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6.2.23. TRAVAUX PAR POINTS CHAUDS : JURISPRUDENCE | ![]() |
LES PRINCIPAUX CAS DE FIGURE
Responsabilité
La désignation d'un responsable de la sécurité sur un permis de feu ne supprime pas la responsabilité éventuelle de celui qui procède aux travaux visés par le permis. La procédure de permis de feu n'exonère pas de sa responsabilité le professionnel qui procède à des opérations par points chauds lorsque celui-ci commet des imprudences qui provoquent un incendie (C. Cas., 1re ch., 29 mai 1996).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
Responsabilité du donneur d'ordre
Les ouvriers de l'entreprise ont travaillé avec toutes les précautions nécessaires (l'un arrosant en permanence et un second prêt à intervenir avec un extincteur) ; le client, qui a conservé la maîtrise des travaux, en raison de la complexité de l'usine, est totalement responsable (Paris, 7e ch. B, 17 fév. 1984).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
Responsabilité partagée
L'entreprise qui a commandé les travaux a fourni des appareils qui se sont révélés inefficaces lors du sinistre ; celle qui les a exécutés n'a pas exigé le déplacement des matériaux combustibles, les a insuffisamment protégés et n'a pas surveillé les lieux : responsabilité partagée par moitié entre les parties (Bordeaux, 11 jan. 1984).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
Défaut de permis de feu et de protection
L'entreprise a travaillé à 2,70 m de ballots de laine ; le client n'a pas délivré de permis de feu, n'a pas assuré une protection efficace des matériaux ni surveillé les lieux : responsabilité d'un tiers à la charge de ce dernier (Douai, 27 fév. 1981).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
Nettoyage insuffisant des locaux
Le client n'a pas suffisamment nettoyé les locaux ; l'entreprise n'a pas vérifié si le nettoyage était suffisant et son personnel n'était pas suffisamment entraîné au maniement de l'extincteur : un tiers de responsabilité à la charge de ce dernier (Paris, 7e ch. B, 29 mars 1984).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
Mauvaise prise en compte des risques
Le client n'a prévu aucun extincteur et l'entrepreneur a déclenché des gerbes d'étincelles à proximité d'un atelier alors qu'il avait été prévenu des risques d'incendie : un tiers à la charger du client (Nancy, 28 juin 1983).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
Prise de risque de l'entreprise effectuant les travaux
L'entreprise qui a accepté de travailler à 50 cm au dessus de la marchandise est totalement responsable car elle aurait dû s'abstenir d'entreprendre ce travaux tant que les marchandises n'avaient pas été enlevées (Grenoble, 18 fév. 1975).
Source : Face au Risque n° 330, février 1997.
EXEMPLES D'AFFAIRES JUDICIAIRES
Synthèses réalisées à partir de la jurisprudence de la Cour de cassation, les arrêts et jugements des juridictions d'appel et des juridictions du premier degré.
Sa cabine de peinture brûle : l'entreprise jugée responsable
Le 2 mai 1989, une société commande des travaux de réfection sur une cabine de peinture. En début d'intervention à la meule, un incendie, provoqué par la présence d'un produit inflammable, détruit entièrement la cabine. La compagnie d'assurance de la société utilisatrice assigne l'entreprise intervenante en paiement des sommes réglées.
Elle fait valoir que, conformément aux mentions du permis de feu délivré par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur, il appartenait aux employés de l'entreprise intervenante, qui avaient eux-mêmes détecté la fuite de toluène et l'avaient signalée à la société, de ne pas reprendre le travail sans s'assurer qu'elle avait été endiguée. Selon elle, les mesures de sécurité incombent nécessairement à l'entreprise chargée des travaux.
La Cour retient que le permis oblige, non l'entreprise chargée des travaux, mais au contraire le maître de l'ouvrage. Ce permis met à sa charge toutes mesures de sécurité avant, pendant et après le travail. L'employé ne devait autoriser la reprise du travail qu'après s'être assuré que la cabine de peinture avait été correctement nettoyée. Les ouvriers de l'entreprise intervenante étaient chargés d'un travail ponctuel en présence d'un contremaître. Ils ne connaissaient pas les détails de l'installation. Ils devaient donc nécessairement s'en remettre à ce responsable. La faute de la société est donc l'unique cause du dommage.
La compagnie d'assurance est condamnée à payer à l'entreprise intervenante et à son assurance une somme de près de 1 372 € .
Source : Cour de Cassation, Chambre civile 3, Audience publique du 10 novembre 1998.
Soudeur blessé : employeur et chargés de sécurité condamnés
Dans un milieu confiné, une tôle située en hauteur doit être découpée au chalumeau. La chute de particules métalliques incandescentes provoque une prise de feu sur les tuyaux en caoutchouc alimentant le chalumeau. La propagation du feu est accélérée par les poussières accumulées sur la tôle découpée. Le soudeur, chargé des travaux, est grièvement blessé lors de l'incendie.
Le tribunal reproche à l'employeur d'avoir causé des blessures involontaires ayant entraîné une incapacité permanente de travail de plus de 3 mois, par maladresse, imprudence, inattention, négligence et non-respect des règles de sécurité. Selon la Cour, il apparaît que l'incendie est la conjonction de plusieurs négligences et d'imprudences, imputables pour partie à chacun des responsables intervenant sur le chantier : l'employeur du soudeur, le président du comité d'hygiène et de sécurité et le responsable de la sécurité de l'entreprise utilisatrice.
Il leur est reproché de ne pas avoir prévu l'établissement d'un permis de feu, de ne pas avoir dépoussiéré le lieu du travail et de n'avoir pas prévu de système de secours (notamment la présence d'une personne à proximité immédiate de l'orifice). Les trois parties sont jugées responsables.
Source : Cour de Cassation, Chambre criminelle, Audience publique du 23 mai 2000.
L'entreprise, en retard sur les travaux, n'est pas responsable de l'incendie
Une entreprise commande la fourniture et l'installation d'un matériel d'occasion d'équarrissage et de coupe de blocs de polystyrène. Le 30 avril 1986, les travaux de mise au point du matériel sont effectués par deux employés de deux entreprises différentes. Les travaux, prévus pour se terminer avant le redémarrage de l'usine, prennent du retard. L'usine rouvre ses portes après les congés annuels et les travaux de réglage cohabitent avec l'activité de l'usine.
Des étincelles d'une disqueuse enflamment un bloc de polystyrène et provoquent un incendie détruisant les installations de l'usine et les stocks de marchandises. L'entreprise utilisatrice assigne les deux entreprises extérieures et leurs assureurs respectifs en réparation du préjudice subi.
La Cour déclare l'entreprise utilisatrice seule responsable du sinistre. L'incendie a pour origine le gaz pentane qui s'échappe des plaques de polystyrène fraîchement fabriquées et non protégées par une bâche ignifugée. Ces plaques étaient situées à 4 m du poste de meulage. Le service de sécurité de l'entreprise utilisatrice n'a pas critiqué l'emplacement. Il n'a pas signalé le danger du pentane présent dans le polystyrène frais. Dans ces conditions, les employés des entreprises extérieurs, professionnellement étrangers à la chimie du polystyrène, n'ont pas engagé leur responsabilité en se trouvant à l'origine de l'inflammation.
L'entreprise utilisatrice reproche à l'arrêt de la Cour d'appel d'avoir mis hors de cause les entreprises extérieures sans rechercher si le non-respect du délai contractuel de fin de travaux ne constituait pas une faute sans laquelle le sinistre ne se serait pas produit.
Selon la Cour, l'entreprise utilisatrice et ses assureurs n'ont pas évoqué cette hypothèse devant la cour d'appel. La cour n'avait donc pas à procéder à une recherche qui ne lui avait pas été demandée. La décision de la cour d'appel est confirmée par la Cour de cassation.
Source : Cour de Cassation, Chambre civile 1, Audience publique du 24 février 1998.
5 heures après son départ, l'artisan met le feu à la papeterie
Le 5 juillet 1984, un artisan chaudronnier, effectue à l'aide d'un chalumeau des travaux sur une machine d'une papeterie. 5 heures après son intervention, un incendie se déclare dans les locaux. Après expertise, l'entreprise utilisatrice et son assureur assignent l'artisan afin d'obtenir indemnisation de leur préjudice. Ce dernier est condamné en appel.
Devant la cour de cassation, l'artisan reproche à la cour d'appel d'avoir exonéré le responsable de l'entreprise utilisatrice de toute responsabilité dans l'incendie. Selon lui, elle n'a pas recherché s'il avait satisfait aux obligations du « permis de feu », qui établissait le responsable de l'entreprise utilisatrice comme agent chargé de la sécurité générale de l'opération.
La cour d'appel relève que le chaudronnier travaillait en permanence dans l'usine. Il exerçait depuis 27 ans dans les papeteries et a toujours pris les précautions nécessaires pour éviter un incendie. C'est un professionnel expérimenté qui ne pouvait ignorer les risques. Il avait alors le devoir de prendre toutes les mesures de protection et de surveillance appropriées. Le permis de feu ne peut en aucune façon le dispenser de telles mesures et ainsi transférer au responsable de l'entreprise utilisatrice ses obligations.
Source : Cour de Cassation, Chambre civile 1, Audience publique du 29 mai 1996.
Le défaut de surveillance condamne la société
Le 6 mars 1984, un incendie se déclare dans l'usine d'un constructeur automobile après que des ouvriers d'une entreprise extérieure ont procédé à des travaux de découpage de cheminées de ventilation.
L'arrêt de la cour d'appel condamne l'entreprise extérieure à payer au constructeur automobile 143 300 € à titre de provision sur le montant de son préjudice.
Selon la Cour, il incombait à l'entreprise extérieure de vérifier si la bâche installée par le constructeur pour isoler le chantier de l'atelier voisin (maintenu en activité) était ignifugée.
L'entreprise extérieure reproche à la Cour d'appel de n'avoir pas recherché si le constructeur était tenue d'une obligation de renseignement propre à justifier, en cas d'inexécution, un partage de responsabilité. Elle met ainsi à la charge de l'entreprise extérieure l'obligation de vérifier l'ignifugation de la bâche, sans tenir compte du « devoir de coopération pesant sur le créancier » et des consignes de sécurité annexées au contrat.
Mais l'expertise citée par la Cour de cassation constate que le feu a pour origine des particules incandescentes qui ont été projetées involontairement dans une fosse où se trouvaient deux cuves en matière plastique. Compte tenu notamment des consignes données aux entreprises extérieures et contenues dans les permis de feu délivrés toutes les semaines, il ne fait aucun doute que l'entreprise extérieure est seule responsable du sinistre puisqu'elle avait la responsabilité de la surveillance des lieux après les travaux.
Source : Cour de cassation, Chambre civile 1, Audience publique du 12 janvier 1988.
Entrepreneur, bailleur et locataire responsables à part égal
Une entreprise fait installer un chauffage central dans l'entrepôt qu'elle loue. Au cours des travaux, un chalumeau manipulé par un ouvrier provoque un incendie. Une partie de l'immeuble et des marchandises est détruite. Le bailleur et le locataire réclament à l'entrepreneur la réparation du préjudice. En Appel, l'entrepreneur, le bailleur et le locataire sont jugés à part égal responsables des dommages.
Selon la cour d'appel, le locataire aurait dû mettre l'entrepreneur au courant des moyens de premiers secours contre l'incendie et aurait dû délivrer un permis de feu. Selon le locataire, ces éléments ne suffisent pas pour établir un lien de causalité entre ses fautes et la réalisation du dommage : c'est à l'entrepreneur d'exiger un permis de feu. La Cour retient que le locataire avait entreposé des marchandises inflammables dans un entrepôt inachevé, irrégulièrement construit, sans l'avis des services de secours et de lutte contre l'incendie.
Le bailleur n'a, quant à lui, pas recueilli l'avis de l'inspecteur départemental, a laissé son locataire s'installer dans les locaux avant la délivrance d'un certificat de conformité et l'a laissé entreposer des marchandises inflammables avant l'achèvement des travaux. Pour le bailleur, ceci ne suffit pas à engager sa responsabilité dans la mesure où il n'y aurait aucun lien de causalité avec le sinistre. Les locaux n'ayant joué aucun rôle dans la réalisation du sinistre. La Cour de Cassation se base sur l'obligation de recueillir l'avis des services de secours et lutte contre l'incendie contenue dans le permis de construire et confirme le jugement de la cour d'appel. La responsabilité de l'incendie est partagée entre les trois parties.
Source : Cour de Cassation, Chambre civile 2, Audience publique du 30 juin 1982.
Employeur relaxé : jugement cassé
Le 19 août 1976, un ouvrier soudeur effectue des travaux de démontage et de découpage au chalumeau d'une ancienne installation de conditionnement de siliciure de calcium. La poussière de ce produit s'enflamme, occasionnant des brûlures et le décès de l'ouvrier. La Cour d'appel retient que l'employeur a omis de pourvoir ses ouvriers de casques et d'habits de protection alors même qu'un permis de feu avait été établi. Elle écarte sa responsabilité pénale du chef d'homicide volontaire.
La mère de la victime forme un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry qui a relaxé l'employeur aux motifs que les blessures subies par l'ouvrier ont été l'effet du siliciure de calcium. La cour d'appel souligne qu'il n'a pas procédé au nettoyage général de l'usine puisque cette obligation a été prise par la direction de l'entreprise utilisatrice et qu'il n'était pas mis au courant du risque encouru par l'effet flash du siliciure de calcium.
Par contre, un permis de feu avait été délivré et l'employeur aurait dû pourvoir ses ouvriers de tenues particulières nécessaires à leur travail. La Cour d'appel a jugé que ces infractions étaient sans lien avec le décès de l'ouvrier. Il s'agissait d'un flash de siliciure de calcium et non d'un incendie.
La mère de la victime affirme que la Cour d'appel a omis de rechercher si la faute du prévenu était en relation avec la mort de son fils et si le port du casque et de vêtement de protection aurait pu empêcher la mort. Le code pénal punit ceux qui par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements ont été involontairement la cause d'un homicide. Selon la mère, l'employeur devrait être condamné, même si la faute n'était pas prévisible.
De plus, en statuant, la cour d'appel a omis d'aviser la mère de la victime de la date de l'audience. Le jugement de la cour d'appel est donc cassé. Au regard des articles du code pénal, la relaxe de l'employeur est elle-aussi cassée. La demande de la mère concernant les dommages et intérêt sera réexaminée. Les parties sont renvoyés devant la cour d'appel de Lyon.
Source : Cour de Cassation, Chambre criminelle, Audience publique du 9 février 1982.
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