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5.4.30. LES GAZ INERTES | ![]() |
Le feu est la manifestation de réactions chimiques très rapides qui se produisent en phase gazeuse entre l'oxygène de l'air et des gaz ou vapeurs provenant du combustible qui alimente l'incendie.
Mais ces réactions cesseront d'être possibles si la teneur de l'air ambiant en oxygène est trop faible. On peut faire baisser cette teneur en introduisant dans l'atmosphère un gaz inerte qui vient, en chassant l'oxygène, « étouffer » le feu ou rendre son éclosion impossible.
Pour éteindre un feu déclaré, on injectera le gaz à très fort débit, pour abaisser le plus rapidement possible le taux d'oxygène, puis maintenir ce taux réduit pendant le temps nécessaire à l'extinction. Les gaz inertes sont généralement émis dans un temps inférieur à une minute.
On pourra également utiliser ces gaz à titre préventif, en chassant l'atmosphère dangereuse d'un réservoir, d'un réacteur, d'une canalisation... Cette opération s'appelle une purge.
Enfin, on pourra aussi maintenir une, atmosphère sans risques en permanence dans de telles installations, malgré les opérations diverses qui s'y dérouleront, en agissant comme pour une purge, mais à faible débit : on parlera alors de « l'inertage ».
Les gaz inertes aptes à cet emploi sont :
- des corps simples (azote, argon, hélium) ; - des composés oxygénés très stables (dioxyde de carbone et vapeur d'eau) ; - des mélanges de gaz inertes ; - des gaz de combustion épurés, issus d'une chaudière ou d'un brûleur (ils contiennent environ 85 % d'azote).
L'efficacité de chacun d'entre eux débute à partir d'une teneur en oxygène variable selon la nature du combustible, les circonstances de l'incendie, et aussi, très largement, d'un gaz inerte à l'autre.
C'est de loin le dioxyde de carbone qui permet l'extinction avec les teneurs en oxygène résiduel les plus élevées. De ce fait, et aussi parce que ses propriétés physiques propres permettent des débits d'injection très élevés, presque toutes les installations fixes d'extinction au gaz inerte l'utilisent.
En prévention, au contraire, c'est l'azote qui est le plus utilisé, du fait de sa très grande inertie chimique et de sa très faible solubilité dans les liquides les plus divers. Pour être reconnu comme gaz de substitution des halons, il ne doit pas être utilisé à forte concentration afin de maintenir la concentration en oxygène au dessus de 12 %.
Deux mélanges de gaz inertes sont commercialisés depuis quelques années comme agents d'extinction utilisables en noyage total : ce sont l'Inergen et l'Argonite.
Purge
La purge peut être destinée à chasser d'un réservoir soit de l'air, soit des vapeurs combustibles, afin de créer une atmosphère sans risque lors du remplissage ou préalablement à des interventions de maintenance.
L'opération consiste :
- soit à appauvrir progressivement l'air jusqu'à ce que sa teneur en oxygène dans l'enceinte soit descendue à la valeur voulue pour que l'inflammation devienne impossible. Il existe, pour chaque combustible, une valeur limite d'oxygène - que nous appellerons Lo - au-dessous de laquelle la combustion ne peut avoir lieu. Cette valeur varie également pour chaque gaz inerte utilisé en dilution ; les valeurs déterminées pour le dioxyde de carbone sont supérieures à celles déterminées pour l'azote ; - soit à opérer le balayage d'une enceinte ayant contenu un gaz ou un liquide combustible au moyen d'un gaz inerte, afin qu'on puisse l'aérer sans risque. On cherchera alors à réduire la teneur en combustible jusqu'à une concentration - que nous appellerons Lc - en-dessous de laquelle le mélange gaz combustible/gaz inerte devient ininflammable lorsqu'il est dilué dans l'air en proportions quelconques.
Il y a évidemment une corrélation étroite entre Lo, Lc et la limite inférieure d'inflammabilité du gaz inflammable considéré dans l'air.
Le gaz inerte est injecté en un point de l'enceinte, tandis que l'air et/ou les vapeurs sont simultanément évacués. On procède, généralement en fonction de la taille du réservoir :
- soit selon la théorie de la diffusion instantanée ; le gaz inerte est alors injecté sous débit élevé et diffusé de manière pratiquement instantanée dans l'enceinte où la teneur en oxygène diminue alors exponentiellement en fonction du volume injecté ; - soit selon la théorie de l'effet piston ; introduit à une vitesse modérée, le gaz inerte ne se mélange pas avec l'atmosphère préexistante, mais la chasse devant lui, à l'exception d'une petite zone de diffusion devant le piston ; cette méthode est beaucoup plus économique que la précédente, mais elle est plus lente.
Inertage
C'est une technique d'usage courant en matière de prévention. On l'emploie sur des réservoirs de liquides inflammables pendant toute la durée de leur exploitation, sur des réacteurs, des broyeurs, des installations de transport pneumatique de poudre.
Elle consiste à maintenir en permanence la teneur en oxygène de l'atmosphère à une valeur au plus égale à la valeur limite Lo évoquée ci-dessus.
Pour disposer d'une marge de sécurité, la teneur en oxygène doit être abaissée en dessous de la valeur limite. Si la concentration en oxygène est contrôlée en continu, la règle NFPA 69 recommande d'observer généralement une marge de sécurité de 2 % en volume au-dessous de la valeur limite indiquée (si cette valeur-limite est inférieure à 5 %, on maintiendra la teneur en oxygène à 60 % de la valeur limite). Si la concentration en oxygène est contrôlée seulement de manière ponctuelle, on veillera à ce que la teneur en oxygène soit maintenue à moins de 60 % de la valeur limite (ou à 40 % de cette valeur si elle se situe en dessous de 5 %).
Le débit de pointe doit être calculé avec soin pour éviter toute entrée d'air intempestive. Il faudra souvent maintenir l'appareil inerteur en surpression, le manomètre de commande de celui-ci servant aussi à la régulation du débit du gaz inerte.
Dans les installations de transport pneumatique de gaz, il sera souvent nécessaire de recycler le gaz d'inertage.
Extinction
Pour être menée à terme, l'extinction d'un feu au moyen d'un gaz inerte requiert un abaissement de la teneur en oxygène supérieur à celui nécessaire aux opérations de purge ou d'inertage. L'injection doit être aussi rapide que possible et réalisée de manière à obtenir une concentration de gaz la plus homogène possible. En outre, particulièrement dans le cas de feux profonds, la concentration en gaz inerte doit être maintenue le temps nécessaire à l'extinction complète, ce qui implique une bonne étanchéité de l'enceinte.
Les installations fixes d'inertage, d'extinction ou de purge sont constituées d'un ensemble de réservoirs, de réseaux de canalisations équipés de vannes et de diffuseurs à déclenchement automatique ou manuel. Tous ces équipements devront être mis à la terre.
Les mélanges de gaz inertes
Les mélanges de gaz inertes comme l'IG541 (appellation commerciale : Inergen) ou l'IG55 (appellation commerciale : Argonite, Argo55) présentent l'avantage de ne pas se décomposer à la chaleur et d'être totalement inoffensifs pour l'environnement.
Comme le CO2, ils agissent par étouffement du feu, en réduisant l'oxygène disponible, mais dans des proportions acceptables pour l'organisme (pas moins de 12 % d'oxygène). En revanche, il est indispensable de disposer d'un local spécifique de stockage des gaz, compte tenu de l'importance du volume nécessaire.
L'IG541 (Inergen) est un mélange d'azote (52 %), d'argon (40 %) et de dioxyde de carbone (8 %). L'IG55 (Argonite, Argo55), mélange d'argon (50 %) et d'azote (50 %).
Ces agents ne sont pas des gaz liquéfiés ; ils sont stockés à haute pression sous forme gazeuse.
La pression de stockage à 20 °C est de 153 bar ; la pression en sortie de buse est d'environ 40 bar.
La détente de ces gaz ne crée pas de choc thermique.
Leur densité, très voisine de celle de l'air, favorise le maintien de la concentration extinctrice dans les locaux protégés. Non conducteurs de l'électricité, ils sont utilisables sur des circuits électriques sous tension.
- Mode d'action
Comme les gaz inertes purs, les mélanges de gaz inertes agissent par étouffement du foyer en le privant d'oxygène. Utilisés à des concentrations de 35 à 50 % en volume, les nouveaux gaz inertes ont pour effet de réduire la concentration d'oxygène ambiant entre 14 et 10 % en volume.
La concentration maximale d'extinction autorisée par la règle NFPA 2001 pour l'usage dans les locaux occupés des gaz inertes est de 43 %, taux qui ramène la concentration d'oxygène à 12 % (une exception est faite pour les feux de classe B pour lesquels un taux de 53 % ramenant la concentration d'oxygène à 10 % peut être admis à condition que toutes précautions préalables soient prises pour l'évacuation).
Selon la règle NFPA 2001 :
- lorsque ces gaz sont employés en inertage d'atmosphères impliquant des liquides ou des gaz inflammables, le facteur de sécurité appliqué par rapport aux concentrations déterminées pour l'extinction expérimentale est de 10 % ; - lorsque ces gaz sont employés en tant qu'agents extincteurs pour les feux de surface de classe A ou les feux de classe B, le facteur de sécurité est de 20 %.
La quantité d'agent à émettre étant importante, la durée d'émission requise pour l'extinction est de l'ordre d'une minute.
- Domaine d'application
Les essais officiels menés par le laboratoire du feu et de l'environnement du CNPP ont prouvé l'efficacité de l'IG55 (Argonite, Ago55), l'IG541 (Inergen), l'IG100 (Cerexen), l'IG01 (Argotech, Argon) sur :
- les feux de liquides ; - les feux formant quelques braises ; - les feux de fileries électriques.
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