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6.3.6. RÈGLE PROPORTIONNELLE DE CAPITAUX ET RÉDUCTION PROPORTIONNELLE D'INDEMNITÉ |
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Principes de la règle proportionnelle de capitaux
Il arrive que la somme garantie soit inférieure à la valeur réelle au jour du sinistre, par l'effet du phénomène de la sous-déclaration. Même quand l'assuré est présumé de bonne foi, l'assureur est fondé à appliquer dans ce cas la Règle Proportionnelle de capitaux, qui est une réduction de l'indemnité dans la proportion de cette sous-déclaration.
Quand on sait que la prime annuelle est le produit d'un taux exprimé en par an de la somme garantie, cette sanction légale se justifie techniquement par les équations suivantes :
- indemnité = dommage x (somme garantie / valeur réelle) ;
ou encore :
- indemnité = dommage x (somme garantie / valeur réelle) x (taux de prime / taux de prime) ;
c'est-à-dire :
- indemnité = dommage x (prime effectivement versée (Pv) / prime normalement due (Pn).
L'assuré est donc artificiellement considéré comme le co-assureur de son propre risque, car il est censé s'être versé à lui-même le pourcentage (Pn-Pv)/Pn de la prime normalement due, et donc intervenir dans le règlement du sinistre à concurrence de ce même pourcentage.
Cette Règle Proportionnelle prévue par l'article L. 121-5 du Code des Assurances, sanction apparemment sévère, est en réalité une mesure de justice à l'égard des assurés qui ont effectué des déclarations conformes. Elle était souvent appliquée en période de forte inflation, pour des contrats anciens souscrits par des entreprises très rarement sinistrées.
Il s'en suivait que le service rendu par l'assureur se trouvait gravement détérioré, et que l'application fréquente de cette sanction était la source de fréquentes animosités contre les sociétés d'assurance.
Considérons en effet le cas extrêmement fréquent d'un responsable de PME-PMI, peu informé des questions d'assurance, d'une vigilance moyenne (accaparé par des soucis de gestion au jour le jour), et qui pendant plus de trois ans omet de demander toute modification de la somme garantie. Même si sa déclaration initiale était correcte, même si son risque a physiquement peu évolué, une hypothèse d'inflation de 2 % par an induit une sous-estimation de 6 % en cas d'incendie trois ans après la souscription de son contrat.
L'écart entre le service réellement rendu par l'assureur et celui qu'en attendait l'assuré se trouve encore accru du fait du cumul de trois facteurs de minoration de l'indemnité :
- la reconstitution patrimoniale attendue est appréciée au jour du sinistre, alors que la reconstruction ou la réparation sont payées plus tard, après travaux ; - elle est diminuée par application du coefficient de vétusté, alors que cette reconstitution ne peut se faire concrètement qu'à neuf ; - elle est réduite par l'application de la Règle Proportionnelle.
S'ajoute à cela que l'entreprise ne peut pas fonctionner normalement pendant une assez longue période, alors que ses frais généraux continuent à courir.
Enfin, il arrive que l'indemnité, même altérée par ces trois facteurs, soit supérieure à la valeur résiduelle comptable du bien détruit. La différence est alors considérée comme une plus-value sur cession d'un élément d'actif, et à ce titre elle est imposable.
Pour atténuer la brutalité de l'application de la Règle Proportionnelle, le Code des Assurances prévoit tout de même qu'elle s'applique « sauf convention contraire ». Par ailleurs il est admis dans les Conditions Générales du Contrat Incendie qu'elle ne s'applique pas au cas où l'assuré ne peut déterminer la « valeur de la chose assurée ».
Les garanties indexées
Pour éviter l'application brutale de la Règle Proportionnelle, les assureurs ont depuis longtemps lancé des formules de garanties indexées, c'est-à-dire un contrat où, dès la souscription, il est prévu que même en l'absence d'avenant, tous les ans la prime et les sommes garanties sont révisées en fonction d'un indice indépendant des deux parties contractantes.
Il n'a pas été évident, à une certaine époque, d'imposer cette formule. Ses partisans y voyaient un moyen efficace de réduire le nombre et l'incidence des règles proportionnelles et d'épargner les frais administratifs liés à la passation des avenants, alors que ses adversaires soulignaient le caractère trop forfaitaire des évolutions et craignaient que le mécanisme de l'indexation n'attise l'inflation.
Extensions de garanties autres que l'indexation
Des solutions nouvelles ont suivi l'introduction de l'indexation comme parade à la Règle proportionnelle brute.
Valeur à neuf
Si l'assuré s'engage à maintenir ses biens dans un état normal d'entretien, il peut opter pour la garantie dite « valeur à neuf » (avec toutefois une limitation pour les biens trop vétustes), moyennant une surprime spécifique par rapport à la garantie de base en valeur « vétusté déduite », ces deux valeurs étant appréciées au jour du sinistre (et non à celui du paiement de la reconstruction).
Engagement éventuel
Afin d'éviter la lourdeur des procédures d'avenant au contrat, voire pour éviter une situation où l'assureur estime ne plus avoir la capacité de s'engager au-delà de la somme initialement prévue, une clause d'engagement éventuel peut être insérée dans la police : l'assureur déclare accepter toute augmentation de la somme garantie demandée par l'assuré, dans la limite d'un montant convenu à la souscription du contrat.
Tolérance d'insuffisance de 10 %
Les assureurs renoncent à la Règle proportionnelle sur les différents postes assurés quand l'insuffisance de la somme garantie est inférieure à 10 % de la somme estimée au jour du sinistre.
Assurances révisables ou en compte courant
Ces formules s'adressent à des industriels entreposant des quantités importantes de stocks dont la valeur est très variable, du fait soit de la fluctuation des cours, soit de celle du volume des stocks, ou encore en raison de l'érosion monétaire générale.
Leur intérêt réside dans le fait que la prime est a posteriori calculée sur le niveau moyen de la valeur des stocks, et non à la valeur maximale qu'ils peuvent atteindre en cours d'année, et naturellement sans appliquer la Règle proportionnelle si au jour du sinistre la valeur des stocks excède son niveau moyen.
Garantie des pertes indirectes
Ce type d'assurance a pour but de couvrir tous les frais annexes inévitables consécutifs à un sinistre. L'indemnité peut ou non être forfaitaire suivant la formule choisie par l'assuré. Dans le premier cas, l'assuré n'a aucun justificatif à produire. Dans le second, il doit justifier de l'importance et de la nature de ces frais annexes, l'indemnisation étant en tout cas limitée au pourcentage choisi par l'assuré à la souscription de l'indemnité versée pour les dommages directs.
Versements d'acomptes à la suite d'un sinistre
Malgré le délai limite relatif au versement de l'indemnité totale due à la suite d'un sinistre en risques directs et surtout en pertes d'exploitation, les assureurs versent des acomptes à valoir sur les indemnités qu'ils devront en définitive, quand la situation économique de l'assuré le justifie ou lorsque la conclusion des opérations d'expertise est retardée par des faits étrangers.
Principes de la réduction proportionnelle d'indemnité
À la souscription comme en cours de contrat, toute fausse déclaration commise par l'assuré, qu'il soit un particulier ou une entreprise, toute dissimulation de faits de quelque nature qu'ils soient est naturellement sanctionnée. Si l'assuré est de mauvaise foi, la sanction entraîne la nullité du contrat d'assurance et par conséquent l'assuré ne percevra aucune indemnité en cas de sinistre.
En revanche, lorsque la mauvaise foi n'a pas pu être établie, quand le caractère inexact de la déclaration porte sur une autre caractéristique du risque assuré que sur la valeur des biens, un abattement sera pratiqué sur l'indemnité due au titre de la réparation du sinistre. Il sera calculé en proportion du taux de la prime payée par rapport au taux de la prime qui aurait été due si les risques avaient été déclarés avec exactitude. C'est cette procédure que l'on intitule la « réduction proportionnelle d'indemnité ».
À titre d'exemple, le tarif « incendie » des risques d'entreprise prévoit pour certaines activités l'application de deux taux. Le premier, le plus faible, sera applicable si le contrat stipule expressément l'insertion de l'interdiction de fumer dans l'entreprise. Le second taux sera applicable en cas de non-insertion de cette clause.
S'il s'avère à la suite d'un incendie, que l'entreprise assurée ayant accepté cette clause d'interdiction n'a pas mis en uvre tous les moyens normaux pour la faire appliquer effectivement, la société d'assurances est fondée légalement à réduire l'indemnité, en utilisant comme coefficient le rapport existant entre le taux de la prime payée et le taux de la prime due (même s'il est démontré que le non-respect de la clause en question a été sans incidence sur l'éclosion ou, plus généralement sur le développement du sinistre).
Simultanéité d'application
Ces sanctions peuvent agir simultanément selon la combinatoire suivante :
I = D x (Cd / Cr) x td / tr
Où :
- I = l'indemnité ; - D = le dommage ; - Cd = la valeur déclarée ; - Cr > Cd, la valeur réelle ; - td, le taux de la prime effectivement payée, compte tenu des clauses de la police ; - tr > td, le taux de prime dont était passible le risque, en raison de ses caractéristiques réelles.
Exemple :
Si D = 1 000 000 € , Cd = 5 000 000 € , Cr = 6 000 000 € , td = 3 , tr = 3,5
Alors, I = 1 000 000 x (5 000 000 / 6 000 000) x 3 / 3,5 = 714 286 €
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