physiologie - l'acide lactique - le seuil lactique
   

 

  Attention : cette page est relativement "technique". Elle n'est pas indispensable pour comprendre la suite du propos  


2 Les seuils lactiques

Déjà en 1930, Owles fait la distinction entre des exercices de faible intensité réalisés en totale aérobie et des exercices sous maximaux mais de puissance plus importante au cours desquels la concentration sanguine du lactate s'accroît. Owles est ainsi le premier à repérer ce qu'il nomme un niveau métabolique critique (a critical metabolic level). Il le définit comme l'intensité d'exercice au-dessus de laquelle le taux d'acide lactique dans le sang s'accroît rapidement alors que le taux de bicarbonate plasmique baisse (tampons acides).
A la suite de Owles, quantité de chercheurs ont tenté d'objectiver le niveau d'exercice associé à l'augmentation rapide de la lactatémie. Il ressort de ces investigations une pluralité de termes et de définitions s'appliquant à des réalités parfois fort différentes. Aux spécialistes, nous proposons une classification des données de la littérature basée sur la définition du seuil donnée par les auteurs.

1ère approche : une élévation au dessus des valeurs de repos

Hollmann (1959) définit la "limite aérobie de la performance en endurance" comme l'intensité maximale d'effort pour laquelle exceptée l'élévation initiale des cinq premières minutes, la lactatémie artérielle retombe aux valeurs de repos. Cette intensité représente un seuil au-delà duquel le taux de lactate augmente au-dessus de ses valeurs de repos. En 1982, Yoshida et al se réfèrent à cette définition pour déterminer le seuil lactique.
Farrel et al (1979) objectivent davantage le passage à des valeurs supérieures au repos. Le seuil qu'il détermine correspond à une élévation de la lactatémie de 1mmol au dessus de la valeur basale. Il l'appelle OPLA abréviation de "Onset of Plasma Lactate Accumulation" que nous traduisons par début d'accumulation de lactate plasmatique.

2ème approche : une valeur absolue

Hagberg et Coyle (1983) appellent "Lactate threshold" (seuil lactique) l'intensité d'exercice induisant une lactatémie de 2,5mmol/l après dix minutes d'exercice.
Kinderman et al (1979) nomment "anaerobic threshold (seuil anaérobie) la vitesse associée à une lactatémie de 4mmol/l.

3ème approche : une élévation brutale

Pour Sjödin et Jacobs (1981) le début d'accumulation du lactate sanguin ("Onset of Blood Lactate Accumulation" = OBLA à ne pas confondre avec OPLA) correspond à une brusque augmentation de la lactatémie repérée autour de 4 mmol/l.
En 1984, Aunola et Rusko reprennent le même concept et nomment seuil lactique (lactate threshold) une réalité bien différente du seuil lactique de Hagberg et Coyle puisqu'il s'agit cette fois du pourcentage de VO2max (consommation maximale d'oxygène) associé au début d'accélération de l'accumulation de lactate sanguin repéré entre 3,5 et 5mmol.

4ème approche : un état stable maximal

Afin d'éviter les problèmes liés aux protocoles progressifs, plusieurs chercheurs ont eu recours à des exercices réalisés à vitesse constante. Le seuil devient alors l'intensité d'exercice induisant un "état stable maximal de la lactatémie" (maximal steady state of blood lactate concentration : Chassain 1986 , Billat et al 1994c) ; un "état stable maximal" (maximal steady state : Londeree et Ames 1975). En 1976, Mader parle de la "capacité d'endurance" comme d'une intensité maximale d'effort pour laquelle la lactatémie artérielle reste stable en fonction du temps, après une élévation initiale, alors que l'intensité de l'exercice est maintenue constante. Les valeurs des seuils ainsi repérés peuvent aller de 2,2mmol/l à 7mmol/l selon les athlètes.

Et d'autres approches

La méthode proposée par Stegmann et al (1981) et appelée par les auteurs "individual Anaerobic Threshold" (IAT) tient compte de la récupération après l'effort. A la fin de l'exercice, la lactatémie continue à augmenter avant de chuter progressivement. Stegmann utilise le moment où la lactatémie revient aux valeurs de fin d'exercice. De ce point, il trace une droite qui va à l'axe des abscisses, en étant tangentielle à la courbe. La projection du point de rencontre entre la tangente et la courbe sur l'axe des puissances correspondrait, pour l'auteur, au seuil anaérobie individuel. L'affaire est bien compliquée ne trouvez vous pas ?
Le seuil lactique pourrait également être défini à partir de la tangente à la courbe [LA]s-puissance, qui fait avec l'axe des abscisses un angle de 51° (Keul et al, 1979) ou 45° (Simon, 1981). La projection orthogonale de ce point sur l'axe des abscisses donne la vitesse "seuil" au-delà de laquelle l'intervention du métabolisme anaérobie deviendrait inéluctable.
Quant à Rieu (1986), il propose de considérer les différences de niveau de la lactatémie : dif[LA]s = [LA]s(palier n) - [LA]s(palier n-1). Cette démarche, lorsqu'elle est réalisée, modifie l'aspect du phénomène, la relation dif[LA]s-VO2 pouvant perdre l'allure exponentielle de la relation [LA]s-VO2.

Les niveaux des seuils varient considérablement selon que l'on privilégie une approche plutôt qu'une autre. Pour un athlète, il importe donc de toujours adopter la même référence.

   
 

Niveaux relatifs (% VMA) de seuils lactiques différents proposés par la littérature scientifique chez un groupe de spécialistes de demi-fond très entraînés.
 


Parmi toutes ces approches, la position la plus consensuelle semble être celle qui pose non pas l'existence d'un seuil privilégié mais d'une zone de transition conduisant d'une lactatémie limitée à une importante accumulation de lactate.

Les différences observées s'expliquent, pour partie, par les conditions d'expérimentation. En reprenant la littérature, nous avons observé (Gindre 1995) combien des différences dans les tests, les ergomètres utilisés, les sujets évalués... pouvaient se traduire par des résultats dissemblables. Par ailleurs, au delà des seuls résultats, il apparaît que l'extrême dispersion des définitions proposées puisse s'expliquer par des modélisations fort différentes des processus physiologiques mis en jeu. Les modèles actuels prennent en compte les processus d'apparition et d'enlèvement du lactate dans le sang.