Fiche precedente 2.1.8. LES TRANSFERTS DE CHALEUR Fiche suivante

Le feu se transmet de proche en proche sous l'action des échanges par transfert de chaleur : rayonnement, conduction et convection, qui opèrent simultanément ou séparément.

Pour schématiser ces processus de transfert de chaleur à l'échelle du quotidien, on peut dire qu'un rôti cuit dans un four par rayonnement, un radiateur soufflant chauffe l'air par convection et un steak cuit dans une poêle par conduction.

Toutefois, la complexité des phénomènes intervenant dans un processus de combustion et leur interaction ne permettent pas de déterminer la quantité de chaleur diffusée par le rayonnement, la convection ou la conduction ni celle réutilisée à l'activation de la combustion (estimée aux environs de 10 %). Dans la réalité d'un incendie ces trois formes du transfert de l'énergie calorifique coexistent, interfèrent et agissent les unes sur les autres ou conjointement. Selon les circonstances de l'incendie, l'un de ces trois modes de transfert pourra paraître prédominer à un moment ou un autre du développement du feu.

Si l'on ajoute à ces incertitudes les paramètres liés à l'environnement, on comprend aisément la difficulté qu'il y a à prévoir l'évolution d'un incendie, celui-ci se développant dans un système mettant en jeu un grand nombre d'éléments.

LE RAYONNEMENT THERMIQUE

Plus le niveau de température d'un corps est élevé, plus ses atomes sont soumis à des vibrations dues à l'excitation thermique et plus il émet d'énergie sous forme de rayonnement électromagnétique. Ce rayonnement se propage en ligne droite, sans support matériel, à la vitesse de la lumière. Lorsqu'il atteint un corps, une partie de ce rayonnement est réfléchie, l'autre est absorbée et se transforme en chaleur dans le corps récepteur. Ce dernier, à son tour, dissipe l'énergie reçue, à la fois par convection et par rayonnement (vers d'autres corps plus froids que lui). Ce double phénomène produit le rayonnement thermique.

Ainsi, le rayonnement électromagnétique sert de relais ; il permet entre autres l'échange calorifique dans le vide spatial (chaleur solaire).

Les échanges thermiques entre deux corps sont d'autant plus rapides que leur différence de température est grande. On aboutit ainsi à une température d'équilibre lorsque le flux émis par un corps est égal au flux venant du récepteur. Cette température d'équilibre dépend de nombreux facteurs, en particulier de la couleur du récepteur et de l'émetteur. Si un corps est très absorbant, il sera très émissif et inversement. Le coefficient d'absorption est faible pour les corps blancs ou brillants et élevé pour les corps sombres. Le corps idéal, appelé « corps noir », qui absorberait totalement l'énergie incidente pour toutes les longueurs d'onde, n'existe qu'en théorie. Dans la réalité, le soleil ou un local soumis à l'inflammation généralisée représentent une bonne approximation de ce corps idéal.

La loi de Stephan Boltzmann

La quantité d'énergie calorifique émise par rayonnement électromagnétique dépend de la température absolue (un corps émet un rayonnement électromagnétique à partir du moment où sa température n'est pas égale au zéro absolu, soit - 273,16 °C ou 0 kelvin) atteinte par le corps en combustion et de l'état de la surface de ce corps. L'énergie transmise croît très vite avec la température, puisqu'elle est proportionnelle à la quatrième puissance de la température absolue, suivant la loi de Stephan-Boltzmann :

M = σ x T4

M : émittance ou énergie rayonnée par unité de temps et par m2 de surface de corps émissif, exprimée en Watts/m2 (1 watt = 1 joule/seconde) ;

σ : constante de Stephan-Boltzmann = 5,67.10-11 ;

T : température absolue, exprimée en kelvin (K = °C + 273)

Ainsi, en passant de 20 °C - soit 293 K - à 900 °C - soit 1 173 K -, température rapidement atteinte lors d'une combustion, la température absolue étant multipliée par un facteur 4, l'énergie rayonnée est multipliée par un facteur voisin de 250. L'inflammation à distance de corps non encore atteints par les flammes peut donc s'expliquer sans faire intervenir d'autres phénomènes, généralement aggravants.

Applicable au corps idéal, cette formule est corrigée par un coefficient d'émission (e < 1) en fonction du corps émetteur. Ce coefficient, de 1 pour le soleil, est de 0,98 pour du caoutchouc noir, de 0,92 pour du béton, de 0,75 pour du cuivre dépoli, de 0,08 pour du cuivre poli.

Les échanges thermiques par rayonnement entre deux corps sont donc, suivant la loi de Stephan-Boltzmann, proportionnels à la différence des puissances 4 de leurs températures absolues, ceci jusqu'à une valeur telle que l'énergie réémise soit égale à celle qui est absorbée.

LE FLUX THERMIQUE

Toutefois, la quantité d'énergie, ou flux thermique, qui arrive à une certaine distance du foyer décroît en fonction de cette distance. Dans des conditions bien définies, le flux thermique est inversement proportionnel au carré de la distance. En pratique, la décroissance du flux en fonction de la distance du foyer est souvent moins rapide que ne le prévoit la théorie. Toutefois, pour donner un ordre de grandeur, on peut considérer que la majorité des matériaux peuvent s'enflammer en présence d'une flamme pilote lorsqu'ils sont soumis à un flux thermique de 20 kW/m2.

Ainsi, l'échauffement ou l'inflammation d'un élément va émettre vers les éléments voisins un flux thermique qui sera susceptible de les enflammer à leur tour. C'est ce phénomène qui a conduit le législateur à imposer une règle d'éloignement des immeubles entre eux.

Effet de flux thermique 

Flux thermique (KW/m2)

Effet

0,7

Coup de soleil pour une exposition de très longue durée sans protection ni préparation.

1

Rayonnement solaire en zone tropicale.

1,5

Seuil maximum en continu pour des personnes non protégées.

2

Douleur en 1 minute.

Exposition de 40 à 140 secondes, avec un temps moyen de 100 secondes, rougissement de la peau.

2,5

Les personnes normalement habillées, sans fragilité particulières, peuvent s'exposer plusieurs minutes en bougeant.

3

Exposition de 1 minute, début d'apparition de cloques sur les peaux très sensibles.

Seuil légal pour les ERP.

5

Cloques possibles pour des expositions de 20 à 90 secondes.

Seuil légal pour les habitations.

10

Douleur en 5 à 10 secondes. Brûlures du 2e degré en 40 secondes.

Pour une exposition de 50 secondes, 1 % de décès.

15

Pyrolyse de certains matériaux et début d'émission de vapeurs inflammables qui peuvent s'enflammer selon les circonstances (contacts de flammèches, brandons enflammés).

20

Tenue du béton plusieurs heures.

La température atteint 100 °C à 3 cm dans le béton en 45 minutes.

Inflammation possible de certains plastiques.

25

Inflammation possible de certains bois secs.

30

Conditions de l'essai réglementaire de réaction au feu, en présence d'une flamme pilote.

50

Brûlures immédiates et 1 % de décès après une exposition de 10 secondes.

100

La température atteint 100 °C à 10 cm dans le béton en 3 heures.

Seuils à retenir dans les études de dangers (arrêté du 22 octobre 2004)

Effets thermiques

Seuil à retenir dans les études de dangers

Exemples de scénarios majeurs générant les effets

sur les structures

5 kW/m2, seuil des destructions de vitres significatives

8 kW/m2, seuil des effets domino et correspondant au seuil de dégâts graves sur les structures

16 kW/m2, seuil d'exposition prolongée des structures et correspondant au seuil des dégâts très graves sur les structures, hors structures béton

20 kW/m2, seuil de tenue du béton pendant plusieurs heures et correspondant au seuil des dégâts très graves sur les structures béton

200 kW/m2, seuil de ruine du béton en quelques dizaines de minutes

Incendie d'entrepôt

Feu de nappe (liquides inflammables)

BLEVE (Boiling Liquid Expanding Vapor Explosion)

BOIL OVER

sur l'homme

3 kW/m2, seuil des effets irréversibles correspondant à la zone des dangers significatifs pour la vie humaine

5 kW/m2, seuil des premiers effets létaux correspondant à la zone des dangers graves pour la vie humaine

8 kW/m2, seuil des effets létaux significatifs correspondant à la zone des dangers très graves pour la vie humaine

LA CONVECTION

L'énergie thermique peut être transférée par l'intermédiaire d'un fluide en mouvement. Dans le cas de l'incendie, les échanges de chaleur par convection se font essentiellement à partir des gaz de combustion vers l'air ambiant. Les fluides se dilatent avec la chaleur et leur masse volumique diminue. Devenus plus légers que les parties qui l'entourent, ils s'élèvent par rapport à elles. Le volume libéré par ce mouvement est comblé par une partie du fluide qui se trouve encore à une température plus basse.

Ainsi, le champ de température généré entraîne une poussée d'Archimède qui met en mouvement vers le haut les parties les plus chaudes du fluide. Les échanges d'énergie engendrés par ces contacts créent des différences de densité des masses gazeuses entraînant des mouvements ascensionnels. Ce sont les courants de convection. Sont entraînés dans ce panache où se forment des tourbillons : les gaz brûlés, l'air et divers produits de combustion.

Dans un foyer, dont la température peut facilement atteindre 1 000 °C, la masse gazeuse subit, dans la région de la flamme, des dilatations considérables et sa densité diminue. Les courants ascendants sont alors très énergiques, provoquant à leur tour l'arrivée compensatrice de l'air frais à la base du foyer. Ce phénomène de tirage active le feu, apportant continuellement l'oxygène frais nécessaire à la combustion, créant, dans le cas de sinistres importants, un courant violent appelé « vent d'incendie ».

LA CONDUCTION

C'est le phénomène par lequel la chaleur est transmise par contact direct entre solides ou fluides en repos, des parties chaudes vers les parties froides, jusqu'à uniformisation de la température. Pour les solides, l'élévation de température correspond à un accroissement de l'énergie de vibration du réseau cristallin et, pour les fluides, à une transmission d'énergie cinétique opérée par les chocs entre les molécules.

La quantité d'énergie thermique transférée par conduction entre deux corps est fonction de la source de chaleur, de la conductibilité du matériau et de la surface de contact. Le solide chaud, ayant une amplitude et une fréquence moyenne de vibrations supérieures à celles du solide froid, va transmettre un flux thermique proportionnel à la surface de contact entre les deux corps. Ce flux sera d'autant plus important que le corps chaud sera apte à transmettre ces vibrations dans un temps donné.

La loi de Fourier

La quantité de chaleur qui traverse une surface en un temps donné s'exprime par la relation (loi de Fourier) :

 

où, dans le cas d'un élément de matériau homogène d'épaisseur L, une face a été portée à la température t1 et l'autre face à la température t2, inférieure à t1;

E : étant l'énergie transmise par unité de temps (en joule/seconde ou Watt),

S : étant la surface d'une face,

λ : étant le coefficient de conductibilité thermique ou « conductivité thermique » ; il caractérise l'aptitude d'un matériau à transmettre l'énergie calorifique par conduction à travers sa propre masse. Il s'exprime en Watt/m/°C.

Plus le coefficient de conductibilité thermique est élevé, plus le transfert de chaleur s'effectue rapidement. Ce coefficient croît très sensiblement en fonction de la température, améliorant ainsi la conductivité des corps mauvais conducteurs.

La conductivité thermique des solides est supérieure à celle des fluides. À titre d'exemple, à 20 °C, celle du cuivre est d'environ 400 W/m, celle du fer 60 W/m, celle du plâtre 0,4 W/m, celle du bois 0,12 à 0,35 W/m, celle de l'air immobile 0,024 W/m. Cette caractéristique trouve son application dans la composition des matériaux isolants constitués d'alvéoles contenant de l'air. Lorsque des parois sont thermiquement peu isolantes, les déperditions calorifiques par conduction sont importantes, ce qui conduit à des températures d'incendie plus faibles. Inversement, avec des parois très isolantes, ayant donc une faible conductivité thermique, les températures du local incendié seront plus élevées.

Toutefois, le phénomène de conduction ayant un caractère inéluctable, si un matériau mauvais conducteur peut ralentir le transfert de chaleur, il ne pourra pas l'arrêter. Aux pertes près, l'énergie calorifique reçue sera diffusée dans toute sa masse. L'égalisation des températures ne sera qu'une question de temps.

Outre la conductivité thermique d'un matériau, il faut tenir compte de sa densité et de sa chaleur spécifique (quantité d'énergie nécessaire pour élever 1 kg de ce matériau d'1 °C), c'est-à-dire de sa « capacité thermique » ou quantité de chaleur nécessaire pour élever une unité de volume de ce matériau à une température donnée.

Le nombre de Fourier

Une notion intéressante d'un point de vue pratique est la « constante de temps » (dite nombre de Fourier) de l'épaisseur d'un matériau. Si une face de ce matériau est instantanément portée à une certaine température connue, la température d'un point situé à une profondeur d de ce matériau va s'élever de manière significative au bout d'un temps défini par la relation :

A : étant proportionnel à la chaleur massique et à la densité du matériau,

d : étant la distance qui sépare le point observé de la face chauffée,

λ : étant le coefficient de conductibilité.

Cette « constante de temps », proportionnelle au carré de la distance, mesure, en quelque sorte, l'inertie thermique du matériau. On peut donc dire, d'une manière générale, que le temps pendant lequel un matériau résiste aux effets de la chaleur croît plus vite que son épaisseur grandit. Ainsi, si l'on double l'épaisseur de ce matériau et que l'on porte les deux faces externes à la même température, le champ de températures mettra quatre fois plus de temps pour y pénétrer. La chaleur ne se propage donc pas à vitesse constante. Cette propriété est mise à profit pour la construction d'éléments coupe-feu dans les bâtiments.

Fiche precedente retour haut de page Fiche suivante