Fiche precedente 2.2.1. LES DANGERS ET LES RISQUES LIÉS
À L'UTILISATION ET AU STOCKAGE DES PRODUITS
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Généralités

Cette fiche étudie les dangers et les risques liés au stockage et à l'utilisation des produits chimiques les plus couramment rencontrés dans les activités industrielles et commerciales.

Ne sont pas traités :

Souvent confondues, les notions de danger et de risque seront utilisées ici avec le sens suivant :

Les dangers

Les dangers liés à la mise en œuvre des produits chimiques peuvent être examinés de quatre points de vue :

La toxicité

La gestion des postes de travail, le suivi médical des opérateurs sont du ressort de la médecine du travail.

Les dangers qui sont examinés ici concernent :

L'inflammabilité

Elle peut se traduire, selon les cas, par un incendie ou une explosion. Il s'agit là d'un danger très général où peuvent être impliqués (comme le montrent les fiches correspondantes) de nombreux produits chimiques bien différents des combustibles traditionnels.

La réactivité

Propriété commune, sous diverses formes à beaucoup de produits chimiques (qui justifie en général leur emploi), elle peut se manifester par une toxicité ou un incendie, mais également par les phénomènes de corrosion de structures de toutes sortes (et pas seulement métalliques) et de brûlures chimiques. Enfin la mise en contact accidentelle de nombreux produits chimiques entre eux se traduit souvent par la perte de la propriété utile, par réaction, des produits concernés (couples acide-base, oxydant-réducteur).

Le cas le plus simple et le plus fréquent de ce type d'accident est la mise en contact avec l'air qui peut agir par les éléments qu'il contient :

L'environnement

Les rejets, accidentels ou non, de produits dans l'environnement présentent des dangers très variables en nature et en importance. Les principaux facteurs à prendre en compte ici, vis-à-vis de la faune et de la flore, sont :

Beaucoup de connaissances ont été acquises ces dernières années sur le comportement de nombreux produits dans le milieu naturel. Le plus grand nombre de données disponibles concerne le milieu aquatique. Le comportement dans l'atmosphère et surtout dans le sol, est moins bien documenté. Les fiches de données préparées par les producteurs intègrent progressivement le progrès des connaissances dans ce domaine. Elles doivent être consultées, après mise à jour, le cas échéant.

Conditions de développement d'un risque

Les dangers dépendent pour l'essentiel de la nature des produits en cause. Ils sont décrits spécifiquement dans les fiches produits et résumés, de manière globale, dans les fiches catégorielles.

Le développement d'un risque correspondant à un danger spécifique va dépendre d'un certain nombre d'autres facteurs généraux dont il est nécessaire de bien connaître et comprendre l'importance.

Nous étudierons successivement ici l'influence des quantités, des concentrations, des températures et des pressions.

Les quantités

Il va de soi que les inconvénients d'une réaction dangereuse dépendent dans une large mesure des quantités mises en jeu. C'est d'ailleurs la raison de l'augmentation de la sévérité, en fonction des quantités, de nombreuses réglementations. C'est la raison pour laquelle, aussi, on conseille de fractionner les stockages et de n'introduire dans les ateliers de production que les quantités nécessaires au travail journalier. Beaucoup de réactions sont fortement exothermiques. Si peu de produits sont impliqués, l'élévation de température sera insuffisante pour déclencher un incendie. Inversement, de grandes quantités en jeu, non seulement feront démarrer, mais encore activeront l'incendie par leur apport thermique ; ce sera le cas général des mélanges d'oxydants et de réducteurs.

Les réactions acides-bases, sans pouvoir conduire à un incendie pourront cependant, de par leur violence, provoquer de grands dégâts.

Les réactions d'acides sur le fer, des bases sur les métaux légers, dégagent de l'hydrogène. Ici encore, l'expérience a montré que dans le cas d'un désastre important, l'explosion de l'hydrogène produit en grande quantité peut conduire au drame. C'est ce qui s'est passé à Tchernobyl, faute d'un confinement adéquat, et ce qui a été évité à 4 Three Mile Island.

Pour fixer les idées, quelques gouttes d'acide chlorhydrique (HCl) sur une poutrelle de fer ne fera qu'une corrosion sans importance mais la réaction complète d'un litre d'acide chlorhydrique concentré (à 1,3199 mg/l) sur 1 kg de fer dégage 100 litres d'hydrogène qui mélangés à 1 mètre cube d'air peuvent provoquer une explosion d'une rare violence.

Le risque sera malgré tout limité en atmosphère libre et ventilée car l'hydrogène, gaz très léger, s'élève et se diffuse rapidement.

La concentration

La concentration ou la dilution des réactifs peut englober diverses situations parfois contradictoires. Sont examinées ci-après celles des liquides et des solides.

La présence, ou l'absence, d'eau tout d'abord est un facteur essentiel pour de nombreuses réactions. Les grandes dilutions réduisent leur violence, ne serait-ce qu'à cause de l'absorption par l'eau de la chaleur dégagée. Ceci est particulièrement vrai pour les acides et les bases mais également pour certains oxydants : l'eau oxygénée et l'eau de javel concentrées (à 100 volumes) sont dangereuses ; diluées (à 10 volumes), elles sont l'une et l'autre employées en pharmacie.

A l'inverse, dans certains cas, la présence de l'eau est nécessaire pour que se produisent certaines réactions. L'acide sulfurique (à 65° Bé) pur n'attaque pas le fer alors que, dilué, il le dissout rapidement.

Certains acides minéraux solides et anhydres : l'acide sulfamique, le sulfate acide de potassium sont inactifs. Il en est de même des acides organiques solides (acide citrique, acide tartrique). Tous ces produits ne réagissent qu'en présence d'eau. Les cachets effervescents qui en contiennent, avec du bicarbonate de soude, ne se dissolvent que lors qu'on les plonge dans l'eau ; les détartrants solides n'agissent de même qu'en présence d'eau.

L'air est de l'oxygène dilué (à 20 % dans l'azote), les réactions d'oxydation n'y sont pas trop violentes. Elles le deviennent dans l'oxygène pur. Avec le cas de l'air, on n'est pas loin de la limite inférieure de combustibilité puisqu'à 15 % seulement d'oxygène, un air appauvri n'entretient plus une combustion.

L'air contient environ 350 ppm de dioxyde de carbone qui est un acide faible, légèrement soluble dans l'eau. C'est la raison pour laquelle une pluie naturelle est légèrement acide (pH de 6,5 environ). Cette extrême dilution est cependant suffisante pour, avec le temps, contribuer au lent phénomène de l'érosion.

Le cas des solvants organiques est différent. Si ceux-ci sont largement utilisés dans l'industrie chimique pour réaliser (et pour orienter avec précision parfois) des réactions, ailleurs, ils ne servent qu'à extraire, purifier ou mettre en œuvre et augmenter l'efficacité d'autres produits. C'est le cas en particulier des produits pharmaceutiques, phytosanitaires, des peintures, des produits d'entretien et de nombre d'autres produits à usage industriel.

Du point de vue toxicologique, il faut retenir que tout solvant, eau ou organique, permettant le contact parfait avec les muqueuses est un agent d'aggravation de danger ; les solvants organiques en particulier, peuvent être un agent de transfert efficace de substances dangereuses vers la circulation sanguine. Le lavage abondant à l'eau, presque toujours conseillé, en revanche, diminue le risque par son effet dilutif.

Un autre aspect de l'influence de la concentration concerne les produits solides. C'est ici la forme particulaire qui intervient, se traduisant en définitive par une augmentation considérable de la surface offerte à des réactions possibles par une certaine quantité de matière. En effet, lors qu'on découpe un cube d'un litre de volume (dont la surface est 600 m2, soit 0,06 m2) en mille petits cubes de 1 cm3 et d'une surface de 6 cm2 chacun, on a multiplié la surface de ce cube de matière par 10 (soit 0,6 m2). Un calcul simple montre qu'en divisant ce litre en cubes de 1 micron (1 millième de millimètre) de côté, sa surface totale atteint 6 000 m2. La surface de contact où des réactions sont susceptibles de se produire devient énorme et certaines réactions habituellement très lentes deviennent très rapides. Ceci a une importance pratique considérable. Le fer à l'état très divisé devient pyrophorique, il s'enflamme spontanément à l'air. Le blé en tas ne brûle pas mais la farine, dispersée dans l'air, peut donner des explosions de poussières catastrophiques. Un morceau de soufre est inactif mais la fleur de soufre (ou le soufre micronisé) est un fongicide efficace. Enfin d'un simple point de vue mécanique, seules des particules très petites peuvent pénétrer jusque dans les alvéoles pulmonaires (et le phénomène est ici irréversible contrairement à ce qui se passe dans les bronches). Il ne s'agit pas d'un phénomène lié à la concentration de la matière mais plutôt à son état.

La température

La vitesse (allant jusqu'à la violence explosive) de la plupart des réactions chimiques augmente avec la température. Mais cette influence est plus ou moins prononcée suivant les cas. Les réactions entre les acides et les bases forts sont rapides dès la température ambiante. En revanche beaucoup de réactions d'oxydation ne démarrent vraiment qu'au-dessus d'un seuil. L'estimation de ces seuils se fait par la mesure du point éclair et de la température d'auto-inflammation.

Par ailleurs, beaucoup de réactions sont exothermiques. Elles dégagent de la chaleur qui, augmentant la température du milieu, accélère le processus. Une dilution importante par l'eau, dont la capacité calorifique est très élevée, évite l'emballement de nombreuses réactions ; c'est spécialement le cas, on l'a vu au chapitre concentration, pour les réactions entre acides et bases.

La pression

Elle est un paramètre important dans de nombreux procédés de l'industrie chimique. Dans les situations qui nous occupent ici, la pression est un facteur de risque non négligeable qui se présente de plusieurs manières.

L'élévation de température en milieu confiné provoque la décomposition de certaines substances instables. Les chocs qui se traduisent par une élévation brutale et ponctuelle de pression sont la cause du même phénomène, ou de la réaction explosive d'un mélange, stable dans les conditions normales, d'un oxydant et d'un réducteur (le cas extrême est celui des poudres et explosifs).

Les situations les plus fréquentes sont celles des gaz et des liquides contenus dans des récipients sous pression. Deux cas doivent être distingués : les gaz sous pression, les gaz liquéfiés. Leur comportement dépend, pour l'essentiel, d'une part de la nature du produit lui-même et d'autre part des variations de température qu'il subit.

Ce sont des gaz dont la température d'ébullition est très inférieure à la température ordinaire (en dessous de - 150 °C). En pratique il s'agit essentiellement de l'oxygène, de l'argon, de l'azote et, bien sûr, de leur mélange : l'air. Pour en stocker une quantité suffisante, il faut les comprimer, en général dans des bouteilles cylindriques, sous une pression élevée : de l'ordre de 150 bar. Leur exposition à la température présente un danger limité, au moins jusqu'à 250 °C. En effet, la pression interne de ces gaz (quasi parfaits) ne s'élève que lentement avec la température. En gros, il faut que la température passe de l'ambiante à environ 300 °C pour que la pression interne des bouteilles double, tout en restant très inférieure à la limite de résistance ultime des récipients. La pression d'épreuve des bouteilles les contenant étant 1,5 fois la pression de service, on voit que ces récipients, même exposés à la chaleur, peuvent être évacués sans risque majeur, même si leur température atteint 100 ou 150 °C.

Naturellement l'exposition à des températures très élevées fera naître un autre danger : l'explosion des récipients résultera de la diminution brutale des caractéristiques de résistance mécanique du métal.

On regroupe sous ce terme un assez grand nombre de produits dont les points d'ébullition ne sont pas très éloignés de la température ordinaire : entre - 50 °C (propane - 42 °C) et 20 °C.

Sous une pression modérée (quelques bar à 20 °C), on peut les conserver sous forme liquide et disposer ainsi d'une quantité importante de produit sous un petit volume (ainsi un litre de propane ou de chlore liquides correspond à 250 à 300 litres environ de produit gazeux). En outre ceci permet, contrairement au cas des gaz comprimés, d'obtenir, à température constante, un débit de gaz à pression constante, tant qu'il reste de la phase liquide dans le récipient.

Cependant, les récipients contenant des gaz liquéfiés ont leur pression interne qui s'élève rapidement en fonction de la température comme on peut le voir dans les cas de l'anhydride sulfureux (SO2) et du chlore (Cl2).

 

SO2

Cl2

3,5 bar

à

20 °C

5 bar

à

10 °C

10 -

-

55 °C

10 -

-

55 °C

30 -

-

100 °C

20 -

-

65 °C

60 -

-

140 °C

40 -

-

100 °C

 

Les principaux produits organiques utilisés sous forme de gaz liquéfiés sont les hydrocarbures halogénés (chlorométhanes, chlorofluorométhanes et éthanes) ainsi que le propane et le butane largement utilisés comme combustibles mais également comme gaz propulseurs de produits sous forme aérosol. Lorsque des petits emballages de ces produits sont impliqués dans un incendie, le risque d'explosion est évident surtout lorsque les récipients ne sont pas monoblocs (sertissage du diffuseur et du fond).

Fréquemment rencontrés, car leurs emplois sont nombreux, aussi bien dans les ménages que dans l'industrie, ils revêtent diverses formes et sont d'une dangerosité variable.

Les gaz liquifiés et dissous correspondent à la catégorie la plus répandue de produits aérosols. Dans ce cas, le gaz peut à la fois agir en tant que propulseur par la pression interne de l'emballage, en tant que pulvérisateur du produit en fines gouttelettes (aérosol) par détente brusque à l'orifice du diffuseur et enfin en tant que solvant des substances actives dans la phase liquide. Les substances halogénées, le propane et le butane sont ici largement utilisés. Les solvants peuvent être des alcools (laques pour cheveux), du kérosène (insecticides), des solvants oxygénés (peintures). Cependant, dans le récipient, le mélange du propulseur et d'un solvant a une pression inférieure à celle qu'aurait du propulseur s'il était pur. Lorsque les formulations sont aqueuses on est en présence de deux phases liquides qui doivent être émulsionnées (agiter avant l'emploi).

Les gaz comprimés en aérosols se rencontrent surtout dans le domaine des produits pharmaceutiques, en général couplés avec une valve doseuse pour limiter le risque de dépressurisation complète. Ces conditionnements, de petite taille, dont les produits, sous azote, sont souvent incombustibles et ne présentent qu'un risque limité en cas d'incendie.

Le cas de l'acétylène, enfin, est pratiquement unique car il rassemble les dangers d'incendie et d'explosion et, surtout, le risque correspondant devient rapidement considérable pour une élévation très modérée de la pression. Dans l'industrie chimique (où l'acétylène est de moins en moins employé) on considère que le risque d'explosion spontanée apparaît dès que le produit est sous une pression de deux bar seulement. C'est pour limiter ce danger que l'acétylène est dissous dans un solvant : l'acétone ou la diméthylformamide, lui-même absorbé sur une terre de diatomée : le Kieselguhr.

Un emballage qui contient un liquide bouillant à haute température, 100 °C par exemple, n'est pas toujours sans pression. Il ne l'est qu'au moment de son remplissage et de sa fermeture, si ceux-ci ont été effectués à la température ambiante. Si le récipient voit ensuite sa température s'élever, sa pression interne va augmenter lentement jusqu'à la température d'ébullition du produit. Elle sera alors de 1 bar et suffira à faire sauter un bouchon ; les vapeurs qui commencent à se produire en abondance, pourront donner lieu à un accident, surtout si elles sont lourdes et inflammables.

Dans le système international des unités physiques (SI), l'unité de pression est le pascal (Pa). Cette unité correspond à une pression très faible qui n'est que, environ la cent millième partie de la pression atmosphérique. C'est pourquoi on accepte en pratique d'utiliser une unité dérivée : le bar qui vaut 100 000 pascals.

Le bar est équivalent, à un pour cent près, à la pression atmosphérique. C'est cette unité qui sera utilisée dans le présent ouvrage pour la clarté de sa signification et la simplicité de son écriture.

 

Nom

Symbole

Equivalence en système international

Pascal

Pa

1 kPa = 1 000 Pa

Bar

bar

1 bar = 100 000 Pa

1 mbar = 100 Pa

Livre par pouce carré

PSI

1 PSI = 6 894, 76 Pa

Atmosphère

atm

1 atm = 101 325 Pa

Torr

torr

1 torr = 133,322 Pa

Kilo force par cm2

kgf/cm2

1 kgf/cm2 = 98 066,5 Pa

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