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LES RESPONSABILITÉS

Chaque chef d'entreprise (extérieure, utilisatrice et sous-traitants) est responsable de l'application des mesures de prévention nécessaires à la protection de son personnel. Si un employeur entend déléguer ses attributions, il ne peut le faire qu'à un agent doté de l'autorité, de la compétence et des moyens nécessaires.

Synthèse des responsabilités : avant l'opération

Responsabilités du chef de l'entreprise utilisatrice

Responsabilités du chef de l'entreprise extérieure

 

Transmettre à l'entreprise utilisatrice les informations concernant les travaux et la sous-traitance

Organiser une inspection préalable

Demander l'organisation d'une inspection préalable si le chef de l'entreprise utilisatrice ne l'a pas fait

Participer à l'inspection commune préalable des lieux de travail, installations et matériels

Au cours de l'inspection : délimiter le secteur d'intervention, matérialiser les zones dangereuses, indiquer les voies d'accès et de circulation, communiquer les consignes de sécurité, prévoir l'organisation des secours

Fournir la liste des postes à surveillance médicale particulière

Communiquer toutes informations nécessaires à la prévention

Etablir un plan de prévention :

Procéder à l'analyse des risques interférents et définir les mesures à prendre par chaque entreprise pour prévenir ces risques

Si un plan de prévention écrit est obligatoire, le tenir à la disposition de l'inspecteur du travail, la CRAM, l'OPPBTP, les CHSCT et des médecins du travail.

 

Afficher aux lieux d'entrée et sortie du personnel les informations concernant les CHSCT, le médecin du travail et l'infirmerie

 

Si un plan de prévention écrit est obligatoire, informer par écrit l'inspection du travail de l'ouverture des travaux

Prendre des mesures de prévention pour les travailleurs isolés

Prévoir l'accueil des salariés le jour de leur arrivée

Informer les salariés des risques encourus et des mesures de prévention retenues dans le cadre du plan de prévention

S'assurer que les entreprises extérieures donnent à leurs salariés les instructions appropriées concernant les risques interférents

 

Synthèse des responsabilités : pendant l'opération

Responsabilités du chef de l'entreprise utilisatrice

Responsabilités du chef de l'entreprise extérieure

Assurer la coordination générale des mesures de prévention

Informer l'entreprise utilisatrice en cas de recours à de nouveaux sous-traitants

Mettre en œuvre les mesures prévues par le plan de prévention

Alerter le chef de l'entreprise extérieure en cas de danger grave concernant un de ses salariés

Informer l'entreprise utilisatrice en cas de nouveaux salariés

Veiller à l'exécution des mesures décidées

Informer les nouveaux salariés des consignes de sécurité, risques et mesures de prévention

Organiser des inspections et réunions périodiques (tous les 3 mois pour les opérations de plus de 90 000 h)

Demander l'organisation de réunions périodiques si le chef de l'entreprise utilisatrice ne le fait pas

Effectuer la mise à jour du plan de prévention et en informer les CHSCT et médecins du travail

Coordonner les nouvelles mesures adoptées

Mettre en œuvre les nouvelles mesures de prévention définies

Mettre à disposition les installations sanitaires, vestiaires, locaux de restauration, sauf dispositif équivalent mis en place par l'entreprise extérieure

Participer aux charges d'entretien de ces installations en cas d'utilisation

Source : Plan de prévention, Guide de rédaction - Modèles, CNPP Entreprise, 2005.

EXEMPLES DE JURISPRUDENCE

Cette partie est consacrée à la jurisprudence relative au plan de prévention, en application des articles R. 237-1 et suivants du code du travail. N'ont été retenus que les arrêts les plus pertinents.

Champ d'application

Les interventions préparatoires, réalisées en amont de tout accord entre l'entreprise extérieure et l'entreprise utilisatrice sur une opération envisagée, et destinée à en établir la nécessité (telles que la recherche d'une fuite d'eau sur une toiture avant une intervention de réparation), préalablement à tout devis (et donc à la conclusion de tout contrat d'entreprise), constituent la phase première d'une « opération de travaux ». Ces interventions sont donc soumises aux dispositions du décret du 20 février 1992 et aux articles R. 237 et suivants du code du travail.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 2 octobre 2001.

Obligations générales des chefs des entreprises utilisatrices
et des entreprises extérieures

Le chef de l'entreprise utilisatrice doit procéder à une analyse des risques pouvant résulter de la simultanéité et de l'interférence des activités : des dispositions doivent être arrêtées pour remédier aux difficultés engendrées par la présence de l'entreprise extérieure et parer aux risques occasionnés par ses travaux.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 19 mars 2002.

L'article R. 237-2 du code du travail prescrit au chef de l'entreprise utilisatrice la coorVdination générale des mesures de prévention qu'il prend et de celles que prend l'ensemble des chefs d'entreprise intervenant dans son établissement. Si l'article attribue prioritairement l'organisation et la coordination au chef de l'entreprise utilisatrice, il ne néglige pas le rôle actif que doit prendre le chef d'entreprises extérieures. Le chef de l'entreprise extérieure a le devoir d'interpeller le chef de l'entreprise utilisatrice sur la réalisation concrète et très précise d'un plan de coordination.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 16 mars 1999.

L'inspection préalable

Les opérations de l'entreprise extérieure doivent être précédées par une inspection commune des lieux de travail, réalisée dans les conditions précisées par le texte. La société utilisatrice doit prévenir la société extérieure des risques liés à l'environnement où s'effectue l'opération (présence d'une ligne à haute tension, par exemple). Les chefs d'entreprises ne sauraient se soustraire à l'inspection préalable même si le chef de l'entreprise extérieure connaît déjà les lieux et que des travaux similaires ont été déjà été effectués sur place.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 30 avril 2002.

L'établissement du plan de prévention par écrit

Pour l'établissement d'un plan de prévention écrit, les chefs d'établissements doivent non seulement prendre en compte l'opération à effectuer, mais également l'ensemble des prestations nécessaires à la réalisation de l'opération exécutée dans l'établissement.

Ainsi la réalisation de peinture sur des pièces ne nécessite pas, dans l'absolu, un plan de prévention écrit. Mais si celle-ci, pour être réalisée, nécessite le recours à un treuil installé temporairement au-dessus d'une zone de travail, alors le plan de prévention écrit devient obligatoire, puisque cette opération est répertoriée dans les travaux dangereux fixés par l'arrêté du 19 mars 1993.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 4 août 1998.

Le prêt de main d'œuvre

Un tuyauteur est détaché dans une entreprise pour effectuer un chantier. Le jour de l'accident, il aide à débloquer un tapis roulant destiné à évacuer les cendres d'un four tournant. Du haut d'une échelle, il débarrasse le tapis de cendres avec une lance à incendie. C'est alors qu'il se brûle grièvement.

Les dirigeants des deux entreprises sont poursuivis pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois et infractions aux règles relatives à la sécurité du travail. La cour d'appel condamne l'employeur à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 305  d'amende et le chef de l'entreprise utilisatrice à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 305  d'amende.

Le responsable de l'entreprise utilisatrice explique qu'il a utilisé temporairement les services du tuyauteur et que l'opération ne peut être assimilée à l'intervention d'une entreprise extérieure. La cour d'appel relève qu'aucun contrat de mise à disposition n'a été produit. Même si celui-ci existe, il aurait fallu que l'entreprise extérieure soit une entreprise de travail temporaire.

Les accusés rétorquent que le tuyauteur est intervenu comme prestataire de service, qu'il n'y avait pas deux activités puisque le travail s'effectuait en commun. C'est l'entreprise utilisatrice qui assumait le contrôle de l'opération.

La cour note qu'en l'absence de délégation de pouvoir, chaque entreprise demeure responsable de son personnel. La mise à disposition invoquée par les accusés est contredite par les factures qui n'indiquent pas le nom de la victime. Celle-ci ne faisait donc pas l'objet d'un prêt de main d'œuvre.

La cour ajoute qu'en raison du matériel employé, il existait des risques de brûlures qui devaient être signalés aux salariés extérieurs. De plus, contrairement aux prescriptions légales aucun plan de prévention n'a été réalisé. La cour de cassation rejette les pourvois. Les peines sont confirmées.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 1 juin 1987.

Intervention d'une société de service

Le 22 février 1992, il est 1 h 45 lorsqu'un gardien constate le déclenchement d'une alarme incendie dans un atelier. Aussitôt, il téléphone au chef de la sécurité de l'usine. Celui-ci lui demande de se rendre dans les combles de l'atelier pour vérifier qu'il ne s'agit pas d'une fausse alerte.

Le gardien se rend sur place. A travers les interstices du plancher, le détecteur émet une lueur de type gyrophare qui peut passer pour un incendie. Des panneaux interdisent l'accès, il les franchit et passe à travers le plancher non porteur. Il tombe 7 mètres plus bas et n'est secouru que 2 h plus tard, à l'heure de l'arrivée de la relève.

La cour d'appel condamne le dirigeant de la société de gardiennage et celui de l'usine à 2 mois d'emprisonnement et 1 525 d'amende.

Le chef de la sécurité est condamné pour blessures involontaires à 6 mois d'emprisonnement. Les deux sociétés sont déclarées civilement responsables.

L'ensemble des accusés se pourvoit en cassation. La cour d'appel soulignait dans son arrêt que la cause immédiate de la chute étaient des instructions anormales et étrangères à la plus élémentaire prudence, données par le chef de la sécurité. D'autre part, elle soulignait que la vérification d'une fausse alarme ne faisait pas partie des tâches du gardien mais de celles du chef de la sécurité. Elle note enfin que ce dernier savait que la zone où il envoyait le gardien était dangereuse.

Devant la cour de cassation, le chef de la sécurité fait valoir qu'en matière de blessures involontaires, si la faute de la victime constitue la cause exclusive du dommage, elle l'exonère de toute responsabilité. Il s'emploie donc à le prouver : selon lui, le gardien est sorti de sa zone d'intervention sans recevoir d'ordre de son employeur qui avait seul autorité sur lui. Il a enjambé lui-même des panneaux qui interdisaient l'accès au comble.

La cour de cassation juge les arguments irrecevables. D'une part, le prévenu invoque pour la première fois la faute exclusive de la victime, d'autre part, il tend à remettre en question l'appréciation souveraine des juges qui ont débattu sur le fond, les faits, la cause et les éléments de preuves.

L'employeur de la victime a été condamné entre autres pour défaut de réalisation d'un plan de prévention. La cour d'appel avait reconnu qu'il n'avait pas respecté le code du travail qui s'applique « aux travaux de quelque nature qu'ils soient » effectués par une entreprise extérieure dans un établissement dépendant d'une autre entreprise. Elle avait relevé que l'expression « travaux », au singulier « travail », désigne dans la langue française toute activité humaine à but utilitaire : l'énumération suivant cette expression dans le code du travail ne se limite pas aux travaux manuels portant sur un objet et n'exclue pas les prestations de service. Le transport et l'entretien, qui sont des activités de service, font partie de l'énumération.

Mais devant la cour de cassation, les prévenus font valoir que le principe d'application du droit pénal ne peut prévaloir contre la langue française. Ils notent que les termes « travail » et « travaux » s'emploient aussi pour qualifier le travail d'un écrivain, d'une assemblée, etc. Selon eux, les articles du code du travail ont pour objet de parer aux risques susceptibles de provenir de la simultanéité et de l'interférence des activités. Hors, soulignent-ils, la société de gardiennage exerçait son activité pendant la fermeture de l'usine. La cour de cassation reconnaît que cette activité correspond à une prestation de service qui n'entre pas dans le champ des articles du code du travail.

L'arrêt de la cour d'appel est cassé et annulé mais seulement en ce qui concerne les dispositions pénales et civiles concernant les dirigeants et leurs entreprises. Les décisions concernant le chef de la sécurité sont maintenues. Les autres parties sont renvoyées devant la cour d'appel pour être rejugées.

Source : Cour de cassation, chambre criminelle, 8 juin 1999.

Les entreprises utilisatrice et extérieure condamnées

Le samedi 15 janvier 2000, dans une fabrique de parquet, trois ouvriers d'une entreprise extérieure sont chargés du nettoyage d'un filtre à air. Ils utilisent un compresseur et des lampes halogènes.

Deux ouvriers pénètrent par une trappe d'homme dans le filtre à air qui recueille la sciure de bois. Un troisième prépare le compresseur à l'extérieur du filtre. Le filtre s'enflamme soudainement. Les trois employés sont brûlés à plusieurs endroits du corps. L'affaire va en justice.

Si les causes de l'inflammation peuvent être multiples, la cour souligne qu'un plan de prévention aurait du être établi puisque l'opération figure sur la liste des travaux dangereux. Ce plan aurait pu permettre d'identifier les risques liés aux poussières et à l'utilisation de lampes halogènes.

Le dirigeant de l'entreprise utilisatrice rejette la responsabilité de l'accident sur son adjoint, chargé de la maintenance. La Cour s'oppose à cette version. Par son contrat de travail, ses compétences et son autorité, il était bien responsable de la sécurité. Les fonctions du chargé de maintenance ne sauraient s'assimiler aux questions bien plus larges et complexes de sécurité.

Il est reconnu coupable et pénalement responsable de blessures involontaires causant une incapacité de plus de 3 mois dans le cadre du travail, coupable de blessures involontaires avec incapacité n'excédant par 3 mois dans le cadre du travail, coupable d'exécution de travaux par une entreprise extérieure sans plan de prévention des risques préalables. L'employeur de l'entreprise extérieure est lui aussi reconnu coupable des mêmes chefs d'accusations. Les deux entreprises sont déclarées civilement responsables.

Source : Cour d'appel Riom, Chambre correctionnelle, Audience publique du 03 juillet 2003.

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