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TYPES D'ÉMULSEURS ET CLASSIFICATION

En pratique, les émulseurs sont principalement utilisés contre les feux de liquides inflammables, ce qui amène à distinguer deux grandes familles d'émulseurs :

Lorsqu'ils satisfont aux deux types d'applications, ils sont dits polyvalents. Les émulseurs polyvalents sont employés là où coexistent le risque lié aux liquides ayant une affinité pour l'eau et le risque lié aux liquides n'ayant pas d'affinité pour l'eau (complexes pétrochimiques, installations portuaires, raffineries, etc.).

Bien qu'il n'y ait pas de correspondance absolue entre la polarité et la solubilité dans l'eau, dans le contexte des émulseurs, les liquides qui ont une affinité pour l'eau sont très souvent appelés liquides polaires. De ce fait, on parle très souvent d'émulseur pour feux de liquides polaires. Pratiquement, tous les émulseurs pour feux de liquides polaires sont polyvalents mais avec des efficacités différentes.

Choix de l'émulseur

Le choix doit d'abord se faire en fonction de la nature du risque. Un stockage de liquides polaires, par exemple, induit le choix d'une catégorie bien précise d'émulseur. Un dépôt pétrolier ou une raffinerie devront utiliser des émulseurs pour feux d'hydrocarbures.

Les émulseurs polyvalents sont intéressants car ils conviennent aux risques mixtes, cas le plus fréquent, et sont particulièrement aptes à l'utilisation par les sapeurs-pompiers.

En fonction des risques encourus (propagation, voisinage...), on prendra en compte les critères de performances (rapidité d'extinction, résistance au réallumage) mis en évidence par les essais normalisés et donnant lieu à classification.

Par exemple, dans l'éventualité de feux « chauds », survenant dans un environnement encombré, on privilégiera les émulseurs à base protéinique car ils résistent mieux aux hautes températures ; pour une meilleure rapidité d'extinction, on choisira, en outre, un émulseur filmogène qui se révèlera, de surcroît plus apte à contourner les obstacles. Le choix se portera donc sur un protéinique filmogène ou « FFFP ».

D'autres critères de choix doivent être considérés en fonction de l'utilisation (type de foisonnement pouvant être obtenu, taux d'application nécessaire) et en fonction des moyens disponibles en eau (débit, pression), et en matériel (capacité de dosage en fonction de la viscosité de l'émulseur, types de générateurs).

Chaque fois qu'il sera possible de définir précisément le risque, on pourra avoir recours au type d'émulseur le mieux adapté, donc le plus apte à le combattre efficacement et rapidement. Les fabricants ont un devoir de conseil dans ce domaine. Il conviendra de les consulter particulièrement dans le cas de liquides polaires, en raison de leur grande diversité. Les essais normalisés sont effectués sur de l'acétone et certains émulseurs donnant d'excellents résultats sur ce liquide peuvent être moins bons sur d'autres et inversement.

Base moussante

Pour chaque famille d'émulseurs, il existe, suivant le mode de fabrication, deux sortes de base moussante :

Types d'émulseurs

On distingue différents types d'émulseurs, suivant la nature des additifs :

Pour les émulseurs filmogènes, une dénomination issue de la règle NFPA qui s'est généralisée, désignant, d'une manière conventionnelle :

L'efficacité des émulseurs sur feux de liquides ayant une affinité pour l'eau est actuellement obtenue par l'ajout de sels métalliques ou de polymères :

Aussi, suivant leur type de viscosité, les émulseurs peuvent être :

La recherche constante de nouvelles formulations aboutit la mise sur le marché de types d'émulseurs de plus en plus complexes. C'est pourquoi la véritable classification des émulseurs est basée sur leurs qualités et leurs performances au moyen d'essais normalisés.

Classification et normes

Les émulseurs sont classés et normalisés selon des essais et en fonction de leur efficacité extinctrice, de leur résistance au réallumage, de leur mode d'application. Les normes de la série NF EN 1568 définissent des caractéristiques de base minimales s'appliquant à l'émulseur lui-même mais également à la solution moussante et à la mousse.

Marquage

Les récipients d'origine, emballages ou conteneurs de transport doivent comporter les informations suivantes :

CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES DES ÉMULSEURS
Températures limites d'utilisation

L'émulseur doit pouvoir être utilisé dans une gamme de températures dont la plus haute est fixée à 60 °C. La température minimale d'utilisation n'est pas imposée. Elle fait l'objet d'une déclaration du fabricant et est contrôlée par les mesures de viscosité. Les normes prévoient le conditionnement en température de l'émulseur pour la réalisation de mesures sur la solution moussante (tension superficielle) et sur la mousse (foisonnement et décantation). Si le conditionnement à température haute est obligatoire, celui à température basse n'est réalisé que sur demande du fabricant, si l'émulseur peut, sans inconvénient, être stocké à - 30 °C. L'exposition à ces températures ne doit pas altérer la tension superficielle des solutions ni la qualité de la mousse au delà des tolérances fixées par les normes.

pH

Le pH à 20 °C doit être compris entre 6 et 9,5. Il conviendra d'éviter le contact d'un émulseur dont le pH est voisin de 9 (émulseurs pour feux de liquides ayant une affinité pour l'eau contenant des sels ammoniacaux) avec des alliages contenant du cuivre ou de l'aluminium.

Sédimentation

La teneur en sédiments est fondamentale, car une présence importante d'insolubles accumulés au fond des fûts, citernes de stockages ou cuves de véhicules risque d'obturer les orifices d'aspiration. Les normes fixent la teneur maximale en matières en suspension à 0,25 % en volume pour un émulseur non conditionné en température et à 1 % pour un émulseur conditionné à 60 °C pendant 24 heures.

Viscosité

Pour les émulseurs newtoniens, la viscosité cinématique, mesurée à la température minimale d'utilisation, ne doit pas excéder 200 mm2 · s. Pour les émulseurs pseudoplastiques, les normes ne donnent aucune valeur limite. La viscosité dynamique apparente (mPa · s) de ces émulseurs est mesurée avec différents efforts de cisaillement et dans une plage de températures allant de 20 °C à la température minimale d'utilisation.

Action corrosive

Les émulseurs à base protéinique sont généralement moins corrosifs que les émulseurs à base synthétique vis-à-vis des métaux usuels (acier doux, laiton, alliages légers).

On évitera de transporter et de stocker les émulseurs synthétiques dans des récipients en acier doux.

Les émulseurs polyvalents protéiniques ou fluoroprotéiniques contenant de l'ammoniaque sont agressifs vis-à-vis du cuivre, de l'aluminium ou de leurs alliages. Les vannes, accessoires et canalisations en contact avec l'émulseur ne devront pas en contenir.

Si le stockage est limité à la durée de l'intervention (même de plusieurs jours), et si ensuite les équipements sont rincés à l'eau claire, la corrosion n'aura pas d'effet notable.

A l'état de mousse, l'effet corrosif disparaît pratiquement, à condition toutefois de bien rincer le matériel après usage.

Conservation

Elle doit être effectuée à l'abri de l'air dans un récipient fermé aussi plein que possible, pour éviter l'oxydation et l'évaporation ; la température maximale recommandée doit rester inférieure à 50 °C sur une longue période.

Il est fortement déconseillé de recouvrir la surface libre de l'émulseur d'un film d'huile, celle-ci ayant tendance à diffuser et à le détériorer.

Il est aussi déconseillé de brasser les émulseurs en cours de stockage.

Si ces prescriptions sont observées, la durée de conservation de l'émulseur dépassera couramment les 5 ans de garantie accordés par la plupart des fabricants.

Incompatibilités

Les protéiniques standards sont compatibles entre eux, mais les mélanges au sein des autres familles doivent faire l'objet d'une étude préalable de compatibilité.

Cette étude est, de toute façon, fortement conseillée dans tous les cas.

Les mousses sont toutes compatibles entre elles. Lors d'une intervention, on peut les utiliser successivement ou simultanément sans aucun risque d'interaction nuisible.

En principe il n'existe pas d'incompatibilité chimique entre les mousses et l'eau, mais leur application successive ou simultanée est toutefois fortement déconseillée, car la projection d'eau sur un tapis de mousse provoque une déchirure de celui-ci et peut conduire à un réallumage. S'il est indispensable d'utiliser de l'eau de façon simultanée, par exemple pour refroidir des pièces métalliques à proximité du foyer, on aura grand soin de la faire ruisseler le long de la paroi sans retomber sur le tapis de mousse.

L'utilisation de la mousse dans une intervention contre un feu important d'hydrocarbures peut, dans certains cas, se faire conjointement avec l'application d'une poudre. La projection de poudre peut être préalable à celle de mousse, pour abattre les flammes, la mousse venant fixer définitivement l'extinction. La projection peut également être simultanée ou se faire en sens inverse, la poudre venant alors éteindre les flammèches pouvant subsister après un déversement de mousse. Il existe d'ailleurs des équipements mixtes poudre-mousse, généralement destinés à des applications spéciales (feux de graisses et d'huiles par exemple). Toutefois, il est capital de s'assurer de la compatibilité des deux agents utilisés auprès des fabricants respectifs. Ce sont généralement les mousses obtenues à partir des émulseurs fluorés (à base protéinique ou synthétique) qui résistent à l'action destructrice des poudres.

Il convient également d'être attentif au phénomène de déchirure du tapis de mousse qui peut se produire par le souffle de propulsion de la poudre, provoquant ainsi la réinflammation. Enfin, les mousses à haut foisonnement sont plus sensibles à l'action destructrice des poudres, en raison de leur légèreté.

La plupart des émulseurs proposés par les fabricants sont compatibles avec des eaux de toute nature (eau de ville, eau de mer, eaux saumâtres). La qualité « eau de mer », déterminée par des essais normalisés, est spécifiée par les fabricants.

Conductibilité électrique des mousses

Il y a un risque à projeter de l'eau normalement minéralisée sur un conducteur électrique sous tension, et un risque d'autant plus grand que le jet est moins divisé.

La mousse étant à base d'eau, son emploi sur des feux survenant en présence de conducteurs électriques demande les mêmes précautions de sécurité que pour l'eau.

La plus élémentaire des précautions à prendre reste encore de couper le courant aux sources principales et de porter des gants et des bottes de sécurité.

Biodégradabilité

Les bases moussantes protéiniques sont fortement biodégradables.

Parmi les bases synthétiques, certaines le sont beaucoup plus que d'autres.

Les additifs tensio-actifs fluorés, très stables chimiquement, sont difficilement biodégradables, mais leur concentration pondérale dans les émulseurs reste très en dessous du seuil qui rendrait ceux-ci non conformes à une prescription de biodégradabilité d'au moins 90 %.

Sécurité des personnes

Les émulseurs sont considérés comme peu toxiques et sans danger pour l'homme en utilisation normale, pourvu que soient respectées quelques précautions élémentaires :

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