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2.1.16. LES DIFFÉRENTS TYPES D'EXPLOSION | ![]() |
LES EXPLOSIONS EN PHASE CONDENSÉE
Certaines substances utilisées dans les processus chimiques pour la fabrication de produits comme les matières plastiques, les engrais, etc. sont susceptibles de se décomposer violemment selon un régime de déflagration ou de détonation. Ce sont, par exemple : des oxydants puissants (l'oxygène liquide, le nitrate d'ammonium, le peroxyde d'hydrogène, les chlorates, les perchlorates, l'acide nitrique fumant, les permanganates, certains oxydes inorganiques...), des matières réagissant violemment avec d'autres en donnant des gaz inflammables (sodium ou potassium avec l'eau, hydrures métalliques, certains carbures métalliques...), des matières pouvant donner lieu à des décompositions explosives (nitrocellulose, peroxydes organiques).
Les substances explosives liquides ou solides qui sont conçues dans le but de produire des explosions (propulsion, carrières, travaux, matériel militaire) sont, elles, instables par nature et se décomposent instantanément en éléments gazeux. Suivant la vitesse à laquelle elle se produit, leur décomposition donne des réactions plus ou moins violentes. La vitesse de décomposition des explosifs détonants est supérieure à 2 000 m/s. Ces explosifs par destination sont généralement composés conjointement d'éléments comburants renfermant de l'oxygène (nitroglycérine, nitrate ou chlorate de sodium ou de potassium, nitrate ou perchlorate d'ammonium) et d'éléments combustibles (charbon, paraffine, dérivés nitrés organiques, matières plastiques). Pour des raisons pratiques ou pour atténuer la violence de la réaction, on y incorpore parfois des substances inertes : c'est le cas, par exemple de la dynamite qui est de la nitroglycérine mélangée à du Kieselguhr.
Certaines substances ayant une vitesse de décomposition lente ne donnent lieu qu'à des déflagrations, sans phénomène mécanique et sans bruit notable. Les explosifs ayant une vitesse de décomposition très élevée donnent lieu à des réactions très brutales, fortement exothermiques, à condition que la forme soit convenable et que la masse explosive soit suffisante. Cette « masse critique » varie beaucoup d'un explosif à l'autre : de quelques grammes pour l'azoture de plomb par exemple, à environ une tonne pour le trinitrotoluène (TNT). Ainsi ces substances, déflagrantes ou détonantes, sont elles divisées en « explosifs primaires » et « explosifs secondaires », les premiers étant souvent utilisés pour la mise à feu des seconds dont ils constituent le détonateur. L'énergie d'activation nécessaire à la décomposition de l'explosif revêt le plus souvent la forme d'un choc mécanique ou d'un échauffement.
La détonation des explosifs solides ou liquides s'accompagne d'une très forte élévation de la pression, de l'ordre de 104 à 106 bar. L'énergie libérée par la décomposition de ces substances provient essentiellement de la combustion du carbone et de l'hydrogène qu'ils renferment.
LES EXPLOSIONS EN PHASE GAZEUSE D'ORIGINE PHYSIQUE
L'explosion d'origine physique est en fait l'éclatement d'un récipient ou d'une conduite sous l'effet d'un excès de pression intérieure des gaz ou des liquides renfermés consécutif à un choc, une agression thermique externe ou un remplissage excessif. Ce phénomène est donc lié à l'insuffisance de résistance mécanique du contenant, sans qu'aucune réaction chimique n'ait eu lieu. Le gaz pouvant occuper, après détente, environ 200 fois le volume qu'il occupait avant l'explosion, l'effet de souffle est évidemment important. En outre, si le gaz qui explose de cette façon est inflammable, l'explosion peut être suivie d'un incendie qui peut, à son tour, dans certaines conditions, générer un autre type d'explosion.
LES EXPLOSIONS EN PHASE GAZEUSE D'ORIGINE CHIMIQUE
Il n'y a pas, d'un point de vue théorique, de différences essentielles entre les explosions de mélanges gazeux et les explosions de corps condensés, mais les effets produits diffèrent sensiblement, en raison de l'écart important de la masse volumique des substances considérées. En effet, si la masse volumique des explosifs condensés se situe généralement entre 0,8 et 1,6 kg/l, celle des explosifs gazeux est de l'ordre de 0,001 kg/l (aux conditions normales de température et de pression). En conséquence, l'énergie libérée par les explosifs gazeux, dans l'unité de volume, est 1 000 fois moindre que celle des explosifs condensés, et les pressions engendrées sont 2 000 à 5 000 fois plus faibles. A noter que lorsque les gaz sont comprimés ils se comportent quasiment de la même manière que les explosifs condensés et que, à l'état non comprimé, malgré leur faible densité, ils produisent des effets destructeurs importants lorsqu'ils explosent dans un appareil ou dans un bâtiment.
Outre les conditions de concentration, de température, d'énergie d'inflammation et de confinement, il existe pour les gaz, une « pression-limite » en deçà de laquelle le phénomène d'explosion n'aura pas lieu. Il s'agit d'une notion relative, mais très utile en pratique pour les gaz mis en oeuvre dans l'industrie chimique.
Exception faite de certaines formules contenant un métal ou un halogène, les substances chimiques explosibles sont le plus souvent des compositions à base de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote, sous forme de gaz, vapeurs, brouillards ou poussières. Les réactions seront plus ou moins violentes selon le degré de confinement.
En milieu confiné, la majorité des produits inflammables sont concernés : hydrocarbures, solvants, poussières de métaux ou de matières organiques... Dans le cas, par exemple, d'un réservoir exposé à une agression thermique fait monter la pression à l'intérieur. Quand celle-ci dépasse la pression atmosphérique, elle peut provoquer la rupture du réservoir. Le gaz s'échappe alors à grande vitesse et peut parcourir des distances importantes ou se cantonner, le cas échéant, à l'intérieur d'un bâtiment. Si des obstacles favorisent la compression, il peut s'enflammer très rapidement et générer une forte onde de choc suivant le processus évoqué plus haut. Le phénomène est amplifié s'il y a déjà, à l'extérieur du réservoir une source d'inflammation.
Les poussières de matières organiques (particules de bois, cellulose, coton, céréales, sucre, lait) ou de produits chimiques (engrais, soufre, matières plastiques), en suspension dans l'air et les brouillards formés de fines gouttelettes de liquides inflammables (solvants, peintures) se comportent comme les gaz. Ils peuvent déflagrer plus ou moins violemment suivant la température, le taux d'humidité de l'atmosphère, la concentration du mélange et sa teneur en oxygène et l'énergie d'inflammation. Ce n'est qu'exceptionnellement que certaines poussières, comme celles de l'aluminium ou du magnésium peuvent, dans certaines conditions (à l'intérieur d'une canalisation, par exemple) atteindre un régime de détonation. Ces explosions ne donnent généralement pas lieu à une propagation en dehors du bâtiment. Le danger réside surtout dans la formation possible d'une boule de feu qui peut atteindre des dimensions bien supérieures à celles du contenant initial.
D'une manière générale, le régime de détonation est un phénomène assez rare dans les usines chimiques, sauf en présence d'hydrogène, d'oxyde d'éthylène ou d'éthylène.
A l'air libre, la rupture accidentelle d'une tuyauterie ou d'un réservoir permettant l'échappement d'un gaz ou la vaporisation d'un liquide inflammable donne lieu à la formation d'un nuage qui, dans la plupart des cas, se dissipe dans l'atmosphère. Si les conditions sont réunies, il peut s'enflammer, rester en régime de déflagration plus ou moins rapide en fonction de l'environnement (obstacles, turbulence, température), ou donner naissance à une onde de souffle provoquant des dégâts sur son passage. Toutefois, pour qu'une explosion de gaz se produise en plein air, a fortiori en régime de détonation, il faut des circonstances exceptionnelles : vallée étroite, atmosphère calme, longue période d'induction permettant la formation d'un nuage important et homogène... ou présence d'autres réservoirs qui seraient alors chauffés intensément.
LE BLEVE
Un cas particulier d'explosion est celui provoqué par la vaporisation quasi instantanée d'un liquide surchauffé. Les liquides concernés peuvent être aussi bien de l'eau que du gaz liquéfié. Le phénomène peut se produire dans des réservoirs ou des enceintes hermétiques ; suivant le cas et suivant la nature du liquide en cause, les effets seront plus ou moins destructeurs.
Le contact entre un liquide froid volatil et un liquide chaud non volatil capable de porter le premier à une température supérieure à sa température d'ébullition et proche de la surchauffe (température à laquelle le liquide bout spontanément) peut provoquer une nucléation homogène spontanée dans le liquide froid et sa vaporisation instantanée, accompagnée d'une onde de choc. Ce type d'explosion peut se produire au cours de certains processus industriels, par exemple, si l'on met en présence du métal fondu ou de l'huile avec de l'eau. Sachant qu'un mètre cube d'eau produit environ 1 700 m3 de vapeur, il est aisé d'imaginer l'ampleur du phénomène.
Dans une enceinte hermétique, les effets de ce type d'explosion, particulièrement catastrophiques si le liquide est inflammable, résultent de ce que l'on appelle un « BLEVE » (Boiling Liquid Expanding Vapour Explosion), soit une explosion de vapeur en expansion provenant de liquide en ébullition, ou, une « explosion de vapeur due à la décompression de liquide à l'ébullition » (H. Chaillot, IFP).
Si le phénomène de BLEVE peut survenir dans une chaudière ou un chauffe-eau, les cas les plus fréquents ont été recensés sur des réservoirs ou citernes contenant des gaz liquéfiés, notamment : GPL, propane, butane, ammoniac, gaz cryogéniques. Il peut s'agir soit de liquides accidentellement chauffés par une source d'énergie extérieure (le plus souvent lors d'un incendie consécutif à une fuite) au-delà de leur point d'ébullition à la pression atmosphérique normale, soit de liquides dont le point d'ébullition est en-dessous de la température ambiante et stockés sous pression.
La condition première pour qu'un Bleve survienne est la surchauffe du liquide dans une enceinte hermétique ; la seconde est qu'il se produise une soudaine chute de pression à l'intérieur de l'enceinte due, par exemple, à la rupture d'une soupape, une fissure causée par un choc ou l'éclatement du métal fragilisé par un échauffement externe. La troisième condition est qu'il se produise un phénomène de nucléation spontanée dans la masse du liquide provoquant instantanément la vaporisation violente d'une grande partie de ce liquide. Ce phénomène de nucléation n'a lieu que si, à l'intérieur du réservoir, la température limite de surchauffe (spécifique à chaque produit) a été atteinte provoquant, au moment de la dépressurisation, l'ébullition violente de la masse du liquide immédiatement suivie de sa vaporisation explosive (en quelques millièmes de seconde).
Les effets d'une telle explosion sont quasiment ceux d'une bombe. Le réservoir est détruit par l'onde de choc et des morceaux peuvent être projetés à une très grande distance. Outre les dégâts dus à la projection des fragments, la surpression engendrée par l'onde de choc peut détruire d'autres réservoirs et les bâtiments alentour, renverser des wagons chargés... et, bien entendu, provoquer chez l'homme des lésions irrémédiables ou mortelles. Si le BLEVE est provoqué par du gaz combustible liquéfié, il s'ensuit une inflammation impressionnante entraînant généralement la formation d'une boule de feu dont le diamètre peut atteindre plusieurs centaines de mètres et dont les radiations sont dévastatrices. En outre, des explosions secondaires peuvent se produire au sein du nuage formé par le mélange avec l'air du combustible libéré.
BLEVE (Enchaînement des événements)
UVCE = unconfined vapour cloud explosion
On distingue les BLEVE chauds des BLEVE froids. Lors d'un BLEVE chaud, la boule de feu s'élève, tandis que lors d'un BLEVE froid, ce n'est pas le cas. Dans le BLEVE chaud, le mélange combustible/air est plus favorable que dans le BLEVE froid. Pour le BLEVE froid, on considère généralement des distances d'effets de 10 à 15 % inférieures à celles du BLEVE chaud.
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