psychologie - l'être social (expert)
   

 

2 l'Être social

Ce qui permet à l'ensemble de nos "qualités biologiques" de s'actualiser, c'est le rapport que nous avons avec notre environnement c'est à dire avant tout, les autres.

Un être humain n'est jamais complètement isolé. Sa vie toute entière dépend des échanges qu'il entretient avec ses semblables. Il fait partie d'un ensemble dont il dépend depuis qu'il est sorti du ventre de sa mère. Depuis cette époque, il a appris à faire siens les comportements et pour tout dire les valeurs des personnes de son entourage au premier rang desquels se trouvent ses parents.

Cet environnement d'hommes et de femmes modèle chaque être humain au point de dire que "nous ne sommes que les autres". Plus exactement disons que "nous sommes la trace qu'ont laissés les autres dans notre système nerveux, dans les rapports que nous avons eus avec eux" (Henri Laborit). L'autre me fait exister à tel point que "C'est faux de dire : Je pense. On devrait dire : on me pense." (Arthur Rimbaud)

2.1 La relation à l'autre

Ce qui nous fait être, ce sont les relations que nous avons établies avec les autres. Au niveau individuel, ces relations vont dans le sens d'une recherche de plaisir, de gratification. N'oublions pas, que le siège de la mémoire est également celui de l'affectivité. Or qu'est-ce que l'affectivité ? Nous avons vu qu'elle se résume fondamentalement à se faire plaisir ou ne pas se faire plaisir.
Nous agissons ; les autres nous renvoient une attitude qui nous laisse à penser que notre comportement initial est "convenable" ou pas. L'approbation des autres est source de contentement le rejet provoque le malaise. Dans cette logique, être parfaitement égoïste, c'est aider l'autre à vous aider.
Ainsi l'autre est pour nous source de gratification ou de douleur. Or rappelons-nous ! Un système nerveux - comme toute organisation vivante - cherche à maintenir sa structure. L'intermédiaire indispensable à cette fin est le plaisir. L'autre étant une inépuisable source de plaisir, la relation à lui est le moyen pour un être vivant de se maintenir en vie. D'où l'intérêt de poursuivre la relation. Inversement, si l'autre engendre le mal-être, la douleur, le stress, il devient un être à éviter ou à détruire. Si nous ne pouvons ni le combattre, ni le fuire, nous tombons en inhibition de l'action et subissons la panoplie de pathologies qui accompagnent cet état.

Dès lors, il est important pour chacun de nous de comprendre ce qui provoque le contentement de l'autre!

2.2 Apprendre l'autre

Cet autre dont nous parlons depuis un moment qui est-il ? Il est l'ensemble des personnes avec qui nous avons eu des contacts. Si vous êtes très proches de vos parents, ces derniers occuperont une grande place dans "l'autre". Si les échanges que vous avez vécus se limitent à un groupe social aux valeurs bien marquées, "l'autre" s'exprimera en vous par les valeurs et les attitudes de ce groupe. Comment se fait-il que nous incorporions notre environnement ? Nous l'avons dit, nous avons besoin de nous conformer à lui pour survivre. Comment le faisons-nous ? La réponse arrive de suite.

Chaque groupe social se construit et fonctionne sur des valeurs, des codes que chacun se doit de respecter. Si l'action d'un individu du groupe va dans le sens des valeurs dominantes, ce dernier est congratulé, dans le cas contraire il est dénigré. Dans la première hypothèse il reçoit une "dose de plaisir", dans la seconde "une dose de douleur". Cette réponse affective est mémorisée - rappelons que le cerveau de la mémoire et de l'affectivité est le même -. Cette incorporation de valeurs sociales est si forte que le plus souvent nous n'avons plus conscience de sa présence et aussi de sa contingence ; elle devient un cadre de pensée qui sert à catégoriser le monde et qui n'est plus discuté. Presque sans prendre garde, par le seul jeu des sentiments, nous intégrons un code donc nous le respectons et le transmettons par nos paroles et par nos actes.
Toutefois, si l'incorporation inconsciente de valeurs fortes n'est pas suffisante il reste quelques artifices pour "s'occuper" d'une personne. Citons pêle-mêle, le divertissement - du pain et des jeux disaient les romains -, la répression. Mais aussi d'autres astuces absolument magistrales comme celles que nous appelons culpabilité ou récompense après la mort.

Mais revenons à l'inconscience. Une fois engrammée, intériorisée, une valeur devient un repère, un point fixe qui nous permet de nous situer dans un monde sans jalons. Elle est un guide pour la réflexion et pour l'action. Elle ne nous laisse pas seuls face à l'inconnu et à l'incertitude. Ce faisant, elle nous rassure, nous dispense de l'effort d'un raisonnement et surtout de la douleur d'une remise en cause vis à vis de nous et plus encore vis à vis des autres. La valeur nous aide à vivre dans un monde qu'elle contribue à éclairer. Pas étonnant, dès lors, que l'apprentissage social rejoigne les propriétés biologiques. Pas étonnant que nos affects entrent en jeu à chaque fois qu'une personne se risque à remettre en cause ce sur quoi on vit.

Quel qu'il soit, un comportement appris assure l'efficacité - même relative - de l'action sans demander d'effort pour être réalisé. En d'autres termes, il nous est utile. Dès lors tout ce qui va à l'encontre de l'habitude prise, de la valeur respectée est une atteinte à la structure biologique et doit, à ce titre, être détruit. L'agressivité est là, la préparation à la lutte est lancée, l'intolérance n'est pas loin, la recherche du pouvoir et l'asservissement non plus. Le but est toujours le même : survivre.
A l'inverse tout ce qui va dans le sens d'une valeur avec laquelle nous vivons nous rend plus forts. De manière générale, ce qui est différent nous déstabilise, affaibli notre structure alors que ce qui nous ressemble, nous renforce. Telle est la réaction de tout système vivant, du moins provisoirement. En effet, une phase de déstabilisation précède toute progression véritable (voir tout sur l'entraînement). Mais voilà, nos deux premiers cerveaux ne se projettent pas dans l'avenir. Ils réagissent à une situation vécue par l'immédiateté du sentiment, un sentiment que la personne est pourtant capable d'adapter.

Dans tout ce qui précède, nous avons réagit comme si nous et les autres formions un ensemble homogène.
En ce qui nous concerne, il est possible que les expériences traversées, les apprentissages effectués, le patrimoine hérité, aient privilégié, chez nous, telle émotion, tel comportement plutôt que tel autre. Il est possible, par exemple, que nous soyons plus enclins au stress que notre voisin.
En ce qui concerne notre rapport aux autres. Nous rencontrons, dans notre quotidien, des personnes différentes, nous vivons des situations dans lesquels les valeurs attendues ne sont pas les mêmes. Si nous voulons être efficaces, nous devons savoir adapter nos qualités aux diverses situations. Nous devons savoir moduler nos réactions, nos comportements. Bref nous devons changer nos traits de personnalité en fonction des circonstances de la vie.

Cette attitude demande une analyse de nos comportements non plus sur la seule référence de nos propriétés biologiques mais également sur la base de l'adaptation de ces propriétés aux situations vécues.


2.3 Les rôles : qualités de l'être humain et situations


La psychologie moderne tente de prendre en compte les comportements qui viennent de l'intérieur - comportements émanant directement de nos affects - et ceux dictés par l'extérieur - la situation vécue. La première étude est appelée approche selon les traits de personnalité, la seconde approche situationnelle.

La première approche prend en compte ce qui est profond et stable en nous . Elle postule que ce qui motive nos comportements vient de l'intérieur. Nos actes sont l'expression directe de quelque chose de si profond qu'ils dirigent notre vie indépendamment du lieu ou des personnes.

La seconde approche dit exactement l'inverse. Nous sommes conditionnés par le milieu dans lequel nous évoluons. Nous apprenons par observation et renforcement social. Tout notre être est assujetti aux situations qu'il vit. Cette approche a permis de révéler les rôles joués par les personnes.
Etre dans le rôle, c'est adopter un comportement en fonction de la perception que nous avons de la situation sociale. Si nous pensons et voyons qu'enseigner c'est être dur avec les autres, nous allons accomplir notre métier d'enseignant avec le masque et l'attitude du bourreau. Après les cours, nous pourrons rentrer à la maison et être les plus douces des personnes comme le sont tous les bons parents. Dans les deux cas, nous jouons un rôle. Cette notion de rôle a été particulièrement bien mise en lumière par le sociologue Erwin Goffman. Ce dernier a montré combien les personnes intégraient des rôles dictés par les valeurs reconnues ; se laissaient inconsciemment réduire à eux sans jamais être capable de les remettre en cause.
L'approche situationnelle prend en compte ces adaptations des personnes aux situations locales. Après analyse, elle dira : cette personne est dure au travail, douce à la maison. L'approche par les traits pourra, à partir d'une analyse différente, affirmer que cette personne est douce, un point c'est tout.

Comme toujours c'est une troisième approche intégrant à la fois ce qui nous caractérise le plus souvent - notre personnalité - et les adaptations aux situations qui apportent le plus d'informations sur ce que nous sommes.
Dans le chapitre suivant portant sur l'être réfléchi, nous vous proposerons de découvrir certaines facettes de notre personnalité. Pour ce faire, nous utiliserons une approche mixte. En revanche, nous utiliserons l'approche situationnelle dans le chapitre consacré à l'être sportif.

Au-delà des qualités attendues par un groupe et des qualités exprimées en certaines circonstances, il est des valeurs qu'une grande partie de la population d'un pays voir de la planète ont en commun. Sans regard sur le passé, nous avons tendance à considérer ces valeurs et les comportements qui vont avec comme naturels. Nous ne savons pas qu'ils nous ont été donnés par des "moments" de civilisations humaines. Nous avons oublié que ces valeurs sont contingentes donc discutables.

Nous n'avons bien entendu pas les compétences pour faire le tour des valeurs que nous avons hérité d'une histoire sociale récente. Cependant, nous aimerions discuter d'une d'entre elles. Nous aimerions aborder la relation au pouvoir.


2.4 Un acquis : quand se figent en nous les valeurs d'une société. L'exemple du néolithique comme émergence de la propriété et de la dominance

S'il est une valeur que d'aucun s'accorde à présenter comme naturelle c'est bien la propriété, la possession. Pourtant, les historiens les ethnologues remarquent que la propriété n'est absolument donnée. Elle s'est d'ailleurs développée assez récemment ; certainement au moment où l'Homme s'est sédentarisé.

Il y a environ dix milliers d'années, sûrement suite au changement des conditions climatiques, l'espèce humaine a abandonné sa vie errante de cueilleur et de chasseur. Elle s'est fixée sur un sol et s'est mise à en exploiter les richesses. En quelques centaines d'années, un peu partout sur cette terre, des nomades sont devenus sédentaires, des chasseurs sont devenus paysans.
Développant des techniques nouvelles, nos ancêtres se sont mis, pour la première fois, à produire plus que de besoin. Le blé en excès servait au semis de l'année suivante et à prévenir d'éventuelles mauvaises récoltes. De véritables petites fratries se sont constituées autour d'un grenier commun - coffre-fort de l'époque néolithique -. La propriété faisait ces premiers pas et avec elles de nouveaux maux.
D'un côté, en se rendant moins dépendant des aléas de l'environnement, l'Homme a acquis une nouvelle puissance d'action qui n'a plus, dès lors, été démentie. L'Homme s'est spécialisé, développant des techniques toujours plus efficaces. Mais parallèlement, cette situation nouvelle a créé des inégalités. Un village pouvait posséder ce que le village voisin n'avait pas. Qu'une famine arrive et inévitablement les dépourvus allaient chercher à côté ce qu'ils n'avaient pas chez eux. Des batailles de villages se sont développées. En réponse des troupes de guerriers spécialisés se sont constituées prenant l'ascendance sur les paysans. Une hiérarchie est née, le pouvoir, la dominance et l'asservissement l'ont accompagné.
Nous ne prétendons pas que ces comportements n'existaient pas auparavant. Nous disons que l'émergence de la propriété et des inégalités qu'elle a engendrées a décuplé les guerres, créé l'asservissement et établie les hiérarchies.
La preuve en est que nous retrouvons vivant encore aujourd'hui sur de petites îles de l'océan pacifique certaines peuplades de cueilleurs - chasseurs qui ne connaissent ni les guerres ni les hiérarchies.
Même si l'histoire paraît romancée, même si les dates peuvent être remises en cause, il reste le lien fort qui s'est créé il y a plusieurs milliers d'années, et que nous vivons encore aujourd'hui, entre propriété, dominance et guerres.

L'aspect positif inhérent à la propriété est que chacun s'efforce d'égailler, d'embellir ce qu'il possède. Par ailleurs, la propriété matérielle protège l'être humain le rendant moins démunis face aux variations de son environnement. L'aspect terrifiant est qu'elle engendre l'envie, la jalousie, la guerre, la dominance et l'asservissement. Ce qui est possédé est soumis ; objets comme personnes.

Rappelons-nous de ce que nous avons dit sur le rapport à l'autre. De lui nous tirons le bien-être, de lui nous éprouvons le malaise. Si l'autre est gratifiant pour nous, s'il nous permet de renouveler notre plaisir, c'est à dire de maintenir notre structure, nous éprouverons le besoin de le conserver à notre disposition. "Si, maintenant, un autre individu se trouve dans le même territoire et qu'il apprend qu'il peut se faire plaisir avec les objets et les êtres qui font plaisir à l'autre, il voudra, lui aussi, les avoir à sa disposition pour renouveler la gratification. L'autre opposera l'argument de la propriété. Ainsi se développe la notion de propriété qui apparaît comme le résultat d'un apprentissage." (Henri Laborit).

Il a bien compris la médiocrité de la possession celui qui affirme "c'est une des pires perversion qui soit que de garder une rose par de vers soi " (Brassens).

Mais plus que la seule propriété matérielle qui en fin de compte ne demande rien à personne - pour peu que chacun possède suffisamment -, aujourd'hui où nous mène la recherche de la dominance ?
au niveau de la personne : la gratification pour celui qui domine ajoutée à la terreur de perdre cette dominance. L'inhibition de l'action, l'agressivité, la dévalorisation, à terme la maladie pour celui qui est dominé.
entre les personnes : les luttes (compétition, guerre.) ou l'évitement.
au niveau de la planète : une dilapidation des ressources et de l'équilibre naturel au profit de tout ce qui assure l'obtention du pouvoir et de l'argent.

Alors pourquoi ne pas trouver une autre voie ? Mais Où ? Là où nous ne nous sommes pas encore véritablement rendus !
Dans tout ce qui précède "seuls" nos deux premiers cerveaux étaient à la fête. Il nous reste le 3ème à dégourdire. Le 3ème cerveau : celui de la réflexion, celui qui peut remettre en cause des valeurs acquises et les remplacer par d'autres, celui qui peut nous faire accepter le changement comme un enrichissement, celui qui peut admettre que l'autre soit différent de moi.
Sans cette activation des lobes frontaux, sans cet élan tentant de saisir les valeurs que l'environnement a mises en nous, nos réactions ne feront que refléter les qualités reconnues par notre système social d'appartenance. Nous ne serons ni des êtres réfléchis ni des êtres libres.


2.5 Réflexion sur la vie en commun

Un cerveau humain en fonctionnement pourrait tenir les propos qui suivent :
Moi premier étage cérébral, je suis là pour vivre et tant qu'à faire vivre au mieux. Je veux pour cela que mes besoins soient satisfaits.
Moi deuxième étage cérébral, je dis que vivre au mieux c'est apprendre à me faire plaisir et à éviter la douleur.
Moi troisième étage cérébral, je veux ce que vous voulez mais je vois d'autres cerveaux, comme moi, qui le veulent également. (1) Je le veux (2) ils le veulent (3) nous sommes semblables. En conséquence nous ne pouvons vouloir séparément. Si je veux quelque chose, je dois aussi le reconnaître aux autres. Que mes sentiments "soient d'accord" ou non, je suis par cette réflexion et par tant d'autres aspects de la vie, lié aux autres. C'est parce que je réalise ce que je veux que nous le réalisons ; c'est parce que vous le réalisez que je le réalise.

La traduction à un être humain de ce qui précède donne si je veux faire valoir mon droit au bonheur et à ma libre détermination, n'étant rien de plus qu'un être humain, je dois accorder ce droit à tout autre que moi.
Par ce simple syllogisme, l'être humain se dit lié à l'humanité toute entière. De lui découle l'ensemble des règles et valeurs qu'il peut se donner dans son rapport à l'autre. Au sommet de la pyramide des valeurs se trouvent la tolérance - le respect des différences et du libre choix - et l'universel.

Mais ce qui n'est pas dit dans cet énoncé c'est qu'après la réflexion, le plus dur reste à faire : mettre des paroles en pratique chaque jour, à chaque instant ; faire que le 3ème cerveau s'accorde au 2ème ; faire que le verbe devienne chair.

Ce qui précède marque le rapport aux autres d'un être réfléchi. Un être aimant comme Thomas d'Aquin dirait : Pour mener ta vie "Aime et fait ce que tu veux". Mais n'allons pas si loin et attardons-nous déjà sur l'être réfléchi, sur son rapport à la vie en général et à lui en particulier

 

 

 

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Apprendre ou copier ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


L'enfant conditionné par le milieu ?