vitesse associée à la VO2max. (VMA ou vVO2max dans le texte). L'entraînement "normal" consistait en 4 semaines composées de 6 entraînements par semaine. Une séance était effectuée au niveau du seuil (OBLA) et une à la VMA. Le reste des séances était réalisé en footing moyen ou lent.
L'entraînement "intense" suivait l'entraînement normal. Il était réalisé sur la même durée et comprenait le même nombre d'entraînements. Cependant, au lieu d'une séance à la VMA, les athlètes devaient effectuer 3 séances à cette vitesse. Chaque séance consistait en 5 répétitions de course d'une longueur égale à la moitié du temps de maintien maximal à la VMA (Tlim vVO2max) avec une récupération égale au temps de course. Une séance typique était : 5x3' à la VMA r=3'.
Résultats : les niveaux atteints après les 4 semaines d'entraînement intense ne différaient pas des performances réalisées à l'issue de l'entraînement "normal". En outre, les athlètes se plaignaient de douleurs musculaires, de fatigue chronique et d'un mauvais sommeil (signes de surentraînement) suite à l'entraînement intense.
Commentaires : l'entraînement répété à la VMA paraît fatiguer les athlètes sans leur apporter l'amélioration escomptée.
Ces données doivent cependant être relativisées au moins pour trois raisons.
1le caractère extrêmement réducteur et normé de l'entraînement effectué. Toutes les séances de VMA sont identiques. Entre le seuil et la VMA aucune allure n'est sollicitée.
2la difficulté des séances de VMA. Les séances utilisant des distances égales à la moitié du temps de maintien à la VMA (environ 6-7') sont extrêmement difficiles à supporter. Alors quand 3 séances de ce type sont effectuées dans une semaine pendant 4 semaines, nous imaginons la fatigue qu'elles peuvent engendrer.
3l'absence de temps de récupération suffisant entre les tests et l'entraînement. Compte tenu de l'effort certainement inhabituel fourni par les athlètes, il aurait été intéressant de leur laisser une semaine à 10 jours de récupération relative avant de les tester à nouveau.
Il est pensable qu'en prenant en compte ces remarques, les résultats aient pus être différents. En effet, la plupart des études montrent que l'amélioration du niveau physique est proportionnelle à l'intensité des exercices effectués (pour exemple Pollock, 1973). Encore faut-il que les athlètes ne s'enferment pas dans un état de surentraînement.

Peut-on associer des sollicitations anaérobies à l'entraînement aérobie ?
En 1986, Blomstrand a fait une synthèse des effets de l'entraînement en endurance sur les vitesses de formation de l'ATP par dégradation du glucose ou du glycogène à partir de la glycolyse anaérobie et du cycle de Krebs.
Résultats

 
Sexe
Glycolyse anaérobie
Oxydation par le cycle de Krebs
Non entraînés
Hommes
Femmes
208
174
26
32
Moyennement entraînés
Hommes
Femmes
182
178
42
38
Bien entraînés
Hommes
Femmes
144
122
52
58

Vitesses maximales de formation d'ATP par les filières anaérobie et aérobie en fonction du degré d'entraînement (tableau et schéma). Les vitesses maximales de formation de l'ATP sont exprimées en micromoles/min/gramme de poids

L'entraînement en endurance augmente la vitesse de la voie aérobie. Une enzyme du cycle de Krebs comme l'alpha-cétoglutarate déshydrogénase voit sont activité multipliée par 18. En revanche, ce développement de la voie aérobie se fait au détriment de la filière anaérobie. La signification de la baisse de vitesse de la dégradation du glucose en anaérobie reste mystérieuse.
Commentaires : l'entraînement exclusivement aérobie diminue les qualités anaérobies. Les spécialistes de demi-fond court qui doivent jouer sur les deux tableaux auront intérêt à toujours maintenir des sollicitations anaérobies s'ils veulent éviter ce phénomène.


6.2.2 Organisation de l'entraînement

Une période de repos de deux semaines est-elle fortement nuisible à la performance ?
En 1979, Houston et al ont testé 6 coureurs au sommet de leur entraînement. Ces athlètes se sont ensuite arrêtés 15 jours avant de reprendre l'entraînement pendant la même durée. La VO2max, l'activité de deux enzymes (aérobie et anaérobie) ainsi que le temps de course maintenu à une allure fixée inférieure à VO2max ont été mesurés avant l'arrêt, après les 15 jours d'inactivité et à l'issue des 15 jours de reprise.
Résultats : Les niveaux des indicateurs observés ont considérablement baissé après les 15 jours de repos. Par exemple, le temps de course est passé de 19 à 14 minutes.
Après 15 jours de reprise, les indicateurs physiologiques n'avaient même pas rattrapé la moitié de la perte occasionnée par le repos. La performance était passée de 14 à 17 minutes.
Commentaires : Cette étude confirme la plupart des travaux portant sur le désentraînement et le réentraînement. Tous montrent qu'une brève période d'inactivité nuit considérablement aux performances. Les effets les plus rapides et les plus spectaculaires interviennent au niveau des cytochromes de la chaîne respiratoire, de la capacité du muscle à stocker le glycogène et du volume sanguin.
C'est pourquoi il est certainement plus profitable de réduire l'entraînement plutôt que de l'arrêter complètement. Dans ce cas, les études montrent qu'il est préférable de baisser le volume et la fréquence des séances tout en maintenant leur intensité (Hickson et al 1982, 1985).
Mais faut-il pour autant complètement bannir le repos ?
Nous pensons que non et ce au moins pour deux raisons.
une raison psychologique : après un arrêt complet l'athlète retrouve l'envie qui peut être émoussée par l'intensité de l'entraînement. S'il préfère ne pas arrêter complètement l'activité pour ne pas à avoir à affronter la difficulté de la reprise, le sportif gagnera à effectuer d'autres sports que celui qui constitue sa spécialité.
une raison biologique : il est possible que l'arrêt complet de l'activité ou la pratique d'un autre sport permettent d'améliorer la régénération et la plasticité de l'organisme. Par exemple, un athlète qui ne progresse plus depuis longtemps pourrait, suite à une période d'inactivité suivie d'un nouveau type d'entraînement, retrouver de nouvelles dispositions à la pratique. Toutefois, cette argumentation ne s'appuie que sur la réflexion. A notre connaissance, elle n'a jamais été sérieusement étudiée.

D'un point de vue physiologique, quel type d'entraînement devrait commencer une programmation ?
Pour répondre à cette question, nous devons connaître les principaux effets engendrés par les grandes catégories de sollicitations aérobies que sont :
le footing rapide
les intervalles courts à la vitesse maximale aérobie (VMA)
les intervalles longs à la VMA

L'entraînement en footing rapide produit les principaux effets suivants :
une augmentation du débit cardiaque par élévation du volume de sang éjecté à chaque contraction
une régulation et préservation du glycogène par activation de la dégradation des lipides
un ajustement de la production acide à son enlèvement.

Les intervalles courts à la VMA produisent les principaux effets suivants :
ils augmentent la capacité aérobie des fibres musculaires (élévation du nombre et de la taille des mitochondries, de leur contenu en enzymes, accroissement de la densité capillaire)
ils augmentent la quantité et la disponibilité de la myoglobine.

Les principaux effets des intervalles longs à la VMA sont :
une augmentation de la capacité aérobie du coeur selon les mêmes adaptations que celles occasionnées aux muscles par un entraînement à base d'intervalles courts
un accroissement du débit cardiaque
une meilleure régulation des systèmes d'utilisation et de stockage du glycogène
une plus grande efficacité des systèmes d'enlèvement de l'acidité.

Partant de ces connaissances, il nous suffit de connaître deux points pour avoir une idée de l'ordre dans lequel il convient d'utiliser ces moyens d'entraînement : (1) le temps nécessaire au développement des adaptations engendrées par les différents entraînements (2) l'action d'une adaptation sur l'autre (interactions)
En 1985, Saltin a montré dans une revue de synthèse qu'en augmentant la capacité de transport de l'oxygène par le sang - suite à l'autotransfusion de sang prélevé trois semaines avant - la VO2max s'élevait. Ceci signifie que les fibres musculaires sont capables d'accroître leur activité aérobie si l'apport d'oxygène est augmenté.

Commentaires : Concernant le point 2 , tout porte à croire que l'organisme est organisé de manière à ce que les facteurs centraux (débit sanguin) déterminent largement les facteurs périphériques (capacité aérobie du muscle) (à ce propos voir l'effet de la commande nerveuse sur le muscle dans la page physiologie/le mouvement). De plus, les facteurs centraux sont certainement les plus longs à s'adapter (point 1). Enfin, il est possible que les facteurs périphériques s'adaptent assez finement et très rapidement aux niveaux de sollicitations habituels de l'organisme (point 1).
Ces arguments prêchent en faveur d'un entraînement cherchant à développer les facteurs centraux dans un premier temps (du moins chez les personnes déjà entraînées).
Or, ce sont les intervalles longs et le footing rapide qui semblent assurer la plus grande partie de ce développement. Un entraînement établi sur cette seule base physiologique pourrait donc commencer par un travail de footings rapides et d'intervalles longs à la VMA.
Cependant, compte tenu de la pauvreté du raisonnement, du peu de profondeur des arguments avancés et des connaissances lacunaires mises en ouvre, nous préférons garder à ces données le simple statut d'informations. Nous pensons qu'elles gagneront à être replacées dans une réflexion plus large prenant notamment en compte les particularités de l'athlète et les principes de l'entraînement (tout sur l'entraînement/la programmation).

Dernière question abordée...

L'entraînement en altitude permet-il d'améliorer les performances des athlètes à leur retour en plaine ?
S'il est une question qui fait l'unanimité parmi les athlètes de haut-niveau du monde entier c'est bien celle-ci. En effet, après une période de mise au pilori, l'entraînement en altitude est revenu en grâce au cours de cette dernière décennie. Qu'en disent les scientifiques ?
En 1975, Adams et coll ont formé deux groupes de six coureurs de demi-fond bien entraînés. Le groupe A s'entraîna 3 semaines au niveau de la mer puis 3 semaines en haute altitude (2300m). Le groupe B fit l'inverse. La performance à un test de 3,2 kilomètres et la VO2max des sujets furent évaluées régulièrement pendant les deux phases d'entraînement.
Résultats : Au cours du séjour en altitude, la VO2max des athlètes a baissé de plus de 17% et la performance de plus de 7%. Ces résultats s'expliquent logiquement par la rareté de l'oxygène. En revanche, ce qui était moins attendu c'est l'absence d'amélioration des performances après le retour en plaine. Loin d'avoir des effets bénéfiques sur l'aptitude aérobie, le séjour en altitude avait même engendré une légère baisse de près de 3% de la VO2max des athlètes.
Commentaires : De nombreuses études confirment l'absence d'effets bénéfiques sur la performance en plaine de séjours effectués en altitude. Dès lors, comment expliquer la frénésie d'altitude qui a envahie les athlètes du monde entier ? Difficile à savoir. Deux conjectures peuvent être avancées.
La première est que la pratique de l'entraînement a pris de l'avance sur l'orthodoxie scientifique. Ce ne serait pas la première fois que cela arriverait.
La seconde hypothèse expliquerait les améliorations observées par les athlètes - et relevées par quelques études scientifiques - par un accroissement de l'intensité de l'entraînement et par une attention plus soutenue aux dispositions favorisant la récupération des efforts fournis. La combinaison des deux facteurs rendrait compte des améliorations pouvant intervenir. De l'expression "stages en altitude", c'est donc le mot "stage" qu'il faudrait associé au mot "performance".


Nous en avons terminé de cette partie consacrée à l'oxygène. La transformation de l'énergie contenue dans les substrats par la voie aérobie s'inscrit dans la continuité des réactions ayant commencé en anaérobie. C'est pourquoi, vous trouverez avantages à consulter la page qui traite des filières énergétiques .