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5.4.2. LES MOUSSES | ![]() |
Une mousse est un assemblage de bulles constituées d'une atmosphère gazeuse (air, le plus souvent) emprisonnée dans une paroi formée d'un film mince de solution moussante et tapissée par une couche d'épaisseur monomoléculaire.
Celle-ci est toujours orientée de la même façon au contact de l'eau, grâce à sa structure dite « polaire ».
Cette aptitude spéciale se trouve dans les acides gras, les savons hydrosolubles et d'une façon générale, les détersifs. Ces molécules sont constituées par un groupement dit « hydrophile » (soluble dans l'eau), soudé à un élément « hydrophobe » (repoussé par l'eau).
Les hydrophiles les plus courants sont les sulfates, les sulfonates, les acides salifiés, ou les groupements fonctionnels tels les alcools, les amines, etc.
Les hydrophobes sont toujours une longue chaîne hydrocarbonée.
La représentation conventionnelle de ces molécules est la suivante : les hydrophiles sont symbolisés par un cercle, les hydrophobes par un trait. Une couche monomoléculaire est donc constituée par un assemblage de ces molécules.
Pour la créer, il faut disposer de telles molécules à double affinité, mais aussi d'une « interface » favorable à leur développement. Si l'interface se trouve entre l'eau et l'huile, la partie hydrophile plongera dans l'eau, la partie hydrophobe dans l'huile : cela donne une émulsion. Si cette interface se trouve entre l'eau et l'air (ou tout autre gaz), cela donne une mousse.
Mécanisme de formation de la mousse
Considérons une solution aqueuse d'un produit moussant quelconque, au repos dans un verre. La surface est tapissée d'une couche monomoléculaire de l'agent moussant, les molécules en excès étant appelées à remplacer celles qui s'échapperont pendant le moussage.
Considérons ensuite une bulle d'air supposée à l'arrêt au sein de la solution. Une nouvelle interface vient de se créer, absolument identique à celle de la surface, mais orientée de façon inverse, puisque cette fois le gaz est à l'intérieur.
En raison de sa faible densité, la bulle s'élève et vient au contact de la couche adsorbée en surface. Élastique, celle-ci se déforme et laisse passer la bulle qui passe du milieu liquide dans le milieu aérien en se tapissant au passage d'une deuxième couche monomoléculaire, à l'orientation symétrique, qui enferme une mince pellicule d'eau maintenue par les parties hydrophiles.
La mousse se forme par l'accumulation de plusieurs bulles accolées.
L'aptitude de cette mousse à retenir son liquide constituant, donc sa résistance au feu, sera fonction de la structure chimique et de l'affinité pour l'eau de l'agent moussant employé. Dans les mêmes conditions d'exposition à l'action destructrice d'un incendie, les mousses issues des protéines se révèlent supérieures à celles issues des savons ou des alkylsulfates.
Couche monomoléculaire
Pour conférer à la bulle le maximum de stabilité, la couche monomoléculaire doit être cohérente, marquée par une distance intermoléculaire appropriée, cette cohésion diminuant quand la distance augmente.
Elle ne doit pas non plus devenir trop rigide, ce qui la rendrait friable et ne permettrait plus à la bulle de résister aux déformations réversibles qu'elle subira. L'état physique de la couche monomoléculaire doit donc se stabiliser entre le solide et le liquide : il est alors dit « mésomorphe ».
CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DE LA MOUSSE
Une mousse peut être caractérisée par son foisonnement, sa vitesse de décantation, sa fluidité, son adhérence.
Foisonnement
Le foisonnement est le rapport existant entre le volume de mousse produit et celui de la solution moussante utilisé. Le foisonnement obtenu dépend à la fois de la nature de l'émulseur et du type de matériel de mise en uvre. Il existe trois types de foisonnement suivant que l'on introduit plus ou moins d'air dans la solution :
- bas foisonnement, inférieur à 20 (généralement de l'ordre de 8). Le bas foisonnement est obtenu à partir de lances ou de canons permettant de projeter la mousse à longue distance. Pratiquement insensible aux conditions atmosphériques, cette mousse lourde est utilisée pour les interventions extérieures sur des feux à fort rayonnement ; - moyen foisonnement, de 20 à 200 (généralement de l'ordre de 100). Le moyen foisonnement est obtenu à partir de lances ayant une portée n'excédant généralement pas 10 m ou de générateurs. Il est utilisé, soit pour consolider une extinction faite avec une mousse à bas foisonnement, soit préventivement sur une nappe de liquide. Sa résistance à la réinflammation est inférieure à celle de la mousse à bas foisonnement ; - haut foisonnement, supérieur à 200 (généralement de l'ordre de 500). Le haut foisonnement est produit par un générateur qui se compose d'un gros ventilateur muni d'un tamis contre lequel est pulvérisée la solution moussante. La mousse n'est pas projetée mais déversée à la sortie même de l'appareil. Très sensible aux intempéries, la mousse légère est utilisée principalement en espace clos tels que caves, entrepôts, cales de navires, galeries de câbles, ... ou encore lorsque l'eau est rare ou qu'il y a risque de pollution.
Certains émulseurs, notamment les protéiniques standards, ne peuvent produire que des mousses à bas foisonnement. La plupart des émulseurs peuvent donner des mousses à bas et moyen foisonnement. Le haut foisonnement n'est obtenu qu'avec certains émulseurs à base synthétique. Plus le foisonnement est élevé, moins la mousse peut être projetée à distance, mais plus la capacité de noyage d'un volume augmente.
Les normes prévoient des mesures de foisonnement sur des solutions à l'eau potable et éventuellement à l'eau de mer, préparées avec des échantillons d'émulseurs prélevés avant et après le conditionnement en température. Les écarts entre toutes ces mesures doivent rester dans certaines limites fixées par les normes. Les normes concernant les mousses appartiennent à la série NF EN 1568.
Décantation
A peine formée, la mousse commence à se détruire : c'est le phénomène de décantation. Une décantation lente est donc généralement un facteur de qualité, mais lorsqu'on recherche la formation d'un film, la décantation rapide permet la formation et l'entretien du film flottant. Il faut donc, notamment dans le cas d'émulseurs polyvalents, trouver le bon compromis. La valeur de la décantation est exprimée par le temps au bout duquel la mousse a perdu le quart de son liquide de constitution. Cette valeur ou « temps de décantation 25 % » n'est pas imposée par les normes. Les mesures de décantation, associées aux mesures de foisonnement, sont réalisées sur les mêmes solutions et avec les mêmes limites sur les écarts entre les différentes mesures.
Fluidité
Cette propriété représente la facilité d'étalement de la mousse, qui garantit une couverture rapide du foyer et la reconstitution d'une couverture homogène après une rupture accidentelle du tapis de mousse, évitant ainsi la réinflammation après extinction ; elle permet également à la mousse de s'insinuer dans les recoins et de contourner les obstacles. Elle est mesurée par la tension de cisaillement, en N/m. Les mousses à base protéinique s'étalent plus difficilement que les mousses à base synthétique ; l'adjonction d'agents de surface filmogènes fluorés pallie cet inconvénient.
Adhérence
Cette propriété représente l'aptitude de la mousse à donner des revêtements continus s'accrochant bien à des parois horizontales ou verticales. Les mousses à base protéinique sont plus performantes à cet égard. Toutefois, en présence d'une surface chaude, toutes les mousses ont tendance à se déshydrater et, par conséquent, à se désolidariser des parois.
Autres critères d'appréciation de la qualité des mousses
La qualité des mousses est également évaluée par :
- leur résistance à la contamination par les hydrocarbures : si la mousse est projetée en jet direct avec une certaine violence, il se produit au point d'impact un brassage avec l'hydrocarbure. Cette mousse chargée d'hydrocarbure, partiellement combustible, aura tendance à être détruite par le feu : on dit alors qu'elle est « contaminée ». Pour éviter ce phénomène, soit on procédera par jet indirect, soit on recherchera des émulseurs fluorés et/ou filmogènes ; - leur résistance à la chaleur : suivant sa nature, le combustible sera d'autant plus chaud qu'une période assez longue de combustion préalable se sera écoulée avant l'intervention. Pour l'essence ou un liquide polaire, le liquide ne sera chaud que sur quelques centimètres d'épaisseur, alors que pour certains hydrocarbures, un résidu chaud s'accumule en surface, s'épaissit et crée une onde de chaleur qui se propage vers le fond du réservoir. La chaleur agissant sur la mousse, plus l'intervention sera tardive, plus la couche superficielle de l'hydrocarbure aura tendance à la détruire. A noter que ce sont les mousses à base protéinique qui sont le plus aptes à combattre les feux très chauds.
CARACTÉRISTIQUES DE LA SOLUTION MOUSSANTE
Lors de sa mise en uvre, l'émulseur est dilué dans l'eau à la concentration préconisée pour donner la solution moussante ou prémélange. Le pourcentage d'émulseur est compris entre 1 % et 6 %. La concentration d'emploi la plus courante est de 6 %, mais les émulseurs utilisables à une concentration de 3 % sont de plus en plus demandés pour des raisons de volume de stockage.
La solution moussante est principalement caractérisée par ses propriétés de surface : tension superficielle et tension interfaciale avec le liquide combustible.
Tensions superficielle et interfaciale
Au sein d'un liquide, chaque molécule est soumise à l'action des molécules voisines dont la symétrie assure la cohésion et l'équilibre. Par contre, à l'interface de deux liquides, il y a dissymétrie : l'attraction par les molécules qui sont à l'intérieur du liquide 1 est différente de celle des molécules situées dans le liquide 2. La résultante de ces forces de cohésion différentes représente la tension interfaciale entre les deux liquides. Dans le cas où l'un d'eux est au contact de l'air, cette tension est dénommée tension superficielle. Ces tensions s'expriment en mN/m. Les valeurs ne sont pas fixées par la norme ; seuls les écarts entre les valeurs mesurées sur des solutions à l'eau potable, et éventuellement à l'eau de mer, préparées avec des échantillons d'émulseurs prélevés avant et après conditionnement en température, doivent rester dans certaines limites.
L'efficacité exceptionnelle des émulseurs fluorés est liée à la faible valeur de la tension interfaciale solution moussante-hydrocarbure. La force d'attraction s'exerçant entre l'hydrocarbure et la bulle de mousse est tellement faible que l'hydrocarbure n'a pas tendance à être piégé par la mousse, ce qui évite le problème de la contamination de la mousse par l'hydrocarbure.
Cette propriété est renforcée dans le cas d'un émulseur filmogène. En effet, les tensio-actifs filmogènes (qui sont eux-mêmes fluorés) abaissent plus les tensions superficielle et interfaciale des émulseurs car, pour qu'un émulseur soit filmogène, il faut qu'il ait un coefficient d'étalement positif.
Les liquides ayant une affinité avec l'eau étant, eux, fortement tensio-actifs, sont prédisposés à venir s'adsorber aux interfaces eau-air. Leurs molécules s'intercalent alors entre celles de l'agent moussant, voire même les chassent des interfaces, diminuant ainsi la cohésion des couches monomoléculaires. La présence, dans la composition des émulseurs pour liquides polaires, de sels métalliques ou de polymères s'oppose à cette action : le complexe métallique en formant une « armure », les polymères en formant un gel.
Coefficient d'étalement
Le coefficient d'étalement est positif quand la somme de la tension superficielle de la solution moussante et de la tension interfaciale solution-hydrocarbure est inférieure à la tension superficielle de l'hydrocarbure. Au sens des normes NF EN 1568, un émulseur est dit « filmogène » si son coefficient d'étalement sur cyclohexane est positif.
Stabilité
L'émulseur est en général conservé sous sa forme concentrée mais, pour protéger certaines installations, il peut être intéressant d'avoir à sa disposition de la solution moussante immédiatement prête à l'emploi. Certaines solutions ayant une durée de vie très courte (quelques minutes), il convient de s'assurer auprès du fabricant que, lors de la conservation du prémélange, il n'y aura pas de dégradation conduisant à une perte d'efficacité.
MODE D'ACTION ET TAUX D'APPLICATION DES MOUSSES
La mousse agit par refroidissement et étouffement. Si l'on ne peut négliger l'action de refroidissement de l'eau de constitution de la mousse, l'action essentielle est due à la formation d'une couverture isolante qui produit trois effets :
- elle empêche l'apport d'air vers le liquide en feu ; - elle arrête l'émission des vapeurs inflammables ; - elle isole les flammes du combustible.
L'extinction d'un feu de liquide inflammable par la mousse est le résultat d'une compétition entre des phénomènes positifs : production (notion de débit), propagation (notion de fluidité), et des phénomènes négatifs : décantation (perte en eau de la mousse par écoulement), évaporation (perte en eau de la mousse par vaporisation), contamination (destruction de la mousse par l'action propre du carburant).
Selon l'importance de l'un ou l'autre de ces phénomènes :
- si les phénomènes positifs l'emportent sur les phénomènes négatifs, l'extinction est possible ; - s'ils s'équilibrent, c'est-à-dire si la vitesse de destruction de la mousse est égale à sa vitesse d'étalement, un « état critique » s'installe ; - si les phénomènes négatifs l'emportent sur les phénomènes positifs, l'extinction n'est pas possible.
Il existe donc un taux critique d'application en dessous duquel il n'est pas possible d'éteindre un feu quel que soit le temps d'application de la mousse.
Facteurs influençant les taux d'application
Le taux critique d'application varie surtout en fonction des paramètres suivants :
- nature du liquide combustible : dans le cas des hydrocarbures, la difficulté d'extinction est liée à la volatilité du produit : le taux critique en-dessous duquel il n'est plus possible d'éteindre décroît quant on passe de l'essence au kérosène puis au fuel. Pour les liquides polaires, la difficulté sera fonction à la fois de la volatilité et de la solubilité dans l'eau ; - température du liquide combustible : la rapidité d'augmentation de la « zone chaude » au-dessous de la surface de combustion est fonction du liquide. Elle peut atteindre 60 et même 90 cm par heure avec des hydrocarbures lourds (fuels ou bitumes). Lorsque la durée de combustion préalable augmente, le taux critique d'application de la mousse augmente aussi, particulièrement pour les feux de réservoirs ; - l'épaisseur de la couche de liquide en feu : toutes choses étant égales par ailleurs, un feu ne portant que sur une faible épaisseur de liquide (feu de ruissellement ou de flaque) induit un taux d'application plus faible qu'un feu portant sur des couches épaisses (feu de réservoir), particulièrement pour les feux de liquides polaires où joue aussi le phénomène de dilution dans l'eau ; - le mode d'application de la mousse : l'application « douce » de la mousse, en jet indirect, n'est pas toujours possible. L'application en jet direct (lance ou canon) implique l'utilisation de débits supérieurs à ceux requis pour les applications sans violence ; - les conditions météorologiques : les mousses à moyen et haut foisonnement sont particulièrement sensibles à l'intensité du vent et, suivant la configuration des lieux, il n'est pas toujours possible d'en tenir compte ; par ailleurs, la pluie a une action destructrice sur la mousse qu'il faudra également compenser.
La réunion de tous ces facteurs peut conduire à des taux d'application très élevés ; la qualité de l'émulseur utilisé est alors primordiale.
Taux d'application
Il convient de ne pas confondre le taux d'application avec la concentration d'emploi qui est la quantité d'émulseur que l'on ajoute à l'eau pour en faire de la solution moussante. Il s'agit de deux notions totalement différentes et, en aucun cas, un surdosage d'émulseur ne saurait pallier un taux d'application insuffisant.
Le taux d'application est, conventionnellement, la quantité de solution moussante, exprimée en litres par minute, à utiliser pour éteindre un feu d'une surface donnée, exprimée en mètres carrés, soit le nombre de litres de solution moussante par mètre carré de foyer à éteindre et par minute.
En France, l'Instruction ministérielle technique du 9 novembre 1989 relative aux dépôts aériens de liquides inflammables et notamment les commentaires qui l'accompagnent donnent les taux d'application théoriques permettant de déterminer les moyens en solution moussante nécessaire à l'extinction des feux de liquide (feu de bac ou feu de cuvette).
Cependant, les valeurs forfaitaires prescrites par l'instruction ministérielle ne prennent en compte ni l'évolution de la qualité des émulseurs, ni la capacité réelle d'intervention. Afin de déterminer des taux d'application basés sur l'expérimentation et d'intégrer les caractéristiques propres à chaque site, une méthodologie a été définie par la circulaire du 6 mai 1999 relative à l'extinction des feux de liquides inflammables.
Cette méthodologie s'appuie sur :
- un taux d'application propre à chaque famille d'émulseur, déterminé à partir d'une campagne d'essais d'extinction réalisée sur des feux de carburant additivé de 15 % de produits oxygénés (qui serviront de référence pour tous les hydrocarbures classiques additivés au maximum de 15 % de produits oxygénés) ; - un coefficient opérationnel K qui caractérise la capacité d'intervention propre à chaque site (configuration, délais et moyens d'intervention) ; la valeur de ce coefficient est indépendante du liquide inflammable contenu dans le réservoir mais on lui affectera une majoration forfaitaire de 0,5 l/m2/min pour tout autre liquide autre que celui utilisé pour les essais (incertitude inhérente à toute détermination expérimentale).
Ainsi, pour l'extinction d'un feu d'hydrocarbures contenant moins de 15 % de produits oxygénés, les émulseurs sont classés en 3 catégories de taux d'application expérimentaux d'extinction :
- émulseurs filmogènes catégorie 2 l/m2/min ; - émulseurs non filmogènes de catégorie 2,5 l/m2/min ; - émulseurs non filmogènes catégorie 3 l/m2/min.
En application de la circulaire, un groupe de travail constitué des différentes administrations concernées et des représentants de l'industrie pétrolière a élaboré une méthode de calcul du coefficient opérationnel et un protocole d'essai permettant de déterminer les taux expérimentaux d'extinction de liquides inflammables (et donc les taux d'application des émulseurs). Les émulseurs considérés doivent satisfaire aux normes en vigueur et figurer dans la liste des émulseurs ayant rempli les critères du protocole d'essai du GESIP (Groupe d'Etude et de Sécurité des Industries Pétrolières) pour le type de liquide inflammable considéré.
A noter que, lorsque l'on recherche à contenir le feu en attendant les renforts nécessaires pour procéder à l'extinction totale, soit réduire le flux thermique émis par le feu, diminuer les risques de propagation et éviter les risques d'explosion, on applique ce qu'il est convenu d'appeler un « taux de temporisation ». Le taux de temporisation est égal à la moitié du taux d'extinction.
La connaissance du taux d'application à utiliser est primordiale dans la détermination des moyens d'intervention : ressources en eau, quantité d'émulseur nécessaire, matériel à mettre en uvre.
Dans le cas d'utilisation de mousse à haut foisonnement pour noyage total d'un volume clos, la notion de taux d'application est remplacée par la notion de temps maximum de remplissage du volume.
TECHNIQUES DE MISE EN UVRE DES MOUSSES
La mise en uvre de la mousse conditionne largement la qualité du produit final. Il convient d'être particulièrement vigilant sur la pression de l'eau, son débit et le dosage de l'émulseur. Elle comprend deux étapes : le prémélange et la production de mousse à partir de la solution moussante.
Prémélange
Le mélange eau-émulseur est réalisé soit :
- Au moyen d'injecteurs équipés d'un système venturi qui crée une dépression permettant l'aspiration de l'émulseur concentré à partir de la réserve et son mélange avec l'eau.
Certains systèmes sont étalonnés pour garantir un débit constant du prémélange requis, dans des conditions d'alimentation connues ; ils sont principalement utilisés pour des installations fixes dont le risque est connu.
Certains systèmes fonctionnent pour un débit variable, mais dans une plage assez restreinte (de 0 à + 15 % par rapport au débit de la lance). Ils sont utilisés pour les lances portables ou canons fixes ou encore intégrés à des unités mobiles.
La concentration d'émulseur est réglable, en général, de 1 à 6 %.
Ce système entraîne des pertes de charge importantes, de l'ordre de 30 %.
- Au moyen d'unités comprenant une pompe volumétrique qui injecte l'émulseur sous pression vers un proportionneur où s'effectue le mélange en rapport constant avec l'eau du réseau, quels que soient la viscosité de l'émulseur, la pression et le débit d'eau. Ces systèmes sont utilisés pour la mise en uvre d'émulseurs à haute viscosité et lorsque de grandes quantités sont nécessaires, car, la réserve à émulseur étant atmosphérique, son ravitaillement est possible en cours d'intervention.
- Au moyen de systèmes appelés « unités de stockage et de dosage » ou USD. Ils comprennent un réservoir à eau à l'intérieur duquel est située une poche souple contenant la réserve d'émulseur. L'eau entrant sous pression comprime la poche et l'émulseur est ainsi propulsé en même temps que l'eau et à la même pression vers un proportionneur qui assure un dosage constant du prémélange quels que soient, en amont, le débit et la pression de l'eau. Ce système autorise des variations de débit de 1 à 10.
Ces deux derniers systèmes présentent l'avantage de diminuer considérablement les pertes de charge et de produire un mélange constant quelles que soient les conditions d'alimentation en eau.
Production de la mousse
La production de mousse est assurée au moyen d'équipements spécifiquement adaptés pour produire une mousse à bas, moyen ou haut foisonnement, suivant la nature du générateur, l'air étant entraîné par la dépression créée au passage de la solution moussante.
Lorsque le volume d'air aspiré est de 6 à 10 fois supérieur à celui de la solution moussante, on obtient une mousse à bas foisonnement ; lorsque le volume d'air est de 50 à 150 fois celui de la solution moussante, on obtient une mousse à moyen foisonnement.
Il existe une grande diversité de matériels : portatifs, mobiles, remorquables ou fixes, ces derniers étant positionnés au plus près du risque à couvrir et alimentés soit en solution moussante, soit en mousse par un réseau de tuyauteries.
Modes d'application de la mousse
L'épaisseur de la couche à appliquer est d'environ 10 cm en bas foisonnement et de 20 à 50 cm en moyen foisonnement. En haut foisonnement, on procède au noyage total de l'enceinte.
Suivant les possibilités d'approche du foyer, on procédera à une application douce ou directe de la mousse.
- L'application douce
Cette méthode consiste à provoquer l'épandage de la mousse sur le foyer de façon à produire une couverture isolante d'épaisseur suffisante, sans contact violent entre la mousse et le liquide en feu. Elle implique l'emploi de déversoirs (installés à poste fixe) ou, si on ne dispose que de lances ou de canons, la projection de la mousse contre une paroi ou un obstacle dans le foyer qui la fasse glisser ensuite vers le feu. L'intervention doit être réalisée le plus près possible du foyer.
L'application douce est la seule méthode valable pour lutter contre les feux d'hydrocarbures avec des émulseurs de classe II et III, notamment ceux à base protéinique ou synthétique standard ; elle est le seul moyen de lutter contre les feux de liquides polaires, quel que soit le type d'émulseur employé.
- L'application directe
Il est évident que, pour les interventions à la lance ou à la lance canon, l'obligation d'avoir recours à l'application douce de la mousse constitue une contrainte importante pour les opérateurs, particulièrement lorsqu'il s'agit de foyers de grande ampleur dont l'approche est difficile ou de feux de réservoirs attaqués depuis le sol. On y a donc recours lorsque l'application douce n'est pas réalisable. La mise au point d'émulseurs fluorés a permis de lever cette contrainte. Ces émulseurs donnent, en effet, des mousses qui résistent assez bien à la contamination au contact des hydrocarbures et autorisent, de ce fait, une projection directe. Pour ce mode d'application, seuls les émulseurs de classe I sont appropriés ; ce sont actuellement les fluorés et les filmogènes (qui sont également fluorés). On veillera toutefois, dans le cas d'interventions avec plusieurs lances, à concentrer dans la mesure du possible les jets en un seul point de pénétration sur le foyer.
- L'injection à la base
La technique d'injection de mousse directement à la base de réservoirs peut présenter des avantages, mais le risque de contamination est important. Elle est utilisée pour des stockages en bacs à toit fixe d'hydrocarbures non additivés et dont la viscosité n'est pas trop importante. La mousse est fournie par un générateur à contre poussée dit HBPG (high back pressure generator); elle est donc propulsée sous pression à la base du réservoir, traverse la nappe de liquide et se répartit à la surface. Les générateurs HBPG peuvent être montés en poste fixe, en installation semi-fixe ou sur des unités mobiles remorquables. Les émulseurs utilisables pour ce type d'application doivent être fluorés ou filmogènes, pour opposer une bonne résistance à la contamination.
Autres emplois de la mousse
Les mousses peuvent être déversées à des fins préventives à la surface de liquides inflammables répandus accidentellement, afin de constituer un écran bloquant les vapeurs et s'opposant à leur diffusion dans l'atmosphère.
Il en est de même en cas de liquides volatils (gaz liquéfiés) ou toxiques. La teneur en vapeurs toxiques est ainsi rabaissée en-dessous du seuil de sécurité et les opérations de récupération ou de dilution peuvent être entreprises.
En outre, dans les installations fixes d'extinction automatique à eau de type sprinkleurs (modifiées), l'eau est remplacée par une solution moussante généralement à base d'émulseurs filmogènes.
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